"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Promesse dans une EMI (19 11)

Voila les éléments d'un article recueilli dans l'hebdomadaire "The Epoch Times" sur la toile le 22 mai 2023. Voici ce qu'il raconte... Anita Moorjani a été hospitalisée d’urgence après être tombée dans le coma en raison d’un lymphome en phase terminale. Le 2 février 2006, elle est "morte". Ses tumeurs avaient atteint la taille de balles de golf et de citrons. Le reste de son corps avait dépéri.

Elle était devenue squelettique, après quatre ans d’une maladie qui s’était progressivement aggravée. Le médecin a expliqué à son mari qu’elle n’était plus "là" et qu’il était "trop tard pour la sauver". Mme Moorjani était dans le coma à ce moment-là, mais elle a pu entendre et voir cette conversation. Elle a senti et vu la réaction des membres de sa famille... Ce qui l’a le plus surpris, c’est qu’elle se sentait merveilleusement bien, rayonnante et exempte de douleur. Elle avait accepté pour la première fois ce qu’elle était.

"J’étais si faible que mon corps ne pouvait plus absorber de nutriments. Mes poumons étaient remplis de liquide. J’avais des lésions cutanées ouvertes d’où sortaient des toxines… et je pesais environ 38 Kg, j’étais comme un squelette", a confié Mme Moorjani. "Mes muscles s’étaient complètement détériorés. Je ne pouvais même pas me tenir debout. Je ne pouvais même pas tenir ma tête à la verticale."

"J’avais tellement mal et j’avais peur de tout : j’avais peur du cancer, j’avais peur du traitement. Je craignais la mort. Ma vie était devenue vraiment inconfortable. J'avais tellement mal et j’étais tellement gênée", a-t-elle expliqué. " Et je me battais, je me battais depuis des années... je me battais pour rester en vie. Mais la nuit du 1er février 2006, j’ai arrêté de me battre, j’ai réalisé que c’était trop dur et la mort ne pouvait être pire. Alors j’ai laissé tomber".

Le lendemain, elle ne devait pas se réveiller. Les médecins ont annoncé à sa famille qu’elle ne tiendrait pas un jour de plus. Pourtant, le lendemain, elle s’est levée, pleinement consciente. Elle a assuré à sa famille qu’elle s’en sortirait et a eu une conversation avec son oncologue.

De fait, Mme Moorjani a vécu une expérience de mort imminente et s’est réveillée transformée sur le plan mental, émotionnel et spirituel : les changements physiques s’étaient produits rapidement. Elle a parlé d’une expérience intense dans un monde élargi. Elle savait que le cancer avait disparu. Elle savait comment et pourquoi. Ce n’était qu’une question de temps avant que les tests ne le confirment. Elle a quitté l’unité de soins intensifs quatre jours après son coma.

Alors Anita Moorjani raconte : "Je dis souvent aux gens que lorsqu’ils sont vraiment malades et qu’on leur dit qu’ils sont en train de mourir, le plus important n’est pas d’essayer de trouver comment mettre fin à la maladie. Il ne s’agit pas de faire des recherches sur sa maladie. Le plus important est de se demander ce que vous feriez du reste de votre vie si vous étiez en bonne santé aujourd’hui. Que feriez-vous différemment ? En quoi n’avez-vous pas suivi votre passion ? Vous voyez, ce n’est pas le cancer qui m’a tuée. Je me tuais en ne vivant pas pleinement ma vie. Le cancer m’a en fait sauvé la vie." ...

"Ma mission est donc de partager cette expérience avec tout le monde. Parce que je vois des gens dans ce monde faire des choses qu’ils pensent faire pour le bien, pour eux ou pour les autres, en disant qu’il ne faut pas faire ceci ou cela, que c’est mal et qu’il faut faire ceci ou cela. Mais ils le font envahis par la peur. Concentrez-vous sur ce qui est bon, sur ce que vous aimez, sur ce qui est sain et non sur ce qui est malsain."

"Nous avons une âme et un corps physique. Lorsque le corps physique ne reconnaît pas que l’on a une âme et qu’il pense que seul ce monde tridimensionnel à cinq sens existe, les informations qu’il reçoit sont très limitées." ...

"Cette expérience m’a montré, sans l’ombre d’un doute, qu’il y a une toute autre partie de moi bien plus grande que mon corps physique. Et qu’elle est connectée à quelque chose de bien plus grand que ce monde tridimensionnel, ce monde des cinq sens. Elle est connectée à l’univers."

