En
termes de durée de l'instant, on dit, que le
temps s'écoule, qu'il ne faut pas le perdre et éviter d'avoir à
courir après. On entend aussi qu'il y a le bon,
qui est passé, que le présent seul compte et que le
futur est parfois incertain, surprenant, quand il n'est pas considéré
comme angoissant. Il faut aussi et surtout intégrer que
la notion de temps est d'essence culturelle. Ainsi, passé, présent
et futur constituent bien des notions liées à
un positionnement dans l'espace-temps, un point sur un vecteur
imaginaire ou culturel. De fait, très concrètement et
factuellement, le temps n'existe qu'au présent.
Seul existe le moment où l'on est, c'est
à dire l'instant présent.
Le reste est pensées supposées, et donc relues dans,
et par notre mental.
Tout
est présent ici, aussi bien ce que l'on construit comme étant du
passé, et ce qui ressortit au futur.
En
effet, le présent en l'état, son "aperçu"
et sa construction dépendent des "préoccupations"
présentes. Le futur, quant à lui aussi relève aussi du
présent. De fait, ce que l'on imagine comme étant à venir, -qu'on
le craigne ou qu'on se
projette-, dépend assurément des préoccupations
présentes. Je pense, par exemple, aussi bien aux appréhensions, aux
peurs, aux attentes, qu' aux conséquences
supposées de ce que nous avons vu, et perçu.
Parce
que nous avons accueilli "en croyance" une notion
trinitaire du temps (passé, présent, avenir), nous nous sommes
aussi installés dans la conservation et la pérennisation de ce que
nous croyons être notre histoire. En d'autres termes,
notre passé construit et reconstruit pour un usage
immédiat. Il en va de même pour notre avenir
projeté. Celui-ci est à considérer comme une
conséquence des deux premiers temps, mais revisités
à l'aune de nos intérêts, de notre imaginaire, de nos croyances et
de nos autres investissements. Il s'agit là du
temps dit Chronos, en grec.
Ainsi,
en permanence, nous inventons, reproduisons et
transmettons des contes et légendes, ceux-là même qui
justifient le présent et promettent un certain avenir. Ici,
s'affrontent deux forces : les néo-gnostiques
qui réinventent le futur à travers la promesse d'une apocalypse, et
des néo-rhéteurs, agissant sur l'éthos, le
logos et le pathos. Ceux-là débattent et réfléchissent sur le
monde, sur son actuel, son présent, son quotidien et son devenir
logique afin qu'il soit donné à croire.
Pour
des raisons de commerce, la société postmoderne a transformé les
citoyens en consommateurs avides et dépendants. Corrélativement,
ceux-ci n'acceptent ni la souffrance, ni la douleur, ni les
difficultés et répugnent à l'effort. En même temps cette société
trouve logiques et ordinaires l'affrontement, la prédation, la
concurrence et la compétition débridée. Elle déplore ce qu'elle
produit là, à savoir le recours à la violence comme système de
régulation de conflits.
Les
néo-gnostiques sont à ce point certains de leurs histoires
prédictives que les acteurs, à venir ou déjà là, n'ont pas
d'autre raison d'être que de les réaliser ; ils
sont les appelés, souvent même des personnages purement
conceptuels. On retrouve ici le
Clovis et la Jeanne d'Arc des seconds républicains.
En
face, donc, il y a les néo-rhéteurs, ceux-ci indiquent
comment penser. Non loin d'eux, les faiseurs-débatteurs vont user
de leur intuition, de leur raison, de leur libre arbitre
et de leur amour de la vérité pour tenter de comprendre et voir ce
que le présent veut dire. Ceux là auraient plu à Einstein, Tesla
et Poincaré.
Perdus,
ou faisant masse, on va retrouver ici des gens
avides de victoires ou de visibilité à courte focale. Ceux-là
ont couché leur libre arbitre à l'ombre de pensées
majoritaires. Paradoxe supplémentaire, on sait maintenant que les
pensées précitées s'avèrent non seulement
fausses, mais aussi liberticides et
mortifères. Au bord d'un rond de lumière, nos pauvres “héros”
dégustent leur servilité quand d'autres ont choisi la
liberté. Est-ce que la symbolique dépasse la réalité ? C'est très
probable...
Ainsi
va la vision de notre société occidentale, telle que je l'ai
comprise. La voici tiraillée entre profits à
consommer et liberté à "jouir" et conserver. Mais que
faire dans cet antagonisme ? Comment s'y prendre ?
Je
me limiterai juste à noter que l’empowerment,
-ce mot anglosaxon in-traduit à ce jour-, indique le
développement du pouvoir d’agir des personnes et des
collectivités sur les conditions auxquelles elles sont confrontées.
C'est juste ce dont nous avons besoin pour reprendre le pouvoir sur
les élites dominantes. Mais le mot n'existe pas en
français !...
Cependant,
je me garderai bien de jeter le bébé avec l'eau du bain.
