"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Comprendre ou com-prendre (08 07)

Une proposition bouddhiste dit que la connaissance résulte de l'intuition passée au filtre de l'expérience. Il s'agit de sensations directes. Cela signifie donc que les mots et les concepts sont incompétents à "fabriquer" de la connaissance. Au mieux, les mots traduisent la réalité pour un mental infirme, aveugle et sourd, sans toucher, sans odorat, sans émotions. Selon cette proposition, la connaissance relève donc du vécu dans des sensations. Bien des sagesses se retrouvent ici.

Je prendrai pour illustration une longue corde entièrement nouée. Elle constitue le problème conceptuel de la réalité. Pour le comprendre, il suffit de défaire tous les nœuds afin de rendre la corde lisse, souple et ainsi allongée. Dans ce contexte, les mots et les concepts sont-ils des "explications" des nœuds, de réels "commentaires" ? L'esprit comprend alors comment procéder pour les dénouer. Néanmoins, faire cela n'est pas aussi simple que de le dire. Les "ongles de nos mots" n'accrochent pas justement la corde et la force du serrage des nœud fait qu'ils résistent. Voilà qui rend le "délacement" difficile. Défaire consiste ainsi à "comprendre" comment le nœud s'est constitué pour procéder au chemin inverse. 

Alors seulement, l'être rêve d'une autre voie, d'un "autrement" plus efficace, plus direct et plus facile. C'est alors que celui-ci pense à la dissolution de la corde dans un bain de sérénité. Il se met donc à contempler, à méditer, c'est à dire à ressentir l'instant dans sa globalité.

Je repense ici aux écrits de Spinoza, lequel a relu les écritures saintes à l'aune de sa rationalité. Il a découvert des invraisemblances et des incohérences qui lui ont fait douter de la doxa hébraïque et même chrétienne. Il a compris que les récits canoniques rédigés bien longtemps après la disparition du dit Jésus construisaient plus un pouvoir sur les croyants qu'une foi révélée. C'est ainsi que le récit devient "vérité" qu'il convient de ne pas remettre en cause. Ici, croire c'est obéir et se soumettre. Encore une fois, Spinoza avait raison....

Nous avons ce problème, voire cette singularité, de ne pouvoir comprendre que ce qui se tient dans les mots et les concepts. Sinon, nous avons tendance à nous exclamer que "c'est vide ! Ca ne tient pas !" Sans les mots, on ne sait pas concevoir. Sans raisonnement, on ne sait ni préciser, ni décrire ou faire le contour des choses, en donner la précision et le sens. Mais si seulement il suffisait de donner à voir ? Ce serait tellement plus simple car plus direct et plus global.

Il me revient ce moment où, ouvrier agricole, je disait à mon patron que les outils qu'il m'avait indiqués n'étaient pas adaptés pour accomplir la tâche qu'il m'avait commandée. Il ne m'a pas contredit et m'empruntant lesdits outils il fit un brin de la tâche. A la vue de son accomplissement, je compris clairement comment je devais m'y prendre, comment faire ce travail, et comment il serait plus judicieux que je fasse. Ce n'était pas une question d'outil mais de mode de faire. Il s'agissait davantage de voir comment les utiliser dans une autre vision de la tâche par une connaissance pratique de la matière à travailler.

Ce n'est pas clair ? Je vais raconter dans le détail.  Mon patron m'avais demandé de déplacer un tas de coques vides de maïs laissées derrière un bâtiment. Il m'avait indiqué d'atteler la petite benne au vieux tracteur, de récupérer une pelle dans la stabulation, de récolter les coques vides dans la benne et de les apporter au bout du "champ clair". Je m'exécutais mais la pelle avait trop de mal à "rentrer" dans le tas de coques et je "mascagnais" à faire quelques pelletées. Exaspéré, je m'en ouvrit auprès du patron : il m'emprunta la pelle en disant juste "Voyons ?..." Je le vis "gratter le tas au lieu de chercher à enfoncer la pelle dedans. Les coques "sautaient" en l'air et retombaient dans la pelle... Je venais de comprendre. Le geste et la pratique étaient venus m'instruire.

Je ne savais pas encore que la vision guidait mes pas mais cette réalité était déjà en chemin. L'image de ce que nous voudrions réaliser s'installe dans notre conscience (voire inconsciemment) et dirige nos gestes. Ce n'est donc pas la description par les mots qui nous apporte la connaissance mais la connaissance des "modes de faire" portée par l'usage. Elle se doit d'être accompagnée de représentations et d'images. L'intelligence est bien certainement cette articulation d'imaginaire dans des représentations que et qui nous indiquent en même temps le quoi et le comment. C'est là le cercle vertueux de l'image pratique, pleine de sensations utiles.

C'est bien la seule chose utile et dont nous avons expressément besoin pour faire : l'intelligence pratique de "comment ce doit être" et des moyens, des modes pour y parvenir. Ce ne sont donc pas les mots qui enseignent, même s'ils libèrent, mais l'intuition d'une intelligence pratique qui pointe une finalité claire et précise (comme si elle était réalisée).  A partir de là me reviennent nombre d'expériences Comprenant totalement comment m'y prendre dans une vision claire du but, la solution, ou la résolution du problème s'impose alors à moi. Seul celui qui dispose de  l'intuition, bouscule celui qui est en position d'exécution. Il fait alors “à sa place”, dans un "Euréka !" joyeux : "J'ai trouvé ! Regarde ! On va faire comme ça..." Ceci ravive bien des souvenirs, même d'enfance, à nombre d'entre nous.

