"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Sur cela, nous avons la main et c'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce, chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite.

Pas de fonctionnement programmatique de nos cerveaux (16 12)

Nous avons pris l'habitude de regarder notre cerveau comme un ordinateur, mais nous devons cesser de le considérer ainsi. De fait, nous avons inventé l'ordinateur sur une conception erronée de notre cerveau. Ce que nous savons réellement de son fonctionnement n'a vraiment rien à voir avec celui d'un ordinateur : ne parlons donc pas de programme, ni de stockage de données. Notre cerveau réagit exclusivement en mode “conscience”, et les “données” et les souvenirs ne sont en fait que des reconstructions immédiates, placées sous l'influence de représentations, d’intérêts et de préoccupations conjoncturelles. C'est ce que nous répétaient nos professeurs Serge Moscovici et Denise Jodelet à l'EHESS. Il n'y a donc rien de “mécanique” ni de matériel dans ces pratiques et dans ces usages. Il n'y a que des prises de conscience et des "constructions psychiques" immédiates d'images de réalité "engrammées", de sensations et de sentiments, voire d'autres éléments qui semblent nous échapper. Je m'explique.

Effectivement, des chercheurs ont "inventé" l'ordinateur sur une intelligence mécanique qu'ils avaient à l'époque de ce que pourrait être le fonctionnement de notre cerveau. Au bout du compte, nous avons là un merveilleux outil, mais qui n'a rien à voir avec ce qu'est notre intelligence intuitive, imaginative et créatrice.

Un chercheur, comme Maurice Halbwachs a écrit autour de ce qu'il nommait, les "vrais faux souvenirs". Il nous a donné à comprendre "comment se souvenir se passe", et sur quoi le processus repose. Ce sociologue durkheimien, mort en camp de concentration à Buchenwald, nous a laissé un ouvrage remarquable : "Les cadres sociaux de la mémoire" (Paris, 1925). Maurice Halbwachs nous fait ici prendre conscience des processus de construction, déconstruction et reconstruction psychiques de ce que l'on nomme “souvenirs” dans le langage courant. Mais aussi du phénomène social dont ils relèvent. Sa formule que "le cerveau est plutôt un générateur qu'un grenier" nous donne à mieux comprendre sa contribution en la matière.

Comme les sagesses anciennes reviennent sur le tapis de nos recherches, arrêtons nous un instant pour mieux comprendre de quoi il s'agit. Dans le bouddhisme, la plus simple et pure activité de notre cerveau est la contemplation sans réflexion ni jugement quel qu'en soit l'objet : une flamme, une sensation, un mantra, un concept comme la compassion, une image ou autre "objet". Il ne s'agit que de regarder passer ce qui vient en tête, comme les nuages passent dans le ciel. Est-ce qu'un ordinateur saurait faire cela ? Effectivement non. Les "méditants" s'en rendent très vite compte.

Les travaux de l'anthropologue Jean-Dominique Michel nous ont montrés combien le soin est particulièrement le fruit d'une activité psychique et que la guérison ne relève que de la relation de confiance entre le praticien et le patient. Seul le patient lui-même enclenche son processus de guérison. Guérir relève donc totalement d'une activité psychique “auto-active”, et non de prophylaxies médicamenteuses, ou autres thérapies curatives externe. Son approche des placébos et des nocébos est explicite : ce ne sont que sur ces processus mentaux, fondés sur la conscience, que le soin marche ou pas.

On relate le cas d'un malade du cancer qui apprend qu'une molécule soigne radicalement son mal. Il s'en ouvre à son médecin qui lui procure la molécule. Le patient guérit alors comme miraculeusement. Mais plusieurs mois plus tard, celui-ci découvre un article niant totalement les effets réels de cette molécule, jugée aussi inappropriée qu'inefficace. Le malade rechuta et mourut. Le cas n'est pas unique. L'activité psychique, celle de la pensée, semble bien supérieure à l'efficacité mécanique de médicaments et autres soins.

Il me revient aussi l'histoire d'une patiente atteinte d'un grave cancer qui, exaspérée par toute la médecine qu'elle subissait, décida d'en rester là. Elle arrêta tout traitement,... et guérit. Je sais qu'il ne faut pas en faire la publicité, et que la bonne lecture de ces cas est rare. Je me contente de dire que cela existe et que les scientifiques du domaine le savent.

