Des sociologues et ethnologues nous disent que la
différence de statuts homme/femme dans une société repose sur des différences
de fonctions sociales. Les sociétés matriarcales, nous disent-ils, ont la même
distribution de rôles sociaux que les sociétés patriarcales mais avec un
ancrage du pouvoir différent. Dans les deux cultures, l’intérieur, le pérenne,
la progéniture, le domanial, la yourte, la tente ou maison avec leur doux cocon et leur confort, sont à l’actif de la femme. L’extérieur, le dur, le
violent, la guerre, l’immédiat, la collecte des biens et la question de la survie, tout
cela est à la charge de l’homme.
A la mère l’intérieur, les enfants, le savoureux et
le doux ; au père la guerre, le cheval, les armes et la survie. La gestion et la défense de chacun de ces champs est à la charge de chacune et chacun selon sa fonction. C'est la charge qui définit les rôles. Mais, ce qui ferait la différence de pouvoir ne serait donc pas la fonction mais la primauté du champ.
Ainsi, dans les cultures matriarcales, comme, par exemple, dans les mondes des gens du voyage (gitans ou touaregs...), l’intérieur, la
tente, la yourte, la caravane sont le lieux du pouvoir. C’est donc la mère qui
dirige et qu'on écoute. Quand la « madre » décide qu'il faut partir,
on part. Quand elle décide qu'il faut changer la caravane, le
« macho » s’exécute. A la mère la caravane et les enfants ; au
père la voiture et la question des sous.
Dans les cultures patriarcales, c’est la guerre, la
violence et la survie qui dirige. Là, l’esprit de conquête dirige la culture.
Dans le monde occidental, nous sommes bien dans une culture du
« macho » avec l’esprit de conquête, de guerre économique, où la
question de l’argent est centrale, voire prépondérante, sinon dogmatique, où l’économie de
prédateurs est la religion.
Mais voilà qu'aujourd'hui le monde bouge et les rôles
sociaux entre genres s’égalisent. Des hommes cocounent les enfants, se
passionnent pour la cuisine quotidienne ou l’esthétique de la maison et des
femmes font du bricolage, ont des carrières de conquête, vont chercher les sous
du ménage. De plus en plus, dans les étages moyens de nos populations, les
rôles se mixent, s’égalisent. De plus en plus, hommes et femmes agissent et
prennent en charge les deux champs indistinctement et ceux-ci se mélangent. On
constate que ce sont dans les milieux plus modestes que les rôles restent plus distincts
(peut être par une pression des contraintes matérielles ressentie plus fortement).
Plus une différence est forte, plus elle fait norme. Plus une différence est faible, plus elle est sensible, réductible, à résoudre... Dès lors, la différence des genres s’amenuisant, elle
devient de plus en plus critiquable, jusqu'à l’insupportable. Aujourd'hui, où
le désir dépasse la nécessité dans cette société de surconsommation, l’absence de contraintes fortes déconstruit ces jeux de rôles. Ceux-ci en l’état deviennent
obsolètes. C’est l’envie qui commande, post-modernité
oblige, pas la nécessité. Les rôles actuels ne dépendent plus de ces champs là.
Ainsi, les différences de comportements s’égalisent,
se mutualisent. Un laboratoire de neuropsychologie à l’université de Yale (Connecticut) qui, en
95, avait formalisé la différence de structure mentale entre hommes et femmes (dont
la caricature fut l’ouvrage « Les hommes viennent de mars et les femmes
viennent de Vénus »), constatait en 2005 que ces structures mentales
s’étaient mixées, que des hommes n’avaient pas le sens de l’orientation alors que
des femmes s’y trouvaient très à leur aise, avec des représentations
cartographiques performantes. Ces chercheurs montraient ainsi que la structure
mentale n’avait rien de génétique mais était parfaitement culturelle.
Cette évolution sociétale rend progressivement cette
différence des genres plus stupide encore, voire insupportable. Aujourd'hui donc, sociétalement
parlant, nous voulons la réduire. Il est vrai que des questions
identitaires viennent percuter cette résolution. Les jeux de rôles sociaux renvoient
à une certaine idée de société avec, à l’intérieur une certaine place pour soi (ou pas). Qui suis-je si je n'accomplis pas mon rôle ? S'en remettre à la loi pour ce changement apparaît donc compliqué.