Ainsi, comprendre est bien prendre avec soi, sans aucun mot, mais avec la certitude de l'intuition doublée des sensations vers un but clair. Mieux que les mots, la certitude et l'intuition s’offrent tant à l'objet à réaliser, qu'au mode de faire. C'est bien là que se trouve la connaissance, dans une pratique au-delà des mots. Ainsi, cette intuition débarque-t-elle  dans nos vies avec une chaîne de sensations visuelles, olfactives, sonores, tactiles, et même au-delà... Connaître, disent les linguistes, c'est naître avec ou en même temps. Il y a vraiment quelque chose de cet ordre là, dans l'intuition. C'est bien elle qui délivre en premier lieu les connaissances. C'est seulement après que, viennent les mots qui racontent, commentent et expliquent. Einstein, Poincaré et Descartes ont décrit et raconté que leurs démarches étaient de cet ordre là : une  intuition claire du résultat (dès lors que l'objectif à atteindre est clairement posé) directement suivie de déductions rationnelles pour l'expliquer. Dont acte...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 8 juillet 2025

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La spiritualité comme réalité culturelle ? (01 07)

Je suis bien souvent gêné par l'usage que nous faisons du concept de spiritualité, et du terme "spirituel". On met, de ce fait à part, cette notion, en la marginalisant du reste de la culture. Est-ce notre approche laïque qui nous fait enfermer ce concept dans l'ordre du personnel, de l'intime, du discret, ou des croyances ? C'est possible. Néanmoins, l'activité spirituelle n'est pas la croyance religieuse : elle ne recouvre ni un choix de vérité, ni une option d'appartenance, mais une activité pleine et entière qui appartient à tout un chacun.

En réalité, ce concept se distingue plutôt de la notion de matérialisme, quand elle ne s’oppose pas à lui. Il me semble qu'il appartient bien au champ culturel dans la mesure où il traite de la "connaissance" du réel. Nous ne sommes bien en capacité d'aborder et de traiter du réel, à partir de nos représentations. Tout le reste nous est donc inaccessible. Le culturel appartient totalement à ce champ représentationnel. C'est lui qui fonde toutes nos certitudes, lesquelles appartiennent, par définition et par essence, au champ spirituel.

Ainsi, pour comprendre et expliquer le monde, la science invoque souvent le hasard, la matière et sa mécanique. C'est bien là une option culturelle, en effet. Par ailleurs, nous baignons aussi dans le réel par l'étude de la conscience, de la puissance de l'esprit et des émotions. C'est ce que nous faisons par les dimensions "croire" et "aimer". Il me semble que nous nous situons là encore dans le champ du spirituel. Nous voyons donc bien que ces concepts se discutent facilement sur le même plan, et donc celui de la réalité du monde. Il en ressort que culturellement, le champ de la rationalité prévaut dans notre culture. Il efface et occulte celui de l'intuition et de la contemplation, que nous savons pourtant être des capacités d'accès direct au réel.

Ce monde veut aller vite et consomme des solutions toutes faites, comme par des raccourcis confortables, sinon faciles. Nous nous y adonnons régulièrement, et la plupart du temps, jamais personne ne cherche à comprendre ce que ce monde puisse être considéré, dans le fond, dans le seul domaine de “l'essentiel”. Nous nous trouvons dans la situation où seules ces "pensées courtes" que nous proposent les cultures, deviennent autant de "prêts à penser". Pourtant, les réponses sont à trouver là, dans l'observation, la contemplation et la réflexion, dans un champ à la frontière de l'intuition et de la réflexion. Peut-être peut-on d'ailleurs, les retrouver intimement mêlées dans les deux champs.

Si la jeunesse est belle et vive, la vieillesse est forte de connaissances et de sagesses. Face à l'adversité, il importe de rester lumineux à l'intérieur, secrets, flexibles et accommodants à l'extérieur. C'est ici l'art pour tout vaincre. Raison et intuition sont, en la matière, les deux faces de la même pièce, celle de la représentation du réel, ou plutôt, de sa “reconnaissance”.

Il existe toute une littérature que vous connaissez certainement, et qui relate des événements de mort imminente, depuis les publications de Raymond Moody, comme "La vie après la vie". On peut compléter ces parutions par des publications plus modestes mais tout aussi efficientes et je pense à celles, en France, du docteur Christophe Fauré ("Cette vie... et au delà") ou de Christian Combaz ("Tous les hommes naissent et meurent le même jour"), et bien d'autres encore, comme ces publications sur les travaux du Docteur Charbonnier, etc. Les bibliothèques, en l'espèce, sont bien fournies...

Dans ces retours d'expériences, la conscience d'être mort est clairement exprimée. Il va être, de surcroît, compliqué de demander aux mathématiques de nous décrire la continuité de la vie. Il existe donc bien deux conceptions de la connaissance entremêlées. Einstein, Poincaré, et même Descartes, les indiquent : l'intuition donne la réponse et la raison l'explique. Bien des cultures, de l'hindouisme et du bouddhisme jusqu'au chamanisme et à l'animisme, ont privilégié l'intuition. Toute une littérature relate leurs constats. Il serait probablement bien utile de la consulter.

On peut donc très logiquement faire cette démarche informative en commençant peut être par "le livre tibétain de la vie et de la mort" de Sogyal Rimpoché (Editions de la Table Ronde, 1993). Il vient nous conter le monde depuis une approche spirituelle, ce qui le fait rejeter des matérialistes radicaux, ou fondamentaux. Pourtant, il me semble bien que c'est dans la complémentarité des deux approches que se trouve la voie du milieu : celle d'une connaissance complète.

Alors, pour que la science matérialiste puisse accueillir les réponses que nous confie cette approche spirituelle, intuitive et méditative, nous nous proposons de l'accueillir comme la démarche culturelle qu'elle est. À partir de ces prémices, nous confierons à l'anthropologie la possibilité et la charge, de nous en décrire les apports et les "raisons" de ces conclusions. Nous aurions grand tort d'en faire l'économie… Les recherches et l'analyse se poursuivent…

Jean-Marc SAURET
Le mardi 1er juillet 2025

Lire aussi : " Il nous faut retrouver la spiritualité " 


Le désir, la peur et la croyance (24 06)

Le philosophe Spinoza avait déclaré que le désir était une carte que l'on ne peut pas lire, que "Le désir est l'essence même de l'homme". Selon Spinoza, nous ne sommes pas des êtres rationnels qui parfois ont des désirs et des attentes. Nous sommes des êtres désireux qui apprennent à être intelligents. Il poursuivait en affirmant que "le désir est un feu qui te brûle si tu le retiens", et que "Ce sont les désirs qui façonnent le chemin de vos vies". Il continuait son propos par "Nous sommes ce que nous voulons, pas ce que l'on a, ni un nom, ni une expérience..." et j'ajouterais "pas ce que nous pensons être".