"Et si je m’y intéresse, je peux y avoir accès. Et nous avons tous la capacité de le faire, nous l’avons tous. Mais on ne nous l’a jamais enseigné ou dit. C’est pourquoi l’une de mes missions est de montrer aux gens qu’ils ont ce pouvoir, qu’ils peuvent y accéder."

"Les gens seraient plus heureux s’ils savaient à quel point ils sont puissants, s’ils savaient à quel point ils sont aimés, et s’ils savaient qu’ils sont censés vivre une vie de joie sans peur. Ne vous abandonnez pas."

Il faut aussi que nous sachions que plusieurs milliers de personnes font ce type d'expérience d'EMI chaque année, que nombre de chercheurs en médecine et neuroscience travaillent sur ces phénomènes dont aucun des expérienceurs ne revient inchangé.

Voici tout un programme surprenant et si simple à la fois : "Aimez vous, aimez les gens et aimez la vie ! Prenez le plaisir d'être là et de faire et partager ce que vous aimez avec ceux que vous aimez maintenant et plus tard !" Ainsi, je ne dirai plus que nous vivons ici-bas "sur terre", mais que nous sommes "enmatérialisés" car, comme le disait Pierre Teilhard de Chardin, nous sommes des êtres spirituels qui font une expérience dans la matière et non l'inverse.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 19 novembre 2024

Lire aussi : "Et si les arbres nous faisaient modèle de vie ?" 

De la solitude (12 11)

Nous trouvons dans la pensée de Carl G. Jung toute une approche originale de la solitude constituant une bonne base de réflexion. En effet, il nous offre à considérer un panel de trois types de solitudes. La première poussée par le passé et la recherche d'un monde perdu mais connu. La seconde aspirée par l'espoir à venir comme solutions à notre mal-être. Mais aussi une troisième, dite divine , fondée sur l'entièreté de l'être avec bien d'autres conséquences.

La solitude est plus qu'une situation. Elle est avant tout une sensation qui relève de la confrontation entre ces trois formes d'origine intérieure avec l'environnement. Celui-ci peut produire chez le sujet une solitude par invisibilité du sujet. Cet environnement ne lui accorderait comme spectre d'existence qu'une latitude étroite et réduite. La non-reconnaissance de la personne dans son projet d'être, dans sa dimension de vie, en terme de réalisation de soi, s'inscrit dans un monde qui a pourtant tant besoin de chaque personne.

Ainsi, chaque réduction de la place de la personne dans le projet social global, et donc sociétal, est une atteinte à la vie collective, au projet du vivre ensemble. Les effets d'un discours de vérité sur la dynamique sociétale est immense. Il installe chaque personne dans une case réduite, et ce dans le seul intérêt de quelques uns. C'est probablement là un effet du néolibéralisme. Il semble nous enjoindre à ceci : "Soyez ce dont nous avons besoin ! Taisez vous ! Conformez vous ! Vous ne serez rien ! On s'occupe de tout et vous serez heureux..."

Dans cet achoppement se construisent des modes d'être en réaction conjointe à l'environnement sociétal réducteur et, en même temps, à la contrainte interne que tente de résoudre chaque personne dans ce contexte. La double contrainte consiste à affronter l'injonction de conformité aux injonctions sociétales (ou peut être à résister) tout en tentant la réduction des blessures intérieures vues plus haut. On tentera soit de récupérer le confort passé, soit de parier sur des solutions d'avenir.

Dans ces conditions, Carl G. Jung nous prévient de ceci : "Dans la solitude, l'inconscient se manifeste avec plus de clarté. Lorsque nous sommes seuls, nous avons l'opportunité d'entendre les voix intérieures qui sont souvent réduites au silence dans la vie quotidienne. "

La solitude nait dans une certaine incapacité à dire la sensation de ne pas pouvoir être entendu. Il en découle ce sentiment d'être alors complétement isolé. Mais la solitude devient ainsi une puissance dès lors que nous ne dépendons plus de la considération des autres.

