"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.
Affichage des articles dont le libellé est Penser l'autonomie fertile. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Penser l'autonomie fertile. Afficher tous les articles

Penser l'autonomie fertile

Nous avons vu à plusieurs occasions, combien l'autonomie des acteurs était fertile pour les organisations qui la favorisent (développement organisationnel, réactivité, approche client, productivité, innovation, etc.). La question reste de savoir comment la mettre en place, comment la développer. La première démarche indispensable est le lâcher prise des directions. L'autonomie, comme la liberté et l'innovation, ne se donne pas ni ne se décrète. Elle se prend. Il faut donc libérer des espaces de décisions, libérer des espaces de fonctionnement pour que surgissent les nouvelles opportunités, les nouveaux modes de faire, les innovations fertiles, à savoir qu'une autonomie des acteurs devient fertile quand elle s'adosse à leur engagement. C'est bien là tout le processus, toute sa réalité.
Ensuite, il n'existe pas de méthode particulière à ce développement. Le bon sens et la logique vont de soi. Il s'agit davantage de développer une posture managériale bienveillante, intelligente et attentive, pariant sur la "réalisation de soi" des acteurs, que de suivre un catalogue de procédures. Il s'agit alors, pour le manager, de développer une réflexion sur lui-même et la manière dont il considère l'organisation (l'entreprise et son fonctionnement, de ses procédures à ses valeurs). Il lui faut aussi "se penser lui-même" dans cette organisation (son pouvoir réel, son efficience, ce qu'on attend de lui), et enfin penser l'ensemble des partenaires que sont les collaborateurs, les partenaires fournisseurs, prestataires ou sous traitants, les clients ou bénéficiaires.
Affûter un regard attentif passe aussi par l'observation de modèles. Le pragmatisme appelle et suscite ce type de développement de connaissance : connaitre des organisations efficaces. On sera curieux sur les différents modèles et types organisationnels. Ceci aide à façonner un aperçu critique et productif. Il faudra aller fouiller dans les coins pour retrouver les aventures singulières, comme celle de Ricardo Semler dans la société Semco au Brésil, de Jean-François Zobrist dans la société Favi en Picardie, ou de Vineet Naya du géant informatique HCL en Inde. Les exemples récents ne manquent pas (Voir le site de MOM21).  
Il sera utile aussi de regarder quelques approches théoriques qui donnent à penser le travail d'une manière ouverte et analytique. Je pense à l'approche d'Herbert Marcuse* et des cinq phases du travail, dont on s'aperçoit qu'il est indispensable qu'elles soient toutes dans les mains de l'ouvrier, de "l'œuvreur", s'il nous fallait comprendre le sens profond de ce terme et y revenir. 
Les phases du travail selon Herbert Marcuse commencent par celle de "penser l'œuvre à réaliser". On constate que la plupart du temps ceci relève de la gouvernance de l'entreprise, pas de l'ouvrier. La seconde phase consiste à penser comment on va réaliser ce travail. En règle générale, ceci est la propriété des bureaux d'études ou services de méthodes et développement. La troisième phase est celle de la réalisation. L'organisation, d'ordinaire, la confie aux ouvriers sans qu'ils aient pu participer aux deux premières phases. La qualité du résultat en dépendra. La quatrième phase est celle de la contemplation. Il s'agit de revenir de manière critique sur l'oeuvre (dans l'entreprise, il s'agit du contrôle) et le mode de réalisation (la démarche qualité). Il s'agit aussi de ce moment de fierté qui donne sens à tout le travail accompli et encore à accomplir. La cinquième phase est celle de la socialisation, soit de ce que l'on fait de l'oeuvre. Dans les entreprises ce sont les services de commercialisation, de livraison, qui s'en occupent. Nous voyons que ces phases sont dispersées dans l'organigramme. Elles ne le devraient pas.
Regardons maintenant comment ça se passe pour un artisan, un sculpteur ou un bricoleur. C'est bien lui qui décide de ce que sera l'oeuvre, le produit, le service, et, à la sortie, ce vers quoi toute son activité va être tendue. C'est bien lui qui décide, en fonction de ses connaissances pratiques et techniques, économiques et du marché, et le "comment il va s'y prendre" pour faire le travail. Enfin, c'est toujours lui qui réalise l'oeuvre et il s'arrête pour "contempler" le travail accompli et là, il corrige la démarche, améliore les processus. Ensuite, c'est toujours lui qui va socialiser le produit. On constate alors que cette phase là va dire (et lui dire) qui est socialement son auteur (et c'est tout à fait de sa responsabilité). S'il décide de vendre le produit, il est bien un artisan. S'il décide de l'exposer, il est alors un artiste, un créateur. S'il vous l'offre, c'est un bon bricolo généreux. S'il le garde et accumule ainsi des œuvres, il est un bricolo farfelu, peut être un autarcique original. S'il la brûle, la détruit, il n'est... rien !... La socialisation de nos œuvres nous détermine socialement.
Penser l'autonomie fertile consiste tout d'abord à penser ce rôle de la personne au travail et confier un maximum de phases, en toute connaissance de causes, à ceux dont on souhaite voir se développer une autonomie fertile pour toute l'organisation. Cela apportera, en phase cinq, de la fierté d'être, laquelle fierté est donnée par Sumantra Ghoshal** comme indispensable au développement des organisations.
On peut être un peu perdu face à la singularité de la tâche. On peut aussi se replier sur la méthode, se "retayloriser" dans une démarche gestionnaire pourtant repérée relativement stérile (même si elle a fait les beaux jours d'un management mécaniste du 20e siècle). On peut aussi solliciter un accompagnement pour agrandir, élargir son regard et mieux voir le potentiel de son organisation, les voies de libération des espaces (conseil cognitif). Cette démarche s'avère particulièrement fructueuse.
Ceci nous indique que le développement d'un management productif ne dépend ni de techniques, ni de procédure, ni de méthode, mais de son regard et de sa conscience, de la manière dont on considère l'organisation et les personnes qui la composent. Tout est bien une question de posture au service d'une finalité.
Jean-Marc SAURET
Publié le mardi 31 mai 2016

* Herbert Marcuse (1898-1979) est un sociologue américain, membre de l'École de Francfort avec Theodor Adorno et Max Horkheimer, auteurs jugé marxo-freudien de "l'Homme unidimentionnel" et "Eros et civilisation"
** Sumantra Ghoshal (1948-2004) est un économiste sorti du célèbre Massachusset Institut of Technologie, professeurs de Organisational Behavior (management des personnes) à l'INSEAD à Fontainebleau, puis à la London Business School.