C'est effectivement le désir qui est le moteur de nos vies. Sans lui, pas de direction ni de raison d'être. C'est même dans le désir que "s'épuise" notre définition. Il est la direction de la projection que nous faisons de nous-même dans un monde que l'on déteste ou que l'on espère.

Il me revient cette conférence, il y a une trentaine d'années, du philosophe Michel Bara qui titrait "Du désir et de l'insatisfaction" où il montrait comment ce couple construisait notre chemin de vie dans une sorte d'apprentissage compagnonnique.

Je me souviens avoir lu quelques articles relatant cette proposition freudienne d'un certain désir premier, profond ou fondamental. Celui-ci serait là à chacune de nos actions, au départ de l'impulsion, au cœur de nos vies, comme un motif se répétant à la genèse de toutes nos actions, de tous nos actes, agissements, choix, décisions, postures et comportements.

Je repense aux cinq blessures originelles énoncées par Lise Bourbeau. Elle voit comme des systèmes structurants de nos personnalités. Alors je me pose la question alternative : qui du désir ou de la blessure serait premier ? Lequel pourrait être la cause ou la conséquence de l'autre ?...

Je me demande si le désir n'épuise pas toute la dynamique de la personne, toute la personnalité que nous vivons et déployons. N'y aurait-il que le désir au fond de notre âme, prenant la place de l'univers et des dieux ? Ces derniers ne seraient alors que des représentations symboliques de ce foisonnement propre au désir ?

D'aucuns imaginent le désir comme un souhait irrationnel, obsédant et impossible à satisfaire. Il pourrait cependant porter sur la possession matérielle ou immatérielle de quelque chose qui nous absorberait jusqu'à nous définir...

Faut-il alors parler de manques, comme d'autres parlent de blessures ? Le désir se construit il sur le manque, voire sur la blessure ? ... ou bien se construit il sur une certaine représentation du monde et de soi dans un univers contraint, contraignant et orienté et ainsi créant un manque, une blessure de ne pas le satisfaire ?

Certes, le désir ne naît pas de nulle part. La génération spontanée du désir n'existe pas. Il est bien la conséquence de forces en présence tant dans nos représentations en creux d'un monde que l'on imagine pour qu'il soit, alors favorable ou défavorable, en d'autres constructions fantasmatiques.

Il m'arrive de penser que nous traînons notre désir comme un fardeau sans comprendre qu'il est certainement la source ou la raison de nos souffrances. Dans ces conditions, le bouddha aurait eu raison ?... Mais alors, qui ou que serions nous ?

Si le désir est ce qui nous fonde par ce qu'il impose la vision du monde et de soi dans ce monde, la seule chose qui s'oppose au désir n'est pas l'échec car celui-ci n'est qu'une remise à plus tard ou à un autrement. La seule réelle opposition au désir est la peur. Car c'est elle qui détruit le désir, celle qui le rend impossible ou improbable, voire même inespérable, indésirable. 

Et si, comme l'affirme le neurologue Joe Dispenza, le désir n'était que le souvenir d'un possible, souvenir d'une autre réalité déjà là, comme le proposent le physicien Philippe Guillemant ou l'anthropologue Philippe Bobola ? Le désir ne serait alors que quelque chose qui existe déjà quelque part dans l'univers, quelque chose dont nous avons eu la sensation et qu'il nous suffirait de regarder en face et d'attraper. Il suffirait alors de remercier l'univers de nous l'avoir déjà apporté...

La peur, quant à elle, serait cette voie de garage qui nous détourne du désir, parfois. Pourtant, elle peut être considérée aussi, comme la source de toutes nos souffrances, en toute dépendance de la visée. Elle peut devenir également cette alliée qui nous indique que nous ne sommes peut-être pas sur le bon chemin. Cette peur peut être aussi, celle qui rend le désir encore plus désirable par toute la frustration qui pourrait en découler.

La peur de réussir comme la peur de manquer, tant sa cible que la satisfaction de toucher au but, de combler nos attentes et nos manques, est le marqueur immanquable et absolu de la cible elle-même. La peur démultiplie l'importance du manque jusqu'à peut-être l'effacer. Elle est le marqueur de l'absence du résultat poursuivit. La peur nous tire aussi vers le fond du manque avec son lot de culpabilité, d'auto flagellation et de douleurs. Et celles-ci deviennent de nouvelles cible et de nouvelles raisons d'avoir peur... Et si alors le désir perdait sa cible ? Salvation ou effondrement total ? Vous me direz... Je crois retrouver là le fondement du christianisme paulinien où la souffrance et le sacrifice donnerait accès à la rédemption d'une représentation de soi mauvaise, incomplète, pécheresse et donc occupée par une sorte de péché originel, humain par essence. 

Par ailleurs, il reste à considérer que la peur nourrit le désir, le canalise et le façonne au point même d'en changer l'orientation. La peur intervient dans l'élaboration du désir comme un vaccin. Elle cible les objets de terreur comme des objectifs de contre désir, et le sujet se soumet. Que c'est il passé lors de ladite pandémie de la dite covid ? Les menaces ont construit des peurs que le battage médiatique accentuait vertement. 

Bien des gens se sont donc laissés injecter un produit incertain en guise de vaccin se soumettant à leur peur, non pour se prémunir d'un virus mais bien souvent pour se prémunir de conséquences de la désobéissance (certains ont perdu leur travail et leurs rémunérations). Ainsi la peur par menace et désinformations déconstruit les désirs de santé, simplement pour éviter des menaces institutionnelles. 

Un propos complotiste ? Tout est sourcé : lisez les rapports sénatoriaux américains sur la campagne sanitaire publiés partout sur le globe mais jamais en France. Je repense à bien d'autres comme à celui plus récent de la société Pfizer elle même, avouant l'inefficacité de leur produit, son inutilité et sa dangerosité. Si le désir de vérité vous habite, alors vous pouvez continuer votre route sans détours. Il est, avec le désir du beau et du bon, une voie "précieuse" de nos âmes.

Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Par exemple, en matière de santé, ce n'est pas ce que vous faites ni ce que vous prenez qui vous soigne, mais ce à quoi vous croyez. Si vous pensez que tel produit est efficace pour ce que vous avez, alors il le sera et à la hauteur de votre croyance. C'est ce dont s'est rendu compte l'anthropologue du soin, Jean-Dominique Michel. Ainsi un patient ayant lu qu'une molécule était efficace contre le cancer qui le rongeait (et dont il avait le désir de guérir) en parla à son médecin qui la lui commanda. Elle le guérit sans délais et complètement. Mais quelques années plus tard, il tomba sur un article qui dénonçait le commerce de cette molécule "complètement inefficace et inutile" (sic). Son cancer reparti et il en mourut, la peur au ventre (peur qu'il n'avait certainement pas traitée). Bien des exemples identiques sont connus de sociologues et anthropologues de la santé.

Croire est bien notre fondement. Ce que nous croyons nous fonde et nous construit avec une efficience totale. Ainsi, c'est bien parce que nous croyons à quelques "bénéfices" que le désir qui nous définit s'installe. Si nous arrêtons d'y croire, le désir s'effondre et disparait. C'est bien parce que nous y croyons que la peur s'installe et ce n'est pas elle qui nous détruit mais le fait que nous croyons fermement qu'elle va le faire, voire que "ça va se passer comme ça". C'est aussi là l'origine ou la "mécanique" des miracles, qu'ils soient logiques ou pas, qu'ils surgissent à Lourde, à Fatima, à Medjugorié ou ailleurs. Ainsi, nous voici revenu à l'essentiel, au fondamental. C'est bien là le canevas de notre réalité avec son chapelet d'intérêts. "Nous sommes ce que nous croyons, jusqu'à ce que nous changions de croyance". Je nous invite à revisiter toute nos certitudes et vérités à l'aune de ce principe.

Ainsi, rêver sa vie s'avère déterminant pour la réussir, si tant est que "réussir" ait un sens commun. Notre culture nous tient debout et nous ouvre une direction de progrès (si tant est que le progrès soit une "bonne" direction). La science prouve la réalité du monde, si tant est qu'elle existe en dehors de nos croyances. Etc... Ainsi, le désir structurant la personnalité, la peur dont l'influence s'étant à tous les comportements, et la croyance qui agit tout cela comme une grille de la réalité, sont les trois pôles imbriqués de nos vies. De là nous pouvons comprendre les interdépendances, les compatibilités ou incompatibilités culturelles, et la dynamique globale, où tout le reste ne serait que bavardage... à moins que notre pensée ne soit un acteur patent sur l'univers. Et donc, ce que l'on croit serait le monde, et vice versa ? Mais ceci est encore un autre sujet. Si la réalité est ce que nous croyons, qu'est-ce que le réel, si non "un indéfini à façonner et à croire" ?... Voilà une belle réflexion en perspective !

Jean-Marc SAURET
Le mardi 24 juin 2025

Lire aussi : L'Art, cet autre langage pour prospecter le réel ... " 


Notre paradoxe sociétal (17 06)

En physique quantique, le tout est dans la partie, et, comme le dit Michel Onfray, chaque être humain revit et raconte toute l'histoire de l'humanité. Le parcours commence à l’incubation, et à la naissance, puis se prolonge dans les premiers pas, avec la “marche” et la socialisation de l'enfant. L'argument vaut jusqu’aux apprentissages, et se prolongera jusqu'à la mort (voire après). Nous n'apprenons que de l'autre, et l'humain représente bien cet être fragile né sans adaptation, a priori, à son milieu. L'humain est cet être inachevé, qui, né trop tôt, se trouve totalement inadapté à son environnement. Il lui faudra un long temps d'apprentissage, de caresses et d'acculturation, avant de pouvoir évoluer et se “débrouiller” dans son contexte de naissance.

De ce que je sais, ce n'est le cas d'aucun autre animal, à l'exception de singes et de marsupiaux. Le poulain, le veau, le chevreau ou l'agneau, à peine nés, cherchent à gambader et se dirigent tout seul vers les mamelles de leur mère. En revanche, sans l'autre et son contact physique, tactile et émotionnel, l'humain, quant à lui, meurt ! C'est par là que l'homme commence à construire la sensation de soi. C'est aussi ce que l'expérience interdite a montré. Des jumeaux, isolés dès la naissance, sans caresse ni lien social, juste nourris et lavés, ne survivent pas et meurent, faute de socialisation empathique, sensorielle et bienveillante. Une observation similaire a été conduite chez des primates dont les bébés privés de câlins mouraient ou témoignaient de déficiences cognitives graves. A contrario, l'abondance de contacts physiques favorise le lien social et la cohésion de groupes. On constate ce même phénomène chez nombre de mammifères, et on le suppose encore, chez d'autres espèces.

Ce monde moderne néolibéral “taylorise” tout, comme le dit le psychanalyste Rolland Gori. Il morcelle et parcélise tout travail jusqu'à le priver de tout sens. La spécialisation scientifique n'est dès lors qu'un éclatement de l'action de production. Cette organisation du travail se veut scientifique, mais demeure simplement mécaniste. Cette organisation taylorienne nous prive non seulement du regard global et total sur la réalité, mais aussi des expériences "aphysiques". Il faudra, comme le dit Thierry Janssen, "retrouver la plénitude de l'être recomposé". Nous en sommes loin !

Aussi, le “tout libéral" introduit-il des notions de concurrence, de compétition, de croissance, de progrès, d'accaparation et de matérialité comme des “indiscutables”. On retrouve ici les dogmes néolibéraux auxquels tous doivent se soumettre. Ce sont les mêmes que chacun doit intégrer, tels quels, dans sa conscience. Il faudra alors, quitter Démocrite et son approche matérialiste du monde. Pour lui, seule la matière existe, se mesure et se divise jusqu'à l'atome. Peut être serait-il le père inconnu du matérialisme néolibéral ?...

Comme l'avait théorisé le sociologue Alvin Toffler dans "Guerre et contre guerre" (Fayard 1994), chaque employé actuel est un sous-traitant de l'organisation. C'est bien là la volonté des néolibéraux : faire de chaque collaborateur un acteur "abnégationnel" du projet, totalement acculturé à la logique mathématique des marchés.