Ainsi le chamanisme travaille sur ce principe de "reliances spirituelles". D'autres pratiques comme la médecine chinoise ou philippine, la sophrologie, la méditation, le yoga, la contemplation ou la réflexion le font également. Nous sommes ici au cœur des activités de nos cerveaux. Bien des pratiques anciennes et actuelles utilisent ces voies là, nous montrant la puissance de la psyché. Nous assistons aujourd'hui à un retour de l'animisme, favorable à ces pratiques en reconnaissant leur efficience. Actuellement, des coupeurs de feu et faiseurs de secrets sont entrés dans nos hôpitaux et leurs pratiques y sont prospères, efficientes et appréciées.

Alors, nous commençons à nous rendre compte que la recherche scientifique, notamment avec celles sur la physique quantique, est en train de nous donner des explications rationnelles à ces démarches curieusement efficientes.

Comme le disait Nikolas Tesla "si vous voulez comprendre l'univers, intéressez vous aux fréquences, ondulations et oscillations". Le physicien Nassim Aramein, comme Philippe Bobola, physicien, anthropologue et psychanalyste, nous font remarquer que la matière est faite de 99,99 % de vide. Elle n'est donc pas consistante et sa structure serait dépendante de liens magnétiques. Ce serait donc dans le vide magnétique qui occupe ces espaces que s'installent les informations. Voilà qui nous fait penser aux "archives akashiques" chères à quelques théosophes du dix-neuvième siècle, aux origines indiennes.

Si on considère que l'entité humaine "s'épuise" dans son corps, effectivement la tentation de voir dans ce corps l'unité complète de son fonctionnement psychique est grande. Mais nous savons que l'identité humaine comprend aussi son environnement. Ladite "expérience interdite" nous rappelle que sans un contexte attentionné et bienveillant, les bébés meurent.

Considérons aussi le développement d'enfants dit sauvages, élevés par des loups : on se rappelle ces cas où l'individu, comme la fille de l'Aveyron, n'a jamais pu se tenir debout, a toujours dormi dehors et est morte vers l'âge de 17 ans, l'âge où meurent généralement les loups.

L'identité de l'individu comprend donc bien son environnement, celui sur lequel il s'est construit. Cet environnement le définit et le façonne autant que les expériences qu'il aura plus tard. Ce n'est donc pas dans la dimension mécanique que s'épuise le sujet. Toutes les dimensions environnementales, contextuelles, spirituelles ou imaginaires participent de cette réalité d'être. Ainsi, pour comprendre l'activité psychique de l'être, qu'il soit humain ou autre, nous devons prendre en compte ce qui le dépasse, ce que nous lui retirons comme ne pouvant être propre ou inhérent à lui-même, comme le champ social et culturel, les croyances, la spiritualité ou l'imaginaire .

Ainsi, gardons en conscience que méditer est bien un acte de ressourcement, non pas pour ou par le calme seul, mais dans tout ce qui constitue l'être lui-même hors des limites de son propre corps. Si nous devions illustrer concrètement cette conception, nous reprendrions l'image de la ruche. C'est bien elle l'entité, et pas les abeilles qui la constituent. C'est un peu comme si nous attribuions une identité totale, parfaite et complète à chacune de nos cellules endogènes ou exogènes.

Ainsi, notre conception de notre identité se trouve bouleversée. Comme il est écrit dans le Kibalion, comme nous le retrouvons dans les philosophies grecques et égyptiennes, ou comme il est dit dans le bouddhisme, nous sommes dans l'univers comme la goute d'eau dans l'océan, laquelle le contient tout entier. Nous ne sommes que parcelle de l'univers, le contenant entièrement, et il serait temps d'en prendre acte.

Ainsi, notre conscience est universelle et nos activités mentales et psychiques y contribuent elles aussi. Tenter de les localiser dans telle ou telle partie du cerveau est donc aberrant, même si des électroencéphalogrammes y repèrent quelques signaux... Mais c'est davantage notre lecture paradigmatique du réel qui nous le souffle qu'une véritable connaissance du réel.