L’histoire cathare nous indique quelques pistes.
Alamans, Visigoths et Ostrogots, qui peuplaient le sud ouest de la France au
premier millénaire de notre ère, étaient en sociétés matriarcales. L’arrivée des
Romains, société patriarcale, fit de ce territoire le creuset de la
civilisation gallo-romaine. De même structure mais de lieux de pouvoirs
distincts, les cultures matriarcales et patriarcales chaotiquement
s’épousèrent. Dès lors deux pouvoirs se concurrençaient sans clarification ni
raison. Qui doit commander ? Les hommes ou les femmes ? Des ethnologues nous indiquent que l’arrivée du catharisme fut une solution. Religion
chamanique voyant le monde en deux parties, l’une divine (le monde de l’esprit
créé par dieu) et l’autre diabolique (le monde physique de la faim et de la
douleur créé par le diable), elle apporta la résolution de la différence des genres, cet inconfort et ce serait
pour ce motif que cette religion venue de Perse s’encra sur ce territoire là,
traversant toute l’Europe sans y laisser beaucoup de traces, même si cela prit du temps.
Par sa vision du monde chamanique, cette religion
indiquait que la différence homme femme relevait du monde du diable, le monde
inférieur. Ces gallo-romains là pouvaient donc s’en départir et s’en
moquer. Dès lors, si la différence des genres était satanique, elle tombait. Les
femmes avaient donc droit de vote et de discours comme les hommes et on trouva
des femmes « Parfaites » (sages cathares) conseillères auprès de
puissants et de nobles, mais aussi patronnesses de couvents ou monastères, comme à Carcassonne.
Ce serait donc la culture qui aurait résolu la
différence des genres chez ces gallo-romains là, et non pas la loi (ni le combat).
Ainsi, aujourd'hui, on peut s’interroger sur la
fonction de la loi dans ce changement que nous voulons. Il se trouve que les lois actuelles sur
la parité indiquent par défaut, ou en creux par leur simple raison d’être, qu'il y aurait
une réelle différence entre les genres. La loi ainsi contribue à formaliser la
différence des genres que l’on tente de résoudre. Une discrimination positive reste
une discrimination : en fustigeant la différence, elle la réaffirme. Elle aura donc plutôt tendance à développer
la charité plutôt que la solidarité, la condescendance que l’égalité, les
communautés que l’universalité, etc. Ainsi, la loi, paradoxalement, participe à
l’exagération culturelle de la spécificité des genres, et donc de leur distinction.
Ainsi, les ethnologues nous indiquent que la
lutte contre les discriminations passe plutôt par l’évolution culturelle que par la contrainte. Les
démarches de type "formAction" y seront plus efficientes. L’effacement culturel
fera plus que le marquage, l'exemplarité plus que la contrainte, l'action
plus que la règle, une chanson plus qu'un discours, etc.
Ainsi un badge « Touche pas à mon pote »,
le nom iconoclaste « Ni putes ni soumises » d’une association active,
le Rap, le hip hop, une gay pride, font plus pour la reconnaissance des
minorités que la loi. En revanche, ces actions constituent des identités de
groupes minoritaires et, par cela, induisent un certain communautarisme.
Faut-il l’accepter comme une réponse sociétale actuelle ou remettre l’universalisme
en avant, comme l’esprit républicain? Mais quand Laydi Di embrasse une personne séropositive, elle effectue un marquage plus fort que la loi et le communautarisme. Une "formAction" efficace, c'est, par exemple, quand nombre de gens simplement et ostensiblement répètent le geste...
Nous avons à repenser notre « être
ensemble », redéfinir le monde et ce qu'est une personne là dedans. Nous avons
à afficher les marquages forts d’une nouvelle culture humaniste. Il est un fait que nous ferons mieux le changement par l'exemple, la culture et l’émulation que par la
contrainte, les discours ou la révolution.
Jean-Marc SAURET