Pendant ce temps, tout autour et depuis la nuit des temps, tout un monde s'organise autrement et développe une société de coopération, de contribution, de sensations et de collaboration. Une vraie société interdépendante et solidaire élaborée sur la prise de conscience d'appartenir à un grand que soi, voire à un grand tout dont la conscience est universelle. C'est ce que savent les sociétés animistes. Ici, chacun de nous en est en sommes une entrée, et l'identité profonde nous est commune.

Les anthropologues, à l'instar de l'enfant non encore socialisé, montrent que les sociétés premières développent des postures de bienveillance, et de coopération contributives. Souvenons-nous, et je vais y revenir, de cette expérience de l'anthropologue avec des enfants d'un village équatorial. Il voulait leur organiser une compétition et il lui ont répondu par un "faire ensemble", en l'espèce, une coopération qui leur était naturelle. L'avenir de notre réalité sociétale est là, au creux de son origine.

Si, dans notre collectif matérialiste néolibéral, la peur l'a emporté sur la raison et la technologie sur l'intelligence, qu'est-ce qui peut remplacer la bienveillance, la solidarité, le plaisir du vivre ensemble ? Ils constituent le genre humain en évitement ultime de la destruction pure et simple de l'humanité. C'est certainement cette reconstruction sociale qu'a tenté le néolibéralisme en transformant le citoyen en consommateur. Même les actes sociaux de l'épouillage et les jeux de caresses, sont devenus des quêtes de jouissances individuelles.

La philosophe Cynthia Fleury a plusieurs fois évoqué qu'une société sans le souci du soin était dévoyée, défaillante, quand elle n'était pas littéralement en voie de mort, parce qu'inhumaine au sens propre du terme. Même l'amour dans notre civilisation est devenu un "onanisme contre l'autre", d'où ces viols, et autres violences de la “consommation sexuelle” . Je repense à la réponse de Margaret Mead à un étudiant la questionnant sur ce qui pouvait être considéré comme le premier signe de socialité connu. Elle répondit : "Un fémur réparé. C'est à dire la trace d'un soin à l'autre, de la prise en charge du blessé voué à une mort certaine...". Voilà qui constitue bien le premier type de réponse !

Je reviens donc à cette expérience d'un anthropologue que j'ai déjà plusieurs fois évoquée. En observation de populations au cœur de la savane africaine, il mit un panier rempli de fruits au pied d'un arbre et proposa aux enfants du village de faire une course jusqu'à l'arbre. Il proposait que celui qui gagnerait la course, obtiendrait le panier et tous ses fruits. Que s'est-il passé ? Les enfants, main dans la main, ont marché tranquillement jusqu'à l'arbre, et ont partagé le contenu du panier. Pour eux, en effet, on ne peut être et faire que tous ensemble. C'est la réponse de l'animisme au néolibéralisme, du pluriel partagé au solipsisme concurrentiel, de l'interdépendance sociale à la prédation structurelle.

Quand l'anthropologue a demandé aux enfants pourquoi ils avaient marché en cœur, alors que l'un d'eux pouvait obtenir le panier pour lui seul, les enfants ont répondu avec étonnement et évidence : " Ubuntu ! ", ce qui dans leur culture signifie : " Je suis, parce que nous sommes ". Autrement dit, le fond de leur culture leur disait "comment l'un de nous peut-il être heureux alors que les autres sont misérables ?". Dans notre utilitarisme occidental nous aurions traduit : "Comment un individu peut-il survivre sans les autres ?"

Il nous faudra bien, si nous voulons perpétuer notre existence, revenir aux intelligences et consciences de ces sociétés animistes. Ces sociétés, dites premières, ne sont que le portrait détaillé de notre essence profonde. Elles sont, par nécessité et intelligence, bienveillantes et solidaires. On retrouve ces mêmes traits, dans les sociétés des loups avec lesquelles nous avons collaboré durant des milliers d'années. Pour revenir à ces types de pratiques, il nous faudra une thérapie en forme de révolution culturelle.

L'excellence de la thérapie consiste bien à accueillir, pratiquer le lâcher prise et de surcroît, à pardonner. La résultante est certes difficile à envisager, car nous sommes polarisés sur un résultat concurrentiel, individuel et personnel, associé tant aux appâts du gain qu'à la propriété individuelle. L’'important reste bien pourtant la pratique du vivre ensemble, tout en étant simplement en solidarité et bienveillance envers les "autres-soi-même". L'important n'est pas le but matériel mais le chemin humain comme nous l'avons si souvent entendu,... quoique nous ne l’ayons jamais ni compris ni acquis et intégré.

Tout le reste est "hors monde". Toutes les blessures d'injustice, d'humiliation, de rejet, d'abandon et de trahison se soignent par et dans le pardon et la compassion. Nous nous soignerons ainsi mutuellement en retrouvant cet humanisme nécessaire, dans un monde ainsi pacifié. Il devra se trouver associé à cet indispensable "jusque en amour dans nos représentations sociales". La voie est “connue”. Elle est tracée. Il ne reste qu'à l'emprunter. C'est ici la porte de la société nouvelle et sa poignée est dans notre main.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 17 juin 2025

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L'apprentissage est une expérience (10 06)

J'ai bien souvent été questionné sur l'essentiel de la méditation, de la contemplation, de l'altruisme, et de la fraternité. Bien de mes interlocuteurs voulaient savoir comment les apprendre. L'argument vaut pour beaucoup d'autres objets. Le but de mes interlocuteurs semblait correspondre à une description de l'objet de type méthode, peut-être pour avoir une approche pratique du comment. Ils paraissaient attendre plutôt un mode opératoire, un manuel d'utilisation, une notice avec documentation et mode d'emploi. Mais l'apprentissage de technique ne vaut que par la pratique, pas par les mots qui les disent ni par les images qui en montrent des étapes. Ici, le fait de concevoir implique des sensations. Il ne s'agit pas d'une approche intellectuelle mais d'une connaissance pratique. Je me souviens de cette réponse de Don Juan, sorcier Yaki, à l'anthropologue Carlos Castaneda : "Je ne saurai pas te raconter le Peyotl, mais je peux t'initier !"