En effet, le sujet ressent cette douleur de l'isolement eu égard à cette réduction forcée de sa personne, condamnée à devoir entrer dans une condition sociale par trop étroite. En revanche, si cette même personne lâche prise et abandonne l'effet miroir des altérités sur son être social, alors, à partir de là, tout devient possible. Cette réaction salutaire permet de “casser” la gangue du conformisme. L'individu peut alors prendre son envol. Dans cette entièreté de l'être, sa solitude dite "divine" devient une libération, un déconditionnement social où la personne atteint la pleine “puissance d'être” en toute autonomie et liberté. Voilà en quoi elle est considérée par Jung comme divine.

Jung prévient que l'apparition, ou la perspective, d'un confort pourrait être addictif. Mais ceci constitue-t-il réellement un risque ? Alors qu'importe car cette solitude devient une puissance d'être, une puissance à l'action. Ainsi le sujet en vient à se penser dans un environnement dont il est maintenant libéré et qu'il lui plaira à sa guise de critiquer, voire peut-être même de réformer.

Les plus grands freins à générer ce type de posture de puissance et de liberté restent, d'une part la peur, celle de se désocialiser et de perdre le lien social si mince. D'autre part intervient le plaisir de jouir du délices des sensations. Il s'agit dans les deux cas d'une simple prison mentale. Voilà qui nous ramène au début de notre propos. Face à cet obstacle, il y a la prise de conscience de ce qui se passe réellement suivit d'un lâcher prise indispensable et radical. Cette alternative féconde devient le gage de notre liberté.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 12 novembre 2024
Voir aussi sur la toile  https://www.youtube.com/watch?v=D-5Z9H2_Lyw

Les loups solidaires (05 11)

Dans son livre "Le monde, mode d'emploi", Jacques Attali pense qu'arrive bientôt, dans notre univers sociétal, le développement d'un système marchand, mais sans nouveau "cœur battant" tels que l'ont été de grandes villes portuaires comme successivement Londres, Amsterdam, Boston, New York ou Los Angeles. Cet avènement concrétiserait le développement des puissances industrielles entrepreneuriales au dessus des états et des villes-cœurs. Il m'est apparu depuis bien des années qu'une autre hypothèse de changement se profile. Mieux encore, nous la voyons exister déjà. Il s'agit, comme je l'ai déjà écrit, d'une "alternation culturelle" dans l'effondrement du système marchand lui-même. Celui-ci précipiterait, simultanément à son effondrement, ce retour d'un monde survivaliste de type communautaire, artisanal et paysan. C'est ce qu'Hélène Richard, psychanalyste et sociologue canadienne, nommait "le temps d'après". Nous assisterions à un retour de la société dite primitive, celle des "loups solidaires".

En d'autres termes, nous avons plutôt l'habitude d'entendre parler de "loups solitaires", des prédateurs redoutables et redoutés. Mais, comme le relate Boris Cyrulnik dans sa préface des nourritures affectives (Ed. Odile Jacob, 1993), les humains et les loups ont collaboré depuis des milliers d'années jusqu'à transformer nos partenaires loups en nos amis chiens. Ce qui nous associait est bien ce point commun : les comportements solidaires. Les loups, comme les humains, protégeaient les plus faibles de la horde et de la communauté. À l'instar de ces sociétés dites primitives, ce n'est pas la lutte et la prédation, la concurrence et les affrontements qui rythment la saine vie sociale mais la solidarité, l'entraide et la bienveillance. Je l'ai déjà plusieurs fois relaté dans plusieurs de mes écrits.

Vous vous souvenez certainement de cet épisode que je relatais dans mes articles précédent : un anthropologue dans un village du Sahel voulait organiser pour les enfants une modeste course vers un panier de fruits qu'aurait remporté le premier arrivé. Il fut étonné de voir que les enfants ont marchés main dans la main vers le panier qu'ils ont partagé. "Umbutu", avaient ils répondu à l'anthropologue curieux de ce comportement solidaire. Ce mot signifiait que l'un n'est rien sans les autres. Ces sociétés dites "primitives" savent bien que la solidarité est non seulement leur assurance de survie, mais aussi le gage d'une  pérennité collective prospère.