Ainsi, si quelqu'un vous invite à "reprogrammer votre cerveau", même si ça semble "fonctionner", prenez garde et ne soyez pas dupes ! Le processus est évidemment ailleurs et relève de bien autre chose plutôt lié à la conscience... Voilà un pas immense qui nous reste à faire.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 16 décembre 2025



La tendresse (09 12)

Comme le dit l'adage : "la tendresse est le dialogue des âmes". C'est avant tout une sensation que l'on a au fond de soi. Elle côtoie la compassion et croise la bienveillance. On dit aussi, qu'elle est la petite sœur de l'amour. Elle rappelle l'affection qu'elle habite et réciproquement. Elle est aussi le médicament des mêmes âmes. Selon cet autre adage : "Si la raison gouverne l'esprit, le contact gouverne l'âme". La tendresse serait alors aussi le langage de l'âme. Elle répare les cœurs et dissout les douleurs. Elle habite le présent et dispose, pour ce faire, d’une puissance incomparable. On trouve et retrouve ici une amie qui précède l'espoir, et nous accompagne sur les chemins difficiles. Elle donne du bonheur tant à la personne qui l'offre qu'à celle qui en est la bénéficiaire.

La tendresse devient donc une activité qui, dans le meilleur des cas, se partage. On la ressent comme une douceur du cœur. Elle raconte à nos âmes, l'amour dont nous avons besoin et dit comment s'y prendre pour la fabriquer et la partager. C'est une pratique qui ne nécessite aucun moyen supplémentaire ni complémentaire, sinon d'être au moins deux, que l'autre soit humain ou pas. Elle réclame que nos cœurs soient ouverts à l'empathie, à la bienveillance et à l'amour des choses, des êtres, ou des gens.

J'ai le souvenir qu'enfant, un jour où j'avais du faire une bêtise, ma mère, chose rarissime, me donnait une fessée légère et douce. Et comme j'en appelais à ma "maman", elle me consolait en me disant : "Je suis là !". Elle continuait cependant à me donner ce semblant de fessée, éducation oblige. Je m'en souviens comme d’un moment paradoxal de tendresse. Voilà : ma mère était cette personne là...

Je me souviens aussi de ce camp de scouts où nous avions fait un jeu de nuit. Comme j'étais encore un enfant, j'avais cherché un endroit pour dormir, fatigué de la journée très vivante. J'étais donc allé dormir dans une maison abandonnée prévue à cet effet. Je me suis réveillé dans les bras d'un "plus grand", qui avait pris soin de me tenir au chaud dans un sac de couchage, sans autre intention que de me protéger du froid. Cette gentillesse gratuite m'est restée longtemps en mémoire.

Il me revient un souvenir encore plus ancien où, à l'école primaire, j'avais une amie qui s'appelait Maryse. Elle avait la particularité d'avoir six orteil à chaque pied. Je me souviens de ces moments où, côte à côte, nous comparions nos pieds avec gentillesse et sans jugement. Nous comptions nos orteils et faisions les constats simples qui s'imposaient. Une forme de tendresse d'enfants non encore encombrés de préjugés. Je me rappelle avoir toujours bien aimé ces moments là, tendres et simples.

Plus tard, je découvrais la tendre bienveillance d'un cousin de ma mère qui me fit "le grand père" que je n'ai pas connu. Il m'amenait chercher quelques truffes avec son grand chien noir, ou m'enseignait des tours de passe-passe, notamment avec un balai : autant d’exercices qui me firent briller plus tard en colonies de vacances.

Colonie de vacance où je me souviens de Joëlle, cette tendre "copine" que j'ai revue vingt ans après à la caisse d'un supermarché. Je repensais à ces moments partagés sous son tendre et doux regard, ces moments câlins qui nous faisaient vibrer, et nous apaisaient dans une douce plénitude.

Je pense aussi à cette pratique en thérapie et développement personnel que l'on nomme "autonomous sensory meridian response" et que l'on reconnaît sous l'acronyme ASMR. Son utilité consiste en la distribution de calme, de sensations de bonheur somnolent et de sérénité. Cette “pratique” provoque des sensations psychologiques et physiques sur diverses parties du corps. Ce sont en fait des sortes de câlins ordinaires qui portent des noms réputés "intelligents". Il s'agit de retrouver ces moments chaleureux que nous avons connus bébés, de les revivre, voire de les découvrir.

Ces pratiques de tendresse nous emportent dans des moments de joies sensorielles qui nous réconcilient avec nous même, nous accompagnent à nous aimer enfin, à nous pardonner les maux que nous avons vécus, et même acceptés, voire que nous nous sommes fait. En retrouvant ces sensations d'enfance, ou simplement en découvrant ces ressentis tendres, nous nous retrouvons avec nous mêmes dans le plaisir d'être.