Il en va en effet de l'apprentissage de n'importe quel usage ou activité, comme l'apprentissage du vélo : cela passe seulement et simplement par la pratique. En effet on pourrait parler des heures de la construction du cadre, des règles physiques utilisées pour le rigidifier, de la résistance des matériaux, de la torsion des barres, des lois de la gravitation et de celles de l'équilibre ou du balancier. On pourrait également évoquer la fonction de la vitesse dans la réalisation et le maintien de cet équilibre. Le principe de la roue à rayon permettant un réglage fin de l'équidistance de tout le bord au moyeu, pourrait aussi être développé, tout comme l’indispensable utilité, de l'amorti du pneu à chambre à air,... on pourrait aussi parler du principe des freins à mâchoires, ou des tampons commandés par câbles, etc... J'aurais beau connaître tout cela, sans pour autant savoir faire du vélo.

J'aurais beau regarder passer le voisin sur sa bicyclette, regarder passer le tour de France, lire les journaux spécialisés, les prospectus publicitaires des différents modèles et des différentes marques, je ne saurais toujours pas faire du vélo. Seule la pratique, parfois accompagnée, me permettra de savoir commencer à pratiquer. Je crois que c'est ce que nous avons tous vécu avec le vélo. C'est ce qu'a vécu Carlos Castaneda pour tirer le meilleur du Peyotl. Il en va de même pour la méditation, la contemplation, l'amour ou la fraternité et tant d'autres pratiques. Tant que je naurai pas ce vécu irremplaçable, je ne connaîtrai pas la “pratique. Seule l'immersion m'en donnera le goût. L'apprentissage nécessite plus de sensations que de mots.

Quand les gens me demandaient quel était l'essentiel en matière de management, je leur répondais : "Aimer les gens et le travail bien fait “. Ceci les renvoyait à deux notions qu'ils étaient susceptibles d'avoir ressenties dans leur histoire, et au fond d'eux-mêmes : l'amour et le bien. Ceci les renvoyait à leur propre vécu. En lespèce, la parole n'a que ce maigre pouvoir : réveiller quelques mémoires.

Ce n'est là qu'un point de départ. Lorsque, par exemple, vous vous trouvez un peu perdu quelque part, vous demandez votre chemin. Le quidam interrogé vous répond en fonction de votre connaissance des lieux, des bâtiments, des marques de magasins, ou de configurations citadines. Il arrive même qu'il vous questionne avant de répondre. Ainsi il peut vous indiquer qu'au carrefour vous irez... sur la place, après la boulangerie, avant la supérette... etc. Si l'interlocuteur vous indique que c'est après la rue Jean Jaurès, vous lui précisez alors que vous n'êtes pas d'ici et que cette rue vous est totalement étrangère. Et si par ailleurs, le mot "janjorès" ne vous dit rien, ce sera un peu plus compliqué encore... Les mots ne servent qu'adossés à quelques expériences sensorielles, à une connaissance culturelle minimale partagée, commune et expérimentée, et plus généralement à un contexte “connu ou reconnu”.

En revanche, si le passant vous dit : "Suivez-moi ! J'y vais." alors vous entrez en accompagnement, en apprentissage pratique. Arrivé à destination, vous le remerciez gentiment, ou chaleureusement selon votre cœur et votre coutume. Pour le reste, il faudra pratiquer et convoquer vos capacités cognitives, votre vécu, la collection des sensations emmagasinées, etc.

Je me souviens bien des premiers jours où, juste débarqué à Paris depuis mon sud ouest natal, je prenais le métro pour les premières fois. Je saluais les gens assis qui ne me répondaient pas et me regardaient bizarrement, peut être avec méfiance, sinon défiance.

Ailleurs, je me souviens bien comment mon père m'apprenait à jardiner, les pieds dans la gadoue, la tête dans les étoiles. Il me revient aussi ces moments d'apprentissage de la guitare, ces partages entre copains guitaristes et autres musiciens. En afro-jazz, je venais demander aux collègues, mon saxophone en bandoulière : "Comment tu le joues ?" Immanquablement nous ne parlions pas et nous jouions ensemble. Il n'y avait plus qu'à imiter et recopier. Imiter, et copier, c'est bien ce que nous faisions, enfants, avec les métiers, et en fonction des grands. L'imagination joue là un grand rôle. C'est même une fonction essentielle ! Mais revenons à notre apprentissage du vélo. Oui, j'en ai déjà parlé. Voilà ce que je disais en février 21 à propos de la méditation versus l'apprentissage du vélo, "Méditer c'est comme faire du vélo" :

1 - C'est d'abord pratiquer pour savoir en faire. Il s'agit de comprendre et savoir, en passant par les sensations.

2 - C'est aussi comprendre la finalité en pratiquant. Par exemple, on peut vouloir apprendre à faire du vélo pour aller à l'école ou parce qu'on l'a vu faire, ou encore, faire comme sa grande sœur ou le voisin d'en face. Ensuite ce sera peut-être pour développer sa pratique, en termes de sensations… ou encore pour faire des balades, des voyages, ou même participer à des compétitions. C'est le parcours dans la discipline qui est l'élément directeur. Méditer me semble du même ordre.

3 - C'est encore changer sa vie, ses perceptions, ses objectifs par la pratique. Celle-ci laisse apparaître et expérimenter de nouvelles potentialités, découvrir un autre monde et, à partir de là, élargir ses connaissances.

De fait, il n'y a pas de méthode universelle, obligée, indispensable ou incontournable. Il n'y a pas de chemin exclusif. Il n'y a pas de raccourcis, ni de voies rapides. C'est comme la réflexion, c'est la pratique qui permet le grandissement et "l'expertise". C'est sur la longueur que la réalité s'ouvre. La méditation n'est pas une pilule magique, ni une réalité intellectuelle. Comme toute pratique, elle est aussi "affaire d'usages". Elle est un chemin, et elle ne saurait se trouver réduite ni à un but, ni à un véhicule. Le véhicule, c'est vous.

Il ne s'agit pas de "faire le silence" en soi, ni de taire ou chasser ses pensées. C'est comme si l'on voulait arrêter son cœur ou les vagues de la mer. Ce serait absurde. Il s'agit juste de les regarder, de les observer, de les contempler, de les "com-prendre", et de s'en imprégner pour mieux s'en détacher, puis de les laisser passer comme les nuages dans le ciel, comme les voitures qui se déplacent sur la route, comme les poules qui la traversent...