Les sociétés modernes qui privilégient la violence, l'individualisme et la prédation pour résoudre les soucis et les problèmes qu'elles rencontrent ne savent pas toujours qu'elles se soumettent aussi à l'hypothèse de leurs propres défaites, voire de leur propre disparition. Nous avons vu lors d'articles précédents combien cette posture de solidarité est infiniment plus efficace. Ce sont ces types de pratiques actives que l'on trouve fréquemment chez les plus démunis mais aussi dans les sociétés les plus fortes et propices à gérer leur survie dans leur environnement. Elles s'avèrent être d'une efficience toute particulière et bien connue de ces populations là. Elles en usent et considèrent l'altruisme comme une évidence. "Umbutu", l'un n'est rien sans les autres. D'ailleurs, la nature est bien plus coopérante que le monde occidental ne la considère et en parle parce qu'il est lui-même violent et prédateur.

Si nous regardons avec attention ces sociétés humaines, nous comprenons que nombre de groupes sociaux, à la manière de certains animaux, fonctionnent solidairement de la sorte parce que ceci constitue le seul gage de leur survieDans la mesure où nous assistons à l'effondrement du monde prédateur occidental, il nous resterait donc à nous tourner vers les sociétés premières qui survivent en communautés à travers les âges. Elles se perpétuent et se régénèrent en cultivant l'essentiel comme la coopération et solidarité pour couvrir leurs besoins vitaux.

Nous avons donc à apprendre des loups, des corbeaux, des ours et des gens des sociétés premières parce qu'ils sont aujourd'hui une hypothèse modèle de notre futur : ils en connaissent autant le chemin que les moyens, les conditions et la philosophie.

Ce monde de demain existe déjà. Pourtant,  nous ne voulons pas  voir cette réalité, dans la mesure où elle néglige les valeurs de ce néolibéralisme défaillant et mourant. Combien de villages en France et ailleurs développent-ils ce "communalisme libertaire" cher à Murray Bookchin (1921-2006), fondateur de l'écologie sociale. Ils sont pourtant présents et actifs dans le monde entier. On les trouve en Amérique latine où les différences de classe sont importantes et la pauvreté immense. Aussi au Kurdistan dans la vallée du Rojava. Ce sont encore toutes ces communes de France qui se sont réunies en colloque à Commercy, dans la Meuse, sur ce sujet, en janvier 2020. Ces communes ont posé le principe vivant d'une "commune des communes" pour un municipalisme libertaire. Et de plus, que connaissons nous de ces communautés solidaires et libertaires qui fleurissent de par le monde et font modèle ?... Mais j'ai aussi déjà écrit sur le sujet.

J'entendais récemment dans une émission radio, l'invitée parler de la différence entre "renaissance" et "résilience". Dans la première, la “renaissance” efface le passé pour démarrer autre chose. La "résilience", quant à elle, s'appuie sur la réalité du moment pour rebondir et faire du passé un puissant socle pour se propulser plus loin. Et si les valeurs du nouveau monde étaient l'amour, la solidarité, la bienveillance, la positivité, la créativité ?  Qu'en serait-il alors de la liberté, de l'égalité et de la fraternité ? Si l'objectif de tout un chacun dans le monde néolibéral, matérialiste et occidental, est d'être personnellement heureux de jouir des plaisirs, dans le nouveau monde c'est d'aimer et d'être aimé. Rien de ce que l'on envisage ne peut être réalisé tout seul. Et aussi, nous comprenons que la jouissance des plaisirs est un levier pour l'esclavage, le contrôle et la manipulation...

Ce nouveau monde avance à grand pas sur les marges d'une société d'individus séparés, en pleine décadence et effondrement, toujours obstinée à creuser sa tombe plus sûrement et profondément. Demain sera vraisemblablement le monde solidaire et libre que nous espérons, à moins que l'effondrement de l'occident n'emporte tout. Mais, personnellement, je n'y crois pas du tout. Il me semble en effet que la bienveillance et l'amour de l'autre, qualités naturelles quoi qu'en disent les néolibéraux, tendent à reprendre "pignon sur rue". Alors nous pouvons accueillir ce nouveau monde de loups solidaires, et un loup c'est puissant, surtout en meute et quand il a faim... Faim d'un monde meilleur, celui justement que nos lointains ancêtres ont vécus ! Le néolibéralisme n'est que cette peau de chagrin en parfaite déliquescence.

Jean-Marc SAURET
Le mardi  5 novembre 2024

Lire aussi : "Post modernité et alternation culturelle : 2 - Le temps d'après " 

Etouffer les révoltes par Gunther Anders (29 10)

Sur la toile, je suis tombé sur ce texte prémonitoire de Günther Anders tiré de son livre chef d'œuvre "l’obsolescence de l’homme" publié en 1956.

