La réalité sociale se répète à l'infini. Les cycles de soumission des plus pauvres et de domination des plus riches est constante. Rien n'efface ni n'arrête la confiscation des pouvoirs par les plus fortunés. Ce sont eux qui phagocytent les moyens. A l'intérieur du processus, on retrouve toujours, et sempiternellement, ceux qui ont de l'influence comme actuellement par les médias qu'ils possèdent. Edward Bernays a tout à fait compris la puissance et l'efficience de la fabrique du consentement. Il en a publié aussi bien la méthode que l'exégèse dans "Propaganda" en 1928. Ce titre est devenu le livre de chevet de nombre de totalitaires, comme Goebbels, par exemple. D'autres en ont tiré des enseignements contre le totalitarisme, comme Noam Chomsky.
Mais l'âme de Bernays était noire et ses conceptions particulièrement matérialistes, cupides et néolibérales. Ses autres œuvres en témoignent. L'intention qui fait le moteur du monde dépend de nos représentations du-dit monde, et de soi dans ce monde. C'est de là que surgissent intérêts, goûts, priorités et objectifs personnels ou collectifs. C'est bien de celà qu’il s'agit ! Quant à changer le monde, personne ne s'en occupe vraiment. C'est justement aussi pour cela que j'écris et publie.
Dans ces conditions, l'alternative est la suivante : faut-il ouvrir le combat pour éviter de se laisser faire,... à moins que l'on admette que tout cela continue ? Nous choisirons le premier terme, et la logique rationnelle nous y invite. Nous ne prendrons toutefois pas de front la situation ! La stratégie et les sagesses anciennes nous proposent plutôt l'art de la "muléta", et donc plutôt l'art de l'esquive que l'affrontement. Dans ce dernier, il y en a toujours au moins un qui meurt. Et comme nous espérons que ce ne soit pas nous, nous avons tendance à y réfléchir à deux fois. J'avoue, en l'espèce, me sentir parfois vraiment partagé.
Que nous disent ces sagesses anciennes ? Le bouddhisme nous invite à considérer le karma. On nomme ainsi cet écho de l'univers qui renvoie les conséquences aux auteurs des actions en cause. Le Zen nous renvoie au wuwei, cet art du “non combat” qui, loin d'être une absence de réaction, se présente comme le "non agir". Cette option propose de laisser l'univers s'en charger. Il s'agit ici de "suivre le flux naturel des choses (voire l'ordre cosmique originaire) sans le perturber ni tenter de le modifier". C'est ce que décrit le taoïsme, sous la plume de quelques observateurs et exégètes. Dans cette posture, il s'agit aussi de laisser l'univers se charger de la tâche. En effet, comme nous sommes tous (et c'est vrai pour “l'ensemble”) reliés dans un "grand tout", il s'agit de laisser ledit univers agir selon la conscience universelle. C'est aussi ce que l'on croit comprendre de l'enseignement de Joshua, dit Jésus, dans son invitation à tendre l'autre joue.
Je pense également à cette démarche dite "non violente", que j'aime à nommer "en paix", qui a des origines diverses comme dans l'anabaptisme. On peut aussi raccrocher cette notion à tous les christianismes, en référence au sermon sur la montagne.
Le rapprochement avec les enseignements de Joshua, dit Jésus, est rappelé par le pasteur Adin Ballou, adepte du socialisme libertaire. On retrouve cette même association d'idées dans l'œuvre de Léon Tolstoï, développée de façon analogue par Gandhi, Martin Luther King, ou Nelson Mandela. Elle est aussi présente dans la théorisation de Lanza del Vasto, de Marshall Rosenberg et de bien d'autres adeptes aussi prolixes que bienveillants. Les sources patentes sont nombreuses, variées et diverses mais convergentes, jusque dans les actions internationales d'associations comme Mocica. Je pense aussi à toutes ces démarches dites "spirituelles" qui invitent à des pratiques concrètes, lesquelles "modèlent" le cerveau pour favoriser la lucidité, la paix et la compassion. Dont acte.
Toutes ces démarches ont en commun un fait : affirmer et soutenir que la paix est bien plus puissante que la violence quelle qu'elle soit. D'autres affirment avec aisance que l'amour est plus fort que tout ! Nous avons connu le mouvement hippie et celui des beatniks, tous deux adeptes de liberté, de bienveillance et d'amour de l'humanité. Si les forces de l'ordre les ont maltraités, ces mouvements n'ont provoqué aucun conflit et c'est déjà là une belle victoire. Ces mouvements sont à l'origine de bien d'autres expériences comme celle des communautés libres ou libertaires, ou encore autonomes. Ces militants pragmatiques ont réalisé des micros sociétés qui rebâtissent à côté de la société mortifère néolibérale le monde qu'ils espèrent. Et ces petits mondes prospèrent en toute discrétion jusqu'à ce qu'un jour ils soient suffisamment importants pour faire foi et loi.
Je pense aussi à tous ces individus bienveillants sans aucune étiquette politique ou religieuse, qui promeuvent la force de l'amour et de l'intuition à travers leurs travaux habituels. Je pense à Einstein, Carl Jung dont il était un ami, à Nelson Mandela, à Martin Luther King, à Gandhi et à bien d'autres moins célèbres qui, au quotidien, répandent cette force de paix et d'amour juste autour d'eux, sans tambour ni trompettes...
Chacun en connait et en a connu et nous nous sommes trouvé heureux en leur présence. Je repense pour ma part à ce moine ermite, Emmanuel de Floris, à Alberi, mon professeur d'italien, à l'abbé Perri, directeur de notre collège et lycée, à cet anarchiste, ancien combattant au Vietnam, réfugié sur le Larzac, à mon si bienveillant relecteur, Jacques Campargue très investi dans une célèbre communauté d'Emmaüs mais pas seulement, etc. Il en existe bien d'autres encore, et je suis convaincu que chacune et chacun élargira cette trop courte liste.
Ce monde est en marche. C'est bien là que les victoires se préparent dans l'ombre de l'intime et des relations de proximité. A chaque contrainte correspond une réponse bienveillante, car ceux que je combats deviennent des adversaires, sinon des ennemis, alors que ceux que j'accueille et considère deviennent des partenaires. C'est bien ce que Gandhi a choisi face à l'Anglais trop ou très puissant... C'est aussi Antoine de Saint-Exupéry qui écrivit cette formule : “ Si tu diffères de moi,... loin de me léser tu m'enrichis”. Une sorte de centre de l’union humaine qui élève aussi les cœurs comme les esprits…
In fine, nous pouvons dire que l'amour et la paix sont des pragmatismes efficaces. Physiologiquement, ces variables viennent de ce que l'on nomme aussi le "cerveau du cœur". Nous savons que la pratique technique de la "cohérence cardiaque" lui donne la primeur pour équilibrer tous les systèmes de notre corps. Dont acte et merci Saint-Ex. !