Apprendre, consiste à attraper dans son vécu, des sensations qui font de la nouvelle réalité expérimentée une connaissance singulière. J'accroche le nouveau, sur ce que je connais déjà. (Il s'agit de l'ancrage comme le nommait Serge Moscovici). Je n'accroche pas le "nouveau" sur ce que je "sais" car je risquerais de tout perdre d'un coup. L'accroche serait trop précaire, voire inconsistante. J'accroche en similitude et en association symbolique.

Ensuite, je le nomme et j'en fais ainsi un objet nouveau (c'est là l'objectisation toujours selon le même Serge Moscovici). Aristote disait qu'apprendre c'est se souvenir, car au fond de soi, précisait-il, se trouvent l'univers et les dieux, et donc l'accès à ce que l'on appelle "conscience universelle".

Il va être difficile d'aller plus loin dans les mots pour développer quelque chose qui passe d'abord et simplement par la sensation. Rappelez vous de ces moments où vous avez expérimenté une pratique nouvelle et regardez combien les mots ne servent pas à grand chose, sinon à encourager, réconforter, ou accompagner... Souvenez-vous combien la joie vous a submergé, quand vous y êtes arrivé, peut-être même avez vous crié ! Et depuis, ce moment marquant est et reste une source de joie, peut-être de fierté, ou de renforcement de soi.

On a beau expliquer, raconter, ce n'est pas comme cela que nous changeons nos pratiques. Seule la fable, le mythe ou la légende, la petite histoire, cette parabole dont usaient les enseignants grecs, peuvent avoir une résonance dans nos vécus via l'imaginaire et nos représentations. Ces pratiques sensitives convoquent des connaissances utiles, établissent des liens nouveaux entre les différentes approches. Alors, oui, l'apprentissage constitue bien une riche expérience. Elle mérite assurément d'être développée, par et pour l'apprenti que nous sommes.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 10 juin 2025




Cerveau droit et cerveau gauche ou cœur et cerveau ? (03 06)

Bien des mythes ont jalonné les recherches sur le cerveau. On trouve là, les différents styles d'apprentissages, la théorie des intelligences multiples, ou le rapport de l'intelligence avec la taille du cerveau. Ces aspects concernent également l'influence de la musique classique sur le développement de l'intelligence, et la possibilité d'apprendre en dormant. Au-delà de la différence génétique entre les cerveaux masculins et féminins, et l'usage multitâches du cerveau, nous pouvons faire aussi référence à cette capacité qui permet de "muscler" le cerveau. Autant d'éléments qui auront un impact sur les compétences et activités différenciées entre les parties droite et gauche du cerveau. L'ensemble de ces arguments ont été déconstruits par les recherches scientifiques qui ont suivi. Tous ces mythes relèvent en fait d'une approche culturelle matérialiste, sinon mécaniste, du fonctionnement du cerveau.

En termes de différences de compétences des lobes latéraux du cerveau, tous les développements qui relèvent de cette conception mécaniste de l'intelligence, nous ont fait croire à son fonctionnement numérique et permis d'inventer l'ordinateur. Les travaux de De Broca sur la localisation d'activités par zones, ou ceux de Stevenson sur la résidence cérébrale de doubles personnalités, l'une raisonnable et l'autre animale, ont montré leurs limites et leurs faiblesses. Piégés dans une approche par trop matérialiste, bien des chercheurs ont orienté leurs chères études sur des chemins qui se situaient bien à côté de la réalité des faits. Il faudra attendre 2013 et les travaux utilisant les résonances magnétiques, pour observer, intégrer, et comprendre définitivement ces erreurs.

Nous avons ensuite développé différentes approches grâce aux apports de la physique quantique. D'expériences en expériences, nous avons réalisé que la conscience se situe ailleurs que dans le cerveau, lequel relève davantage du “poste de réceptions”, que d'une turbine à idées et conceptions. A l'instar de ce que démontra Maurice Halbwachs à propos de la mémoire plus génératrice que grenier de stockage, notre cerveau est plus un récepteur qu'un générateur ou une "zone de stockage".

Ainsi, nous avons alors compris que la conscience est installées toute vibrante et active dans le "champ magnétique du vide" de l'univers où nous puisons nos connaissances et que nous rechargeons de nos expérimentations quotidiennes. Nous en venons donc à penser que l'univers est un grand tout duquel nous sommes un "détail" connecté et dépendant de tous les autres détails. L'univers est un système complet et complexe.

Parallèlement, des neuroscientifiques ont poursuivi leurs travaux. Des chercheurs nous ont indiqué que la puissance de la pensée était bien plus universelle et puissante que nous ne le pensions. La conscience universelle à laquelle notre pensée collabore, serait la puissance créatrice et fonctionnelle de l'univers’ dont nous ne regardons, et gardons d'ailleurs, que les aspects matériels.

Nous savons à présent que nos émotions sont tout aussi puissantes et efficientes que nos pensées, et qu'elles sont les véhicules de l'intuition. Nous comprenons que raison et intuitions sont les deux jambes de “notre marche d'intelligence“. Nous comprenons que notre créativité est une part importante de notre intelligence, et que cette intelligence est sise dans la conscience universelle, etc... J'ai déjà plusieurs fois abordé différentes facettes du sujet.

Ainsi donc, si les neurones dans notre cœur constituent le deuxième ou troisième cerveau de nos corps, et que l’intuition qui y est captée grâce aux émotions, la distinction entre les activités rationnelles et créatrices-émotionnelles seront plutôt l'apanage du cerveau pour les premières et du cœur pour les secondes. C'est bien là que nous conduit aujourd'hui les études, mais certain avaient déjà ''intuité'' cette réalité, peut-être comme les chamanes et autres animistes. Dont acte ...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 3 juin 2025

Qu'est-ce que l'intuition ? (27 05)

Si l'on fait le tour des conceptions sur le sujet de l'intuition, on trouvera qu'elle est un mode de connaissance, de pensée ou de jugement, fondé sur des sensations, conçu comme immédiat, direct et spontané. Selon les acceptions, c'est soit un processus pour les uns, soit une faculté de l'esprit pour les autres. Mais, l'indiquer comme un hasard, comme le disait Einstein, est juste l'expression de nos limites et de notre ignorance.