Il y écrivait : "Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont clairement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. 

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivra le conditionnement en réduisant drastiquement l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. 

Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité, et plus son horizon de pensée est réduit, plus il devient lui-même un candidat docile à l’esclavage sans conscience. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. 

Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiante de toute subversion. Rien n’est plus efficace qu’un divertissement abrutissant pour éteindre toute velléité de révolte. La société du spectacle, c’est le stade suprême du totalitarisme le plus parfait.

On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d'empêcher l'esprit de s'interroger, penser, réfléchir. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n'y a rien de mieux. 

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l'existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d'entretenir une constante apologie de la légèreté, de sorte que l'euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté." 

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Günther Anders est un philosophe, journaliste et essayiste allemand puis autrichien, né le 12 juillet 1902 à Wroclaw en Pologne et mort à Vienne le 17 décembre 1992. Ancien élève de Husserl et Heidegger et premier époux de Hannah Arendt, il est connu pour être un critique attentif de la technologie et un auteur pionnier du mouvement antinucléaire. Le principal sujet de ses écrits est la destruction de l'humanité.

Günther Anders a traité du statut de philosophe, de la Shoah, de la menace nucléaire et de l'impact des médias de masse sur notre rapport au monde. Parfois considéré comme un "semeur de panique" car selon lui "la tâche morale la plus importante aujourd'hui consiste à faire comprendre aux hommes qu'ils doivent s’inquiéter et proclamer ouvertement leur peur légitime". Soixante-trois ans après sa publication, l’essai du philosophe allemand "L'obsolescence de l'homme" n’a pas pris une ride. On peut même affirmer qu’Anders était plutôt extralucide…

Re publié et rapporté le Mardi 29 octobre 2024 par Jean-Marc SAURET sur son blog.











Des causes et de la culpabilité (22 10)

La culpabilité est le pire de nos maux. Il est celui qui ronge de l'intérieur et nous installe en dépendance totale vis à vis d'autrui. L'argument vaut en matière d’altérité conceptuelle, et se situe autour de l'idée de perfection, de devoir ou d'exigence identitaire("un adulte ne fait pas ça" nous enjoint la morale populaire). On retrouve cette même notion au sein d'un groupe social constitué comme la famille, le club sportif, ou une bande d'amis ("Les sauret ne se soumettent pas"). Le constat reste vrai pour les membres d'un parti ("C'est ça l'esprit de la gauche !"), d'une église ("C'est pécher !") ou de tout autre chapelle ("C'est une faute"). 

Dans ces conditions, il en est fini de la liberté. Cela ne vient pas du groupe dont nous subissons la pression et que nous accusons de notre malheur, mais bien de nous-mêmes, de notre adhésion soumise. Effectivement, nous sommes à la fois la cause et l'auteur de nos capitulations dans cette "autorégulation". Nous nous résignons en nous situant par rapport à la "normalité" ou la "règle" dudit groupe. Le résultat est lié à notre soumission volontaire. Elle  se manifeste souvent par intérêt. Quand dans un groupe, je ressens ce type de pression, il arrive bien souvent que je m'en aille...

Première réponse, il est bon de lâcher prise sur la cause supposée des faits. Nous sommes toujours issus d'un contexte, d'un environnement qui portent bien des raisons de nos propres actes. Du fait de la vie dans ce groupe, nous sommes imprégnés d'une culture, dans un environnement contextualisé. Il n'existe en l'espèce aucune exception à cette interaction. Corrélativement, personne n'est jamais seul en cause, pour porter sa responsabilité. Il y a, sans ce domaine, quelque chose de l'ordre de la convergence de réalités contributrices.

Nous sommes ainsi passés d'une problématique dichotomique de la responsabilité versus l'innocence du devenir propre au panthéisme façon Spinoza, à celle d'une autonomie libertaire du libre arbitre versus la soumission obéissante. L'affirmation reste valide, y compris quand elle n'est consciemment pas volontaire. Ces postures anciennes se sont donc socialement et récemment concrétisées à l'occasion d'événement sociaux d'importance.