Poincaré disait qu'il disposait intuitivement du résultat de ses
préoccupations. Ce n'est qu'ensuite qu'il en calculait la
démonstration. Einstein, de la même façon rappelait qu'il avait
l'intuission de réalités physiques et qu'il en cherchait ensuite la
démonstration scientifique. Descartes, quant à lui, eut trois
songes constitutifs, avant d'écrire son traité sur le discours de
la méthode. Deux mondes sont bien superposés et
tout notre travail d'intelligence est de séparer le bon grain de
l'ivraie, de rechercher raisonnablement la vérité à l'aune de ce
que ressent notre cœur. Autant d'éléments qui nous permettront
d’accueillir “la Vérité” sans préjugé,
juste comme une donnée réelle.
Mais
faisons ici un petit détour culturel bien utile
pour mieux comprendre. Si le christianisme façonne notre société
occidentale néolibérale, la conception de Saül de Tarce l'habite
profondément. Il s'agit de cette représentation de soi, associée à
une image d'impuissance. On la retrouve dans le
masochisme, qui fait de la souffrance la panacée
sacrée de la sagesse, seule susceptible de permettre la
salvation(il semblerait que c'était là la personnalité
psychologique de ce dit Saint Paul). Prenant conscience de cela, dès
lors le plaisir et la jouissance prennent toute leur place dans la
relation à l'autre et au monde. Ils deviennent possibles, sains et
louables.
Débarrassés
de cette aporie émotionnelle, la sexualité, jusqu'alors assumée
dans le sombre et le pervers, devient une louange à la vie, voire
même sa célébration. Dans ces conditiohs, nous pouvons alors
accueillir les femmes et les hommes qui préfèrent la connaissance à
l'obéissance. La soumission reprend ainsi sa place raisonnable dans
la faute et la faiblesse, l'impuissance et la bêtise.
Dès
lors, l'obéissance va se trouver associée à la
seule absence d'intelligence. Il faudrait alors, se
considérer comme stupide, peureux et impuissant
pour se soumettre. Voilà, je crois, ce que nous
apprend cette prise de conscience. C'est bien cette conscience
qui est et fait l'univers, celle que l'on retrouve aux antipodes
de l'obéissance. Le christianisme n'est donc pas celui
de Jésus, un personnage plutôt conceptuel, dont
le récit de vie ressemble tant à celui de Mithra, de Socrate, de
Dionisos et de bien d'autres personnages conceptuels. Il est en fait
le christianisme de Saül de Tarce (dit Saint Paul) puis de
Constantin, qui en a eu tant besoin pour
reprendre autorité sur l'empire romain alors éclaté. Ce sont eux
les fondateurs du catholicisme, et pour grande part, des
christianismes. Ils ont placé en fondement de la relation à dieu,
la souffrance réparatrice, la soumission et l'abstinence. Tous ces
éléments n'ont d'autres fins
que de promouvoir un ordre social.
La
philosophie, qui est l'amour de la sagesse, se fonde
sur la connaissance. Elle constitue l'antithèse de l'obéissance
dans la soumission. Les populations simples et peu instruites, faute
de connaissances et inscrites dans des récits structurants, ont
besoin de merveilleux pour adhérer à une thèse, à une
représentation, à un projet qu'il soit
collectif, ou alternatif. Dès lors, les récits de
miracles et l'hypothèse de pouvoir en produire
soi-même, sont aussi les moyens ancestraux et ordinaires
d'influencer les masses, voire les manipuler.
On
retrouve ici les sempiternels propos
bien surprenants autour de la loi de l'attraction, ou les autres lois
new-ages.
Le
principe même de la loi universelle s'avère une
escroquerie intellectuelle à laquelle le psychosociologue Serge
Moscovici répond par ce constat :
"Les lois de la nature sont celles que la culture lui trouve !".
Nous fabriquons ou relayons les représentations dont nous avons
besoin. Ainsi, si la réalité de la nature ne correspond pas à la
légende, c'est la nature qui a tort, ou bien le
narrateur qui se trompe. Ainsi, la nature serait de forme prédatoire
et n'offrirait de place qu'aux plus forts. Nouveau paradoxe, quand on
sait que loups, ours et corbeaux collaborent en toute solidarité
dans nos forêts.
La
sagesse, en la matière, serait d'en reconnaître le processus.
Comment admettre qu'une supposée puissance supérieure
façonne le réel à condition de s'y soumettre. La notion de
superstition est liée à la non reconnaissance de faits et d'actions
dont on réfute l'efficience et la causalité. A partir de là, il
peut être fait une classification entre les croyances officielles et
les autres, dites superstitieuses.
Au
delà de ces éléments, il nous reste encore à considérer que
l'espace, le temps et la matière n'existent que de manière
holographique. Ils émergent de la conscience comme un reflet.
Comme
nous venons de le voir, les lois de la nature sont celles que la
culture lui trouve. Nous les croyons réelles pour les “voir”.
