"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Notre paradoxe sociétal (17 06)

En physique quantique, le tout est dans la partie, et, comme le dit Michel Onfray, chaque être humain revit et raconte toute l'histoire de l'humanité. Le parcours commence à l’incubation, et à la naissance, puis se prolonge dans les premiers pas, avec la “marche” et la socialisation de l'enfant. L'argument vaut jusqu’aux apprentissages, et se prolongera jusqu'à la mort (voire après). Nous n'apprenons que de l'autre, et l'humain représente bien cet être fragile né sans adaptation, a priori, à son milieu. L'humain est cet être inachevé, qui, né trop tôt, se trouve totalement inadapté à son environnement. Il lui faudra un long temps d'apprentissage, de caresses et d'acculturation, avant de pouvoir évoluer et se “débrouiller” dans son contexte de naissance.

De ce que je sais, ce n'est le cas d'aucun autre animal, à l'exception de singes et de marsupiaux. Le poulain, le veau, le chevreau ou l'agneau, à peine nés, cherchent à gambader et se dirigent tout seul vers les mamelles de leur mère. En revanche, sans l'autre et son contact physique, tactile et émotionnel, l'humain, quant à lui, meurt ! C'est par là que l'homme commence à construire la sensation de soi. C'est aussi ce que l'expérience interdite a montré. Des jumeaux, isolés dès la naissance, sans caresse ni lien social, juste nourris et lavés, ne survivent pas et meurent, faute de socialisation empathique, sensorielle et bienveillante. Une observation similaire a été conduite chez des primates dont les bébés privés de câlins mouraient ou témoignaient de déficiences cognitives graves. A contrario, l'abondance de contacts physiques favorise le lien social et la cohésion de groupes. On constate ce même phénomène chez nombre de mammifères, et on le suppose encore, chez d'autres espèces.

Ce monde moderne néolibéral “taylorise” tout, comme le dit le psychanalyste Rolland Gori. Il morcelle et parcélise tout travail jusqu'à le priver de tout sens. La spécialisation scientifique n'est dès lors qu'un éclatement de l'action de production. Cette organisation du travail se veut scientifique, mais demeure simplement mécaniste. Cette organisation taylorienne nous prive non seulement du regard global et total sur la réalité, mais aussi des expériences "aphysiques". Il faudra, comme le dit Thierry Janssen, "retrouver la plénitude de l'être recomposé". Nous en sommes loin !

Aussi, le “tout libéral" introduit-il des notions de concurrence, de compétition, de croissance, de progrès, d'accaparation et de matérialité comme des “indiscutables”. On retrouve ici les dogmes néolibéraux auxquels tous doivent se soumettre. Ce sont les mêmes que chacun doit intégrer, tels quels, dans sa conscience. Il faudra alors, quitter Démocrite et son approche matérialiste du monde. Pour lui, seule la matière existe, se mesure et se divise jusqu'à l'atome. Peut être serait-il le père inconnu du matérialisme néolibéral ?...

Comme l'avait théorisé le sociologue Alvin Toffler dans "Guerre et contre guerre" (Fayard 1994), chaque employé actuel est un sous-traitant de l'organisation. C'est bien là la volonté des néolibéraux : faire de chaque collaborateur un acteur "abnégationnel" du projet, totalement acculturé à la logique mathématique des marchés.

Pendant ce temps, tout autour et depuis la nuit des temps, tout un monde s'organise autrement et développe une société de coopération, de contribution, de sensations et de collaboration. Une vraie société interdépendante et solidaire élaborée sur la prise de conscience d'appartenir à un grand que soi, voire à un grand tout dont la conscience est universelle. C'est ce que savent les sociétés animistes. Ici, chacun de nous en est en sommes une entrée, et l'identité profonde nous est commune.

Les anthropologues, à l'instar de l'enfant non encore socialisé, montrent que les sociétés premières développent des postures de bienveillance, et de coopération contributives. Souvenons-nous, et je vais y revenir, de cette expérience de l'anthropologue avec des enfants d'un village équatorial. Il voulait leur organiser une compétition et il lui ont répondu par un "faire ensemble", en l'espèce, une coopération qui leur était naturelle. L'avenir de notre réalité sociétale est là, au creux de son origine.