Selon le philosophe oriental Krishnamurti, qui l'exprime dans son livre de la méditation et de la vie, l'être n'est pas libre tant qu'il dépend d’ influences. L'argument vaut autant pour l’environnement qui est le sien, que pour sa dépendance au sujet qui l'occupe. Pour ce faire, l'individu a besoin de “lire” et donc de percevoir avec une qualité toute particulière d'observation tant le sujet que l'environnement. Cette acuité du regard, impacte le jugement. La perception se doit donc d’être sans présupposés, ni pensée venue du désir ou du contexte lui-même. Cet “état d'esprit” s'applique autant à l'expérience qu'au savoir. Si la personne parvient à s'en détacher, alors elle trouvera la liberté de l'innocence. Chacun, dans ces conditions, pourra alors percevoir la vérité au-delà du temps. Voilà en toute simplicité une pensée complexe... mais efficace : détachement, lâcher prise et zéro jugement. Mais cette posture nous fait totalement défaut. Alors, adieu la liberté et la vérité... Nous sommes, en cette occurrence, bien la cause de nos malheurs.

Si les chrétiens et les gnostiques se disputaient naguère l'influence du champ de la philosophie, aujourd'hui, les "new-age", les fondamentalistes, les évangéliques et bien d'autres, se disputent le champ de la vérité. On retrouve ces dissensions dans les domaines du développement personnel, de la réalisation de soi et du bien être. Les mêmes causes produisent les mêmes effets en termes de transcendance et d’'abondance : le “jugement total” reste permanent.

Si les temps changent, les situations sont les mêmes et les systèmes d'évitement, dans ces conditions, se perpétuent. Les gourous de tous ordres gardent la responsabilité de leurs discours et assument (ou pas) leur responsabilité dans les propos qu'ils propagent. Par là même, ils alimentent les représentations cosmogoniques de leurs fidèles. Ces mêmes gourous restent socialement responsables des comportements des personnes qui les écoutent. Au-delà de ces prémices, chacun est et reste responsable, ou coupable, de ses adhésions, choix et soumissions. Par ailleurs, tout le monde peut quitter la secte, même si c'est parfois douloureux et souvent difficile.

Quant à nous-mêmes, il n'est pas question d'opposer la raison à l'intuition. Il n'est pas possible en effet de séparer le calcul dans la "disputatio" de la connaissance révélée, comme l'intuition le laisse supposer. Ce n'est pas parce que l'obéissance à la loi (divine ou autre, se prétendant la vérité) nous a été imposée que nous devons nous y soumettre. Nous avons d'ailleurs réagi avec plus ou moins de raison. Faudrait-il, à partir de là, aujourd'hui, lâcher toute rationalité? Nous sommes tentés de le faire pour obtenir l'accès à la connaissance par la seule voie de l'intuition, par la seule donnée directe, dite "révélation". Les deux approches sont nos deux jambes. De même, des interlocuteurs qui échangent s'inscrivent dans un processus de débat : c'est ici que se révèle une part du réel, celle justement de leurs réalité ainsi reconstruite.

Sur une jambe, nous sommes raisonnables et réfléchis. Sur l'autre, nous sommes intuitifs, attentifs à nos émotions et à nos sensations. Ces éléments sous-tendent nos sentiments, et participent à l'alimentation de notre connaissance directe. D'un côté c'est la raison, et l'esprit rationnel, et de l'autre c'est le cœur qui parle et nous renseigne. Pourrions nous, au moins à titre individuel et personnel, concilier et réconcilier nos deux jambes afin de cesser de clopiner à cloche pied sur les données ?

Dès que nous aurons vraiment rassemblé nos pas, ils pourront nous porter harmonieusement, déjà, dans notre présent. A partir de là, nous serons en capacité d’explorer, et de comprendre. Ainsi aurons nous un accès direct et fiable au réel : cette réalité d'horizon que nous cherchons à atteindre, à comprendre et à apprendre. En même temps nous aurons une impression profonde, au vrai sens du terme, de cet environnement qui nous fonde. C'est avec lui que nous sommes associés, en termes de responsabilité de nos choix, actes et décisions.

Notre culture nous propose une vérité avec, en perspective, cet horizon à atteindre. Nos pas nous en feront comprendre une autre, dépendante de la sociale sur le chemin, jusqu'à notre découverte. D'ici là la puissance culturelle et nos adhésions dictent nos pensées et nos actes. Elles les dirigent, ensuite les questionnent jusqu’à participer à leur reconstruction. Si nous sommes du grand tout, nous passons de la culture à la nature et ce sont ces deux pôles qui nous codirigent vers l'action et donc nos choix. Culpabiliser s'apparente à cette posture prétentieuse qui fait que nous serions les seuls auteurs de notre vision, celle qui saurait fonder notre intelligence et diriger notre conscience et nos actions, alors que nous claudiquons.