La tendresse est alors ce beau cadeau que nous partageons pour un moment de bonheur. C'est peut être là que se trouve la parfaite image intérieure de l'univers et des dieux. Pourtant, nous avons une propension à nous souvenir davantage des mauvais moments, que de ces doux instants, faits de plein de tendresse. Ce sont pourtant bien ceux-là qui nous ont construits bien "au chaud".

Et donc, maintenant, en nous projetant pour demain,... qu'allons nous en faire ? Si nous les savons "déconstructeurs" des douleurs mentales, et pansements pour les douleurs physiques, il nous reste alors à les “utiliser” ! (...je repense à tous ces "bisous magiques" qui ont soigné nos bobos, et ceux de nos petits). Dans ces conditions, pourquoi n'en usons nous pas au quotidien pour que ce monde soit plus doux, bien meilleur et en paix ? Ne me dites surtout pas que le monde est cruel, qu'il efface la tendresse comme les vagues le font des dessins sur le sable. Si ce monde dépend de nous alors redisons le : J'aime les gens et le travail bien fait! Car c'est bien au pied du mur, que l'on voit le maçon… 

Jean-Marc SAURET
Le mardi 9 décembre 2025


Retour aux origines (02 12)

En lisant un article fort intéressant sur le retour de peuples africains à leurs philosophies et spiritualités originelles, je me mis à penser à la similitude de cette situation avec la notre et nous-mêmes aujourd'hui. A l'occasion de cette recherche d'identité, (ou espace laissé vacant à l'occasion de la décadence de l'occident), l'article résumait cette phase de façon synthétique, en soulignant l'opportunité que se donnaient bien des peuples en Afrique de l'ouest pour se “repenser”, dans l'essence même de leurs cultures et de leur Histoire”. Ce “moyen” leur permettait de se retrouver “essentiellement”. 

J'imaginais alors ce retour que nous aurions à faire sur nos pensées et philosophies anciennes, préchrétiennes. En termes d'alternative, nous avions le choix : soit de se situer avant le catholicisme paulien, (inventé par l'empereur Constantin), c'est à dire celui de la soumission, de l'obéissance et de la rédemption (mais de quoi?) par la souffrance et le sacrifice sous l'emblème de la croix.

Il serait intéressant de retrouver, nous aussi, ce qui nous a constitué avant la France de Clovis, par son baptême en 486. C'était là une affiliation à l'histoire et à la culture d'un empire romain défait. On sait bien l'incidence césariste sur l'ensemble de la civilisation occidentale. A cet effet, je repense à ce qui, dans notre culture, a traversé tous ces siècles, a d'ailleurs perduré en termes de "chamanité", de guérisseurs et coupeurs de feu. On retrouve ici aussi le druidisme, et quelques autres pratiques dites païennes et qu'on identifierait plutôt d'animistes... Il me semble voir là une similitude entre, par exemple, notre processus d'acculturation et celui des Antilles ou de Louisiane, entre christianisme et vaudou...

Nous savons que la religion la plus répandue dans le monde est l'animisme, (ou chamanisme). Nos rebouteux, guérisseurs, coupeurs de feu et autres magnétiseurs, relèvent de cette tendance ancestrale chamanique. Les pratiques de guérison sont les mêmes, et je me réfère ici aux travaux de l'anthropologue suisse du soin, Jean-Dominique Michel. Cet auteur montre comment la guérison relève essentiellement, de la relation entre le patient et le praticien. In fine, c'est le patient qui se guérit lui-même, sur la base de cette relation de croyance et de confiance.

Ces pratiques-là sont détachées du corpus sociétal césariste, dont on sait bien qu'il est fait d'individualisme, de commerce, mais aussi de compétitions, de concurrences et de guerres. L'apogée de ce “moment” est bien ce néolibéralisme, lequel est en train de s'effondrer actuellement sous nos yeux. Il est donc temps de retrouver notre âme, notre essence profonde. Certes, il semble difficile de retrouver la dimension animiste pré-chrétienne. Mais si l’on fait le lien entre tous les animismes du globe, on comprendra que le processus est partout le même et que la perdurance des rites traverse les cultures. Rien ne se perd. Tout se métisse, ''rampe'', puis réémerge, en évoluant. Il nous reste, en l'occurrence, juste à désaxer notre regard, en gardant en tête l'universalisme animiste. A partir de ces prémices, les liens et constances se font tout seul, et viennent tout “naturellement”. (J'ai commencé ce travail dans mon ouvrage "La puissance de la pensée imaginaire - Retour vers l'animisme", 2023, Ed. Bookelis)