Il n'y a pas plus de lois naturelles que de noyaux dans une banane.
Il n'y a pas de divin, sinon en nous mêmes, au creux de notre âme,
au fond de nous, comme l'évoquait Aristote.
C'est un peu comme si nous ne considérions de l'eau que son état de
glace solide... En poussant la comparaison entre
l'eau et la conscience, vous aurez tout compris. A l'état solide la
conscience est matérielle et individuelle. A l'état liquide elle
circule partout entre nous. A l'état gazeux, elle est une et
universelle.
La
réalité est des plus simple. Rien ne sert de multiplier les
détails, les entités et les lois. Nous sommes de la conscience
universelle. Nous ne voyons que ce que nous croyons et après, c'est
là, et cela s'impose à nous comme une réalité.
Deepak
Chopra relate que les Védas disent que désirer le fruit d'une de
ses propres actions implique un manque de foi dans la volonté du
divin de tout donner ! Il y a toujours quelque part un quidam qui dit
ce que l'on a envie d'entendre, et c'est lui que
nous nommons sage ou prophète. C'est un point de vue... Croire
soulage. C'est bien plus simple que réfléchir, disait Carl G. Jung.
En
revanche, l'apathie de la soumission obéissante est un aspirateur de
stimuli émotionnels. Le système néolibéral en propose de
nombreux, qui maintiennent le sujet en posture
apathique de consommateur compulsif. L'argument vaut pour les
stimuli sexuels et de satisfaction sensorielle. A cet effet, le cycle
stimulus-geste-satisfaction occupe et encombre
notre psyché.
Parce
que nous sommes d'une culture, il nous est loisible de confondre la
soumission à ses récits de vérité associés à l'acceptation de
ce qui est. Les réalités culturelles ne sont pas le réel. Il nous
faudra abandonner la soumission pour accueillir l'intuition
raisonnable, cet équilibre entre réflexions et intuitions. La
raison ne sert, de fait, qu'à
expliquer ce que donne l'intuition, nous indiquant la finalité, et
donc le but à atteindre.
Le
problème que nous nous sommes fabriqué est d'avoir séparé la
raison de l'intuition. C'est bien la
sagesse qui élabore, ressent et "reçoit",
la connaissance rationnelle, à partir des
sensations du cœur, que l'on peut qualifier d’intuitives et
fécondes. C'est le mariage des deux qui nous sera utile et salvateur
comme l'ont fait de grands savant sur les épaules desquels nous
tentons de voir plus loin. L'objet de ces articles est de tenter de
rassembler ce que nous avons confusément dispersé par oublie et
donc ignorance.
Alors,
peut être faudrait-il penser toutefois à ne pas
les mélanger. A présent regardons de plus près dans un exemple
pratique et concret. Il est assez courant d'entendre des
démonstrations spirituelles faire l'éloge de la convergence des
raisonnements (je n'ai pas dit "la convergence des sagesses").
Ainsi pour démontrer la validité de l'intuition certains n'hésitent
pas à invoquer la matérialité de la pensée dans des fréquences
chiffrables, repérables, "normables", voire normées.
Ainsi,
attirer des synchronicités, de bonnes choses, de bons événements,
passerait par la résonance avec les fréquences de nos pensées.
Assurément, dans ces conditions, l'intuition et la spiritualités
passent à la trappe au profit d'une démonstration matérielle que
le raisonnement souhaite déconstruire à terme.
Ce n'est pas en changeant de champs que l'on change de paradigme, ou
qu'on l'incrémente. Tout cela ne vaut que parce que l'on pense le
raisonnement supérieur à la sensation. On peut le regretter, c'est
pourtant un fait ! La raison ne se
substitue pas aux apports directs de l'intuition.
Si
l'intuition est un accès direct au réel, pourquoi en faire la
démonstration puisque le principe même passe outre la raison ?
Pourquoi aurions nous besoin de démontrer l'apparition, le
surgissement ? Vouloir les démontrer est bien la preuve que l'on en
doute. Ce qui est scientifique n'est ni intuitif ni spirituel.
Pourquoi donc se renier pour "expliquer" que l'on est dans
le vrai ? C'est absurde ! Nous avons un cerveau et un cœur, l'un
raisonnable et rationnel, et l'autre émotionnel et intuitif. Ils
sont complémentaires dans notre conscience comme la jambe gauche et
la jambe droite le sont pour la marche.
Contentons-nous
de montrer que ça fonctionne, que c'est là, comme le fit Jung avec
le scarabée de sa patiente. Celle-ci rapportait
l'avoir rêvé quand il vint cogner sur la vitre du cabinet où ils
étaient... Accueillir le réel comme une réalité, alors chacun en
fera son affaire à l'aune de ses certitudes, ou pas... On ne
convertit pas ni dans ni par les explications, et chacun ne voit que
ce qu'à l'instar de Poincaré, Einstein ou Descartes, chacun
"sait" intuitivement dans la sensation et
explique rationnellement.