Si, dans notre collectif matérialiste néolibéral, la peur l'a emporté sur la raison et la technologie sur l'intelligence, qu'est-ce qui peut remplacer la bienveillance, la solidarité, le plaisir du vivre ensemble ? Ils constituent le genre humain en évitement ultime de la destruction pure et simple de l'humanité. C'est certainement cette reconstruction sociale qu'a tenté le néolibéralisme en transformant le citoyen en consommateur. Même les actes sociaux de l'épouillage et les jeux de caresses, sont devenus des quêtes de jouissances individuelles.

La philosophe Cynthia Fleury a plusieurs fois évoqué qu'une société sans le souci du soin était dévoyée, défaillante, quand elle n'était pas littéralement en voie de mort, parce qu'inhumaine au sens propre du terme. Même l'amour dans notre civilisation est devenu un "onanisme contre l'autre", d'où ces viols, et autres violences de la “consommation sexuelle” . Je repense à la réponse de Margaret Mead à un étudiant la questionnant sur ce qui pouvait être considéré comme le premier signe de socialité connu. Elle répondit : "Un fémur réparé. C'est à dire la trace d'un soin à l'autre, de la prise en charge du blessé voué à une mort certaine...". Voilà qui constitue bien le premier type de réponse !

Je reviens donc à cette expérience d'un anthropologue que j'ai déjà plusieurs fois évoquée. En observation de populations au cœur de la savane africaine, il mit un panier rempli de fruits au pied d'un arbre et proposa aux enfants du village de faire une course jusqu'à l'arbre. Il proposait que celui qui gagnerait la course, obtiendrait le panier et tous ses fruits. Que s'est-il passé ? Les enfants, main dans la main, ont marché tranquillement jusqu'à l'arbre, et ont partagé le contenu du panier. Pour eux, en effet, on ne peut être et faire que tous ensemble. C'est la réponse de l'animisme au néolibéralisme, du pluriel partagé au solipsisme concurrentiel, de l'interdépendance sociale à la prédation structurelle.

Quand l'anthropologue a demandé aux enfants pourquoi ils avaient marché en cœur, alors que l'un d'eux pouvait obtenir le panier pour lui seul, les enfants ont répondu avec étonnement et évidence : " Ubuntu ! ", ce qui dans leur culture signifie : " Je suis, parce que nous sommes ". Autrement dit, le fond de leur culture leur disait "comment l'un de nous peut-il être heureux alors que les autres sont misérables ?". Dans notre utilitarisme occidental nous aurions traduit : "Comment un individu peut-il survivre sans les autres ?"

Il nous faudra bien, si nous voulons perpétuer notre existence, revenir aux intelligences et consciences de ces sociétés animistes. Ces sociétés, dites premières, ne sont que le portrait détaillé de notre essence profonde. Elles sont, par nécessité et intelligence, bienveillantes et solidaires. On retrouve ces mêmes traits, dans les sociétés des loups avec lesquelles nous avons collaboré durant des milliers d'années. Pour revenir à ces types de pratiques, il nous faudra une thérapie en forme de révolution culturelle.

L'excellence de la thérapie consiste bien à accueillir, pratiquer le lâcher prise et de surcroît, à pardonner. La résultante est certes difficile à envisager, car nous sommes polarisés sur un résultat concurrentiel, individuel et personnel, associé tant aux appâts du gain qu'à la propriété individuelle. L’'important reste bien pourtant la pratique du vivre ensemble, tout en étant simplement en solidarité et bienveillance envers les "autres-soi-même". L'important n'est pas le but matériel mais le chemin humain comme nous l'avons si souvent entendu,... quoique nous ne l’ayons jamais ni compris ni acquis et intégré.

Tout le reste est "hors monde". Toutes les blessures d'injustice, d'humiliation, de rejet, d'abandon et de trahison se soignent par et dans le pardon et la compassion. Nous nous soignerons ainsi mutuellement en retrouvant cet humanisme nécessaire, dans un monde ainsi pacifié. Il devra se trouver associé à cet indispensable "jusque en amour dans nos représentations sociales". La voie est “connue”. Elle est tracée. Il ne reste qu'à l'emprunter. C'est ici la porte de la société nouvelle et sa poignée est dans notre main.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 17 juin 2025

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