Ainsi, nous n'oublierons pas cette maxime africaine : "L'homme est le remède de l'homme" que j'aime relier à cette parole bouddhique : "Sois ta propre lampe ! Ne crois rien ni personne. Vérifie et expérimente tout". Notre "aggiornamento" reste, dans ces conditions, à inventer et à expérimenter nous-même, par nous-mêmes. Notre chemin initiatique vers le retour à “notre propre âme” est celui là, bien à l'intérieur de nous.

Sociologiquement ou anthropologiquement, il nous sera aisé de fouiller dans nos pratiques populaires ressurgies de nos campagnes, pour retrouver ce chamanisme des origines. Celui-ci a continué à vivre et à poursuivre son exercice à travers le temps. C'est non seulement une chance mais probablement aussi un indice de sa réelle présence vivante. La démarche sera facilitée par le fait que nombre d'ouvrages foisonnent sur le sujet sous le chapeau d'une "nouvelle spiritualité". Et ce tout en sachant profondément que la sagesse et la connaissance ne sont pas dans des livres, mais sur notre chemin expérientiel.

Non seulement les rituels et pratiques sont là, mais on y retrouve aussi toute une réflexion sur les raisons de leur présence qui abondent. Il n'y a plus qu'à en prendre conscience et à observer le phénomène. Mais ce n'est pas tout et la démarche de déconstruction et reconstruction en Afrique de l'ouest nous permet de voir évoluer un champ d'incidence plus large. Je voudrais m'y arrêter quelques instants.

Ces collègues africains commencent leur aggiornamento en constatant et prenant acte d'une rupture mentale entre l'émancipation de la "colonisation spirituelle" et la réappropriation de l'identité d'origine. Cette seule prise de conscience devient un moteur déterminant pour atteindre ces origines quelque peu effacées, mais pas perdues.

Souvenons nous que ce catholicisme romain qui s'est infiltré, puis installé dans notre Gaule par le baptême de Clovis en 486, est cette religion paulienne de l'obéissance et de la rédemption par la souffrance élaborée par l'empereur Constantin pour refédérer l'empire Romain. C'est là un acte de colonisation césariste pour perpétuer cette organisation sociétale et conserver à César toute sa puissance et à ses sbires tous leurs privilèges. Il n'y a là rien de la révélation d'un peuple reconnu mais juste une instauration de la culture de la soumission volontaire.

Et puis, cette prise de conscience façonne une rupture sociale, car elle instille l'idée d'une reconstruction de valeurs collectives. Ainsi, nous pourrions assister, comme chez nos confrères africains, à un retour aux mythes communautaires et aux valeurs ancestrales. Je repense au solidarisme bienveillant que nous voyons ressurgir dans nos campagnes, quand les regards se tournent vers le "pays" et lâchent les avidités singulières.

Alors nous assistons à une réelle rupture politique. Ainsi nous lâcherions ce néolibéralisme individualiste, compétitif, concurrentiel et si catholique, pour des modèles de gouvernance inspirés des traditions de partage et de solidarité. Comme nos collègues africains y parviennent nous ferions une réappropriation des modèles politiques anciens. Je pense à ces collectifs d'assemblées citoyennes qui ont structuré les relations sociales et que nous retrouvons avec les approches girondines et libertaires de type associatif, fédéral et confédéral. La naissance de coopératives et de syndicats sont de ce type.

Par ces bouleversements sociétaux, nous constatons quelques ruptures spirituelles avec les églises centralisatrices, cultivant un certain culte de la personnalité, comme celle du chef pour, à l'instar de nos collègues africains. Dans ces conditions, réapparaît une nouvelle définition de la spiritualité dont le principe serait lié à une entité supérieure transcendantale, et présente en chaque personne. C'est en son sein que se retrouvent l'univers et les dieux, chers à Aristote et Socrate, notamment.