D'après des chercheurs en neurosciences, l'intuition serait, à l'instar de la créativité, une forme d'accès direct au réel bien présente en chacun de nous. Loin d'être un don réservé à quelques personnes, il en reviendrait à chacun de développer cette pratique ordinaire au quotidien.

Populairement, l'intuition se résumerait à la faculté de sentir ou "deviner" le réel, voire le "visiter", comme on devine ou ressent le réel, voire l'avenir. Ses synonymes pourraient être la divination, le flair, l'inspiration, ou l'instinct. Comme pour toutes choses, nous avons besoin d'un mot pour la dire. Alors, certains parleront d'avoir du nez, ou invoqueront les notions de prémonition, de prescience, de pressentiment, voire de sixième sens. Familièrement on utilise aisément le terme anglo-saxon de "feeling", et celui-ci renvoie aussi au ressenti et non à la raison.

Alors se pose la question de savoir s'il s'agit réellement d'une compétence, peut être singulière, ou pas et donc il s'agirait d'une capacité ordinaire utilisée par peu de personnes. Les approches, dites scientifiques (ou corolaires), nous disent que nous sommes tous doués "d'intuition", mais que la vie a parfois tendance à nous déconnecter de cette forme "sacrée" de communication avec le réel. Nous perdrions alors le fil de ce que notre "âme" essaie de nous dire. Parfois même, nous nous sentirions confus quant à notre objectif, quant à notre identité même, voire à notre "chemin authentique". Je ne discuterai ni ne développerai cette conception singulière dans les propos sensibles qui leur appartiennent. Je retiendrais juste que l'univers est un système où les synchronicités croisent le réel, où le hasard n'existe pas, où l'intuition est de fait une lecture directe du réel.

Cependant, quand les eaux sont encore troubles, la preuve par l'exemple est ce qui me semble le mieux parler à tout le monde. D'ailleurs, selon les propos convergents de scientifiques réputés, la connaissance vient de l'expérience. Tout le reste demeurant dans le discours ne serait que de l'information. Alors jetons nous dans le bain !

Il m'est de nouveau arrivé très récemment ce phénomène de lecture spontanée du réel avec une "évidence" des faits, et je l'ai donc dite à mon interlocutrice du moment. Dans un lâcher prise de l'ego et des conventions sociales, sociétales, j'ai la sensation que le réel transperce la toile, à la manière du voile des Védas, et arrive là dans la conversation. Dans ce moment-là, je ne raisonne ni ne réfléchie. Les choses arrivent, transpercent le voile de la réalité comme des évidences, parfois comme des souvenirs. Le réel inaccessible, le caché, se révèle comme une évidence, du "concret". Je me rends compte de ce que je dis au moment où je le dis. Jusqu'à ce moment où je m'exprime, c'est tout à fait évident. Mon propos est particulièrement spontané. C'est en révélant ces "incongruités" que je réalise leur apparence irraisonnable, leur forme un peu "perchées" comme nous disons.

Il me souvient que "jouant" à tirer les cartes, je racontais à une dame dont je ne savais rien, pas même le prénom, une bonne tranche de sa vie réelle. Une autre fois, ce fut un renseignement insensé qui me venait sans qu'on ne me le demanda. Ailleurs, dans une conversation qui n'était pas la mienne, je précisais un événement dont, a priori, j'aurais du n'en rien savoir. Dans ces conditions, aucun jugement ne me vient, ni sur mon ou mes interlocuteurs, ni sur le sujet qui nous occupe alors. Car ce qui me vient est toujours dans le cadre d'une interaction ordinaire et l'intuition me vient et s'impose comme un souvenir.

La première fois que cela me soit arrivé, autant que je m'en souvienne, ce fut lors de ma scolarité. Nous attendions notre professeur de mathématique et une collégienne de notre classe passant devant moi me dit n'avoir rien étudié de la leçon du jour. Je lui répondais alors que, ce jour là, une seule élève serait interrogée et que ce serait elle. Ma collègue haussa les épaules tant ma proposition paraissait absurde. Elle était contraire aux habitudes de cette professeur. C'est pourtant ce qui se passa dans les minutes qui suivirent. Je me souviens du regard ébahi qu'elle me jeta en regagnant sa place. 

Depuis ce type d'événement s'est reproduit à de très nombreuses occasions. Ce furent de justes sensations sur une personne que je découvrais, sur des événements qu'allait vivre mon interlocuteur, des situations imprévue qui me venaient, l'impression exacte de ce qu'allait être cette journée qui commençait, etc.

Pour ce faire, il n'est nul besoin de se concentrer mais plutôt, bien au contraire, de lâcher prise, de rester baigné dans l'instant présent et, comme dans une méditation, d'accueillir et laisser passer ce qui vient. Ce qui paraît, en l'espèce,  aberrant,  sinon incongruse révèle en moi, bien souvent comme une "tautologie"

Comme disent les sages, ne me croyez pas : expérimentez vous-même et faites vous votre idée. On dit aussi que si la réflexion vient du cerveau, l'intelligence vient du cœur. Elles sont, comme je l'ai déjà évoqué, les deux jambes de notre sagesse. D'aucuns commentent en disant que les informations sont toutes dans la "conscience universelle" et qu'elles nous sont données via le cœur. Ce sont là des retours du vécu et je les partage sans analyse...

Mais regardons encore de plus près. Les chrétiens parlent de la Providence, Machiavel, de "Fortuna", Jung de synchronicités avec un inconscient collectif. Les taoïstes évoquent un flux universel. Tous parlent d'une même chose : l'univers a une logique structurante et nous conversons avec lui via une intuition qui nous échappe la plus part du temps. Et nous n'en faisons rien, sinon au mieux de la regarder avec curiositéHenri Poincaré disait que nous trouvons par l'intuition et le prouvons avec la logiqueAinsi, nous saisissons ces opportunités que nous offre l'intuition et nous agissons sur le réel. Ainsi va la vie...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 27 mai 2025