Redisons nous alors que la culture, comme le grand tout de nature, sont des influenceurs pertinents et actifs qui viennent prendre leur large part de responsabilité dans nos postures. Ce sont bien elles qui dirigent nos choix et nos actes. Nous ne sommes que de nos représentations. Elles sont façonnées dans la culture et le sociétal, tout comme nos actions méditatives, contemplatives et réflexives personnelles. Ce sont bien elles qui nous permettent d'explorer, de comprendre, de corriger, de déconstruire et ainsi, de nous refaçonner nous-mêmes. Notre personne, dans ce qu'elle a d’intégral, d’intégrant, de raisonnable et de sensitif, nous accorde alors les moyens de notre libre arbitre. Mais encore nous faudra-t-il faire le travail… et commencer !

Jean-Marc SAURET
Le mardi 22 octobre 2024

Lire aussi : " Ils ont demandé à un chaman... " 

L'art de croire et le poids de la culture (15 10)

En termes de durée de l'instant, on dit, que le temps s'écoule, qu'il ne faut pas le perdre et éviter d'avoir à courir après. On entend aussi qu'il y a le bon, qui est passé, que le présent seul compte et que le futur est parfois incertain, surprenant, quand il n'est pas considéré comme angoissant. Il faut aussi et surtout intégrer que la notion de temps est d'essence culturelle. Ainsi, passé, présent et futur constituent bien des notions liées à un positionnement dans l'espace-temps, un point sur un vecteur imaginaire ou culturel. De fait, très concrètement et factuellement, le temps n'existe qu'au présent. Seul existe le moment où l'on est, c'est à dire l'instant présent. Le reste est pensées supposées, et donc relues dans, et par notre mental.

Tout est présent ici, aussi bien ce que l'on construit comme étant du passé, et ce qui ressortit au futur.

En effet, le présent en l'état, son "aperçu" et sa construction dépendent des "préoccupations" présentes. Le futur, quant à lui aussi relève aussi du présent. De fait, ce que l'on imagine comme étant à venir, -qu'on le craigne ou qu'on se projette-, dépend assurément des préoccupations présentes. Je pense, par exemple, aussi bien aux appréhensions, aux peurs, aux attentes, qu' aux conséquences supposées de ce que nous avons vu, et perçu.

Parce que nous avons accueilli "en croyance" une notion trinitaire du temps (passé, présent, avenir), nous nous sommes aussi installés dans la conservation et la pérennisation de ce que nous croyons être notre histoire. En d'autres termes, notre passé construit et reconstruit pour un usage immédiat. Il en va de même pour notre avenir projeté. Celui-ci est à considérer comme une conséquence des deux premiers temps, mais revisités à l'aune de nos intérêts, de notre imaginaire, de nos croyances et de nos autres investissements. Il s'agit là du temps dit Chronos, en grec.

Ainsi, en permanence, nous inventons, reproduisons et transmettons des contes et légendes, ceux-là même qui justifient le présent et promettent un certain avenir. Ici, s'affrontent deux forces : les néo-gnostiques qui réinventent le futur à travers la promesse d'une apocalypse, et des néo-rhéteurs, agissant sur l'éthos, le logos et le pathos. Ceux-là débattent et réfléchissent sur le monde, sur son actuel, son présent, son quotidien et son devenir logique afin qu'il soit donné à croire.

Pour des raisons de commerce, la société postmoderne a transformé les citoyens en consommateurs avides et dépendants. Corrélativement, ceux-ci n'acceptent ni la souffrance, ni la douleur, ni les difficultés et répugnent à l'effort. En même temps cette société trouve logiques et ordinaires l'affrontement, la prédation, la concurrence et la compétition débridée. Elle déplore ce qu'elle produit là, à savoir le recours à la violence comme système de régulation de conflits.

Les néo-gnostiques sont à ce point certains de leurs histoires prédictives que les acteurs, à venir ou déjà là, n'ont pas d'autre raison d'être que de les réaliser ; ils sont les appelés, souvent même des personnages purement conceptuels. On retrouve ici le Clovis et la Jeanne d'Arc des seconds républicains.