Si nous pratiquons ces ruptures salutaires avec les religions imposées, pour retourner aux traditions ou plus exactement à ce regain de dynamisme spirituel, alors, face à la crise multiforme desdites religions d’essence abrahamique, nous trouverons les issues utiles, sinon un… salut. Plus qu'à l'occasion de révolutions protestantes, aujourd'hui la tendance est d'aller plus loin encore, dans un retour vers l'animisme et ses rites chamaniques. La puissance de la pensée imaginaire où la personne n'est pas réduite à un individu, mais éclose dans des égrégores à la conscience universelle, s’apparente à celle d'un univers vécu et ressenti partout dans chaque environnement.

En conclusion, nous pourrions partager, voire prédire, que notre chemin va retrouver ses anciennes attaches, tout en marchant sereinement, vers une utopie transformatrice : on peut la considérer comme la prise de conscience de soi dans le monde. Ainsi, pour poursuivre la comparaison, les mythes ouest-africains ne seraient pas à considérer seulement comme des récits du passé. Ils pourraient devenir ces outils vivants qui inspirent les ruptures majeures de la société actuelle. J'ai juste poussé la porte sur ce possible qui ne saurait tarder… Certes, ”l'essai” reste à transformer... puisqu'il est déjà marqué !

Jean-Marc SAURET

Le mardi 2 décembre 2025


https://www.pressenza.com/fr/2025/04/les-processus-de-ruptures-en-afrique-de-louest-et-linspiration-des-mythes/

Lire aussi : " Deux mondes superposés " 


Penser librement et le dire (25 11)

Si penser librement est un axe central de l'œuvre d'Annah Arendt, c'est aussi cette posture qui est la sienne et qui respire à travers toute son œuvre. Elle oriente ma pensée reconnaissante aujourd'hui. Il y a tellement de femmes qui, dans l'histoire, ont fait preuve de ce courage et de cette vigilance que je me demande, n'ayant plus rien à perdre face à une société "homocrate", pourquoi ces personnes là ont plongé dans ces combats pourtant a priori "ingagnables".

Je pense aussi à Olympe de Gouge, à Louise Michel, à Colette, à Candace Owens et à infiniment bien d'autres dont le courage et l'intelligence n'ont d'équivalent que leur sincère engagement total. Oui, il est urgent de relire Annah Arendt pour garder le cœur à sa place et les neurones bien agités. Ces personnes nous font modèles. 

Ce qui me réjouit est que ces personnes pensent par elles même, réfléchissent spontanément à ce qui se passe, sans crainte ou conscientes des enjeux et disent quoi qu'il en soit leurs pensées. Nous comprenons que la même guerre entre les quelques richissimes et le peuple pauvre se rejoue inlassablement depuis Jules César et même peut être ailleurs bien avant certainement.

Si nous gardons les yeux bien ouverts, la conscience claire et l'esprit aux aguets, alors nous aussi pourrons prendre le relais de la résistance fertile. Il s'agit de penser sans concession, en modérant les influences majoritaires, et d'agir en conséquence. Le but de ce blog est bien celui ci puisqu'il se nomme "Comprendre et agir" ! Si j'écris, comme je l'ai déjà rapporté ici, c'est pour mieux penser et développer ma réflexion au plus juste.

Celui qui ne dit pas ce qu'il pense est un "collaborateur" de ce monde menteur et manipulateur. En poursuivant sur ce mode, on peut aller jusqu'à dire que celui qui ne dit pas ce qu'il pense est un traitre à la raison, un combattant d'en face. Celui qui ne pense pas par lui même, ou qui n'essaie même pas, deviendrait un esclave qui lâchement se laisse détruire. Les mots sont forts, certes ! Mais en l'espèce, et dans ces conditions, l'individu laisse vivre un combat contre lui-même et tend à contribuer à sa propre perte. A contrario, celui qui se lève et dit clairement ce qu'il en pense est certainement combattu, mais il fait réagir le plus grand nombre endormi. Ce n'est pas une possibilité, cela devient un devoir civique et moral. 

On peut ainsi affirmer que les plus pauvres et les plus faibles sont ceux qui se couchent et arrêtent de penser et de dire ce qu'ils ont compris. En ce sens, Annah Arendt est ou devient un exemple pour tous. Et elle n'est pas la seule. Ceux qui cèdent aux conflits d'intérêts ne sont pas que de faibles personnes mais aussi des traîtres à la cause des peuples écrasés par les plus puissants. Ceux-ci ne sont ni généreux ni compatissants. Ils conduisent une guerre contre nous et c'est à nous de réagir, de résister comme l'ont fait tant de personnes naguère. Il est inutile de les citer ici, même quelques-unes. Chacun connaît ces héros et pourrait ou devrait se nourrir de leurs parcours comme nous. Certains le font.

Certains, comme Pierre Joseph Proudhon, comme le général de Gaulle, comme Mandrin et bien d'autres, ne sont pas d'un bord ni d'un parti politique. Ils sont d'abord fidèles à eux mêmes et lucides sur au moins une partie du problème. Ils l'ont traité à leur façon, avec leurs moyens et leur sagesse, sans retenue, regardant le réel droit dans les yeux. Je pense alors à Emile Potier, allumeur de réverbères qui éclaira l'humanité de son chant de l'internationale, à tous ces anonymes qui ont traversé la manche dans de frêles esquifs pour répondre à l'appel du 18 juin, à tous ces autres anonymes partis en Russie faire la révolution de 17, à tous ces rédacteurs, porteurs et distributeurs de tracts résistants. Je pense aussi à tous ceux, comme mon oncle, qui se sont évadés et, de retour chez eux, ont construit des réseaux de résistance, etc. Personne n'en parle parce qu'ils sont des exemples "bien trop dangereux". S'il y a des barricades, monte y, et s'il n'y en a pas, bâtis en une ! On dirait un adage de la commune de Paris...

Et nous ?... Que faisons-nous ? A l'école en 73 j'animais dans mon lycée la grève de résistance à la loi d'abrogation des sursis militaires, donnant la parole à ceux qui étaient contre nous... Depuis je suis toujours désobéissant et actif à ma place, comme je peux, dans les interstices opportuns que me présente la vie. J'écris et publie, espérant semer de petites graines de réflexion... et ce sous l'opprobre des suivistes bien pensants.

Nous savons par ailleurs que toute notre pensée et réflexion, s'élabore et se juge autour d'une approche fondamentale, une sorte de conscience primaire. Freud parlait du désir profond et premier. Chaque philosophe et même chaque quidam dit lambda, présente une conviction première autour de laquelle il a construit, du moins le dit-il, toute sa pensée. Michel Maffesoli lui-même, affirme que sa conscience profonde est née de l'observation jungienne : que des mythes profonds traversent l'histoire et se répètent dans un "enracinement dynamique". Pour Annah Arendt, la vie publique s'oppose à la vie privée, personnelle, dans un frottement permanent, etc. 

Pour ma part, je dirai que tout se passe dans notre mental. Avec les grecs anciens je dirai que le beau, le bon et le vrai sont les variables de notre réalité, dans la mesure où c'est ce à quoi nous aspirons. Cet ensemble, d'ailleurs cohérent, dirige notre contemplation et nos agissements. Tout cela reste vrai tant que nous ne nous laissons pas happer moralement par le triste, l'inconséquent et la cupidité. Car c'est bien de là que viennent toutes nos guerres... 

Pourtant, je garde profondément ancré dans ma conscience que notre identité est dépendante de notre environnement, quil en fait même partie intégrante. Mais ceci est une autre histoire. Alors, mesurons l'impérieuse nécessité d'être vrai, direct et sincère, car notre société en dépend. A l'instar d'Hannah Arendt je dirais que personne n'a le droit d'obéir mais le devoir de comprendre. Et c'est déjà assez compliqué comme ça...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 25 novembre 2025

Lire aussi : " L'illusion du réel " 



Question de sens (18 11)

Je me souviens avoir enseigné le management en grandes écoles et universités. A l'époque, j'affirmais que la question du sens était au cœur de celle du management. Mais je comprends aujourd'hui que ce n'est pas le seul domaine où cette dimension s'impose comme centrale et incontournable. Donner du sens à sa vie, à soi, à son existence, au monde qui est là, à ce qui nous arrive, est au plus profond de nos nécessités. Et pour cela il importe de rattacher ce sens à ce qui est plus grand que nous, à la transcendance du monde. Faut-il encore concevoir, imaginer ou reconnaître cette transcendance ? Est-elle au cœur de nous même ou extérieure à nous ? Premier point, sur lequel il est bon de s'accorder : la transcendance, et sa définition. Opposée à l’«immanence», ce terme désigne ce qui dépasse “absolument”, et est d'une autre nature qu'un domaine de référence déterminé. Au Moyen Âge, ce terme qualifie “dieu”, et se confond avec l'absolu. Plus prosaïquement, la transcendance peut se définir comme notre dimension intérieure réalisée.

En revenant, nous pouvons affirmer que, fondamentalement, il n'y a de réalité que mon rapport au monde. La "chose" ne préexiste pas à ma relation à ladite chose. L'objet est mon rapport à la chose. Comme l'écrivait Schopenhauer, la réalité est un objet pour un sujet qui la regarde. Si le sujet s'en va, l'objet disparaît. Comme le précise la physique quantique, c'est l'observation qui détermine l'objet.

La vie n'est pas ce qui nous arrive, mais bien tout ce qui démarreà partir de nous, et donc de nos perceptions. Il s'agit bien, ici, d'inventorier ce que nous projetons depuis nos désirs, nos attentes et notre conscience. Ainsi, convient-il d'avoir déjà le courage de nous voir tel que nous sommes… Complément indispensable, il nous faut aussi savoir nous accueillir, nous accepter, nous aimer, tout en favorisant ce nécessaire laisser faire. C’est ce même “lâcher prise” qui va permettre à la vie de se réaliser vraiment.

Le monde occidental néolibéral et matérialiste, tel qu'ilest”, ne connaît et ne reconnaît que ce qui se touche, se mesure et se compte. On peut y associer une ignorance profonde de la puissance de l'esprit et des dimensions symboliques ou imaginaires. Dommage qu'en plus, cette ignorance le rende prétentieux, enfermé dans les croyances et les certitudes d'un monde limité, sinon “fini”...

Ce que je constate du monde n'est que le reflet de ma vision intérieure. Penser créée ! Ce que critiquent les gens c’est nécessairement une part d'eux-mêmes. Ce que l'on condamne donc, s'installe contre soi, en opposition et en résistance à nous-mêmes. De la même façon, ce que l'on souhaite ou “bénit, va arriver et se produire... En fait, tout ce que l'on vit et ressent au cœur de soi se manifeste. Arrêter de "réagir" (cerveau reptilien) pour "répondre" (état de conscience), voici comment passer de la réaction de peur à la réponse lucide. Voilà qui constitue un projet d'être!

Notre imagination est un dieu créateur opérant en nous, à travers nous et pour nous, dans la mesure où l'imagination crée la réalité. Il n'y a aucune distance entre le désir et sa manifestation. Le pouvoir de la réalisation est dans la conscience de la présence. Sois là, juste là, présent et conscient de ce qui se passe, de ce qui est. Imprègne toi de cette présence, et tu sauras ce qu'il va advenir... Pour ce faire, ressens la réalisation achevée. On est, et devient alors, la porte ouverte par où tout afflue dans notre vie. Comme certains l'ont déjà dit : tout est accompli.

La pratique des trois portes consiste à imaginer bien présente la porte du présent ouverte sur le passage des bienfaits, la deuxième fermée : c'est la porte des méfaits ! Quant à la troisième, elle est ouverte en grand ! C'est là que l'on retrouve la porte des désirs réalisés. Eh oui, elle est déjà grande ouverte, et vous l'avez passée dans un état de grâce accompli, sans même y penser. Nous voilà en pleine gratitude, car, à ce moment, tout est réalisé... C'est à partir de là que je décrète la réalité telle que je la conçois. Je suis ce que je suis.

Dans mon village quercynol, nous nous retrouvons à quelques-uns autour d'un verre, plusieurs fois dans l'année pour réfléchir ensemble à ce qui nous occupe ou préoccupe. Nous appelons ce moment "L'atelier des pensées". Un moment, dans l'après midi, durant environ quelques demi-heures, nous traitons librement de ce qui nous dépasse, comme "l'amour", "La peur", "Le bonheur". Ce peut être aussi le "Vivre ensemble", "La mémoire", "Les croyances", "Pourquoi accepter la différence", "bien vivre son rapport aux autres", mais aussi "L'IA", "La démocratie", etc. Il n'y a pas de compte rendu. C'est juste un partage pour ceux qui sont là. Ici, personne n'a raison ou tort. On partage, on réfléchit ensemble, et ce qui nous dépasse est donc bien identifié, sous la forme suivante : “ce que nous sommes encore capables de… produire !”... D'où cette question de “sens”, qui ne me lasse jamais, voire nous laisse pourtant… “interdit” !

Jean-Marc SAURET
Le mardi 18 novembre 2025

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