En face, donc, il y a les néo-rhéteurs, ceux-ci indiquent comment penser. Non loin d'eux, les faiseurs-débatteurs vont user de leur intuition, de leur raison, de leur libre arbitre et de leur amour de la vérité pour tenter de comprendre et voir ce que le présent veut dire. Ceux là auraient plu à Einstein, Tesla et Poincaré.

Perdus, ou faisant masse, on va retrouver ici des gens avides de victoires ou de visibilité à courte focale. Ceux-là ont couché leur libre arbitre à l'ombre de pensées majoritaires. Paradoxe supplémentaire, on sait maintenant que les pensées précitées s'avèrent non seulement fausses, mais aussi liberticides et mortifères. Au bord d'un rond de lumière, nos pauvres “héros” dégustent leur servilité quand d'autres ont choisi la liberté. Est-ce que la symbolique dépasse la réalité ? C'est très probable...

Ainsi va la vision de notre société occidentale, telle que je l'ai comprise. La voici tiraillée entre profits à consommer et liberté à "jouir" et conserver. Mais que faire dans cet antagonisme ? Comment s'y prendre ?

Je me limiterai juste à noter que l’empowerment, -ce mot anglosaxon in-traduit à ce jour-, indique le développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités sur les conditions auxquelles elles sont confrontées. C'est juste ce dont nous avons besoin pour reprendre le pouvoir sur les élites dominantes. Mais le mot n'existe pas en français !...

Cependant, je me garderai bien de jeter le bébé avec l'eau du bain. Poincaré disait qu'il disposait intuitivement du résultat de ses préoccupations. Ce n'est qu'ensuite qu'il en calculait la démonstration. Einstein, de la même façon rappelait qu'il avait l'intuission de réalités physiques et qu'il en cherchait ensuite la démonstration scientifique. Descartes, quant à lui, eut trois songes constitutifs, avant d'écrire son traité sur le discours de la méthode. Deux mondes sont bien superposés et tout notre travail d'intelligence est de séparer le bon grain de l'ivraie, de rechercher raisonnablement la vérité à l'aune de ce que ressent notre cœur. Autant d'éléments qui nous permettront d’accueillir “la Vérité” sans préjugé, juste comme une donnée réelle.

Mais faisons ici un petit détour culturel bien utile pour mieux comprendre. Si le christianisme façonne notre société occidentale néolibérale, la conception de Saül de Tarce l'habite profondément. Il s'agit de cette représentation de soi, associée à une image d'impuissance. On la retrouve dans le masochisme, qui fait de la souffrance la panacée sacrée de la sagesse, seule susceptible de permettre la salvation(il semblerait que c'était là la personnalité psychologique de ce dit Saint Paul). Prenant conscience de cela, dès lors le plaisir et la jouissance prennent toute leur place dans la relation à l'autre et au monde. Ils deviennent possibles, sains et louables.

Débarrassés de cette aporie émotionnelle, la sexualité, jusqu'alors assumée dans le sombre et le pervers, devient une louange à la vie, voire même sa célébration. Dans ces conditiohs, nous pouvons alors accueillir les femmes et les hommes qui préfèrent la connaissance à l'obéissance. La soumission reprend ainsi sa place raisonnable dans la faute et la faiblesse, l'impuissance et la bêtise.

Dès lors, l'obéissance va se trouver associée à la seule absence d'intelligence. Il faudrait alors, se considérer comme stupide, peureux et impuissant pour se soumettre. Voilà, je crois, ce que nous apprend cette prise de conscience. C'est bien cette conscience qui est et fait l'univers, celle que l'on retrouve aux antipodes de l'obéissance. Le christianisme n'est donc pas celui de Jésus, un personnage plutôt conceptuel, dont le récit de vie ressemble tant à celui de Mithra, de Socrate, de Dionisos et de bien d'autres personnages conceptuels. Il est en fait le christianisme de Saül de Tarce (dit Saint Paul) puis de Constantin, qui en a eu tant besoin pour reprendre autorité sur l'empire romain alors éclaté. Ce sont eux les fondateurs du catholicisme, et pour grande part, des christianismes. Ils ont placé en fondement de la relation à dieu, la souffrance réparatrice, la soumission et l'abstinence. Tous ces éléments n'ont d'autres fins que de promouvoir un ordre social.

La philosophie, qui est l'amour de la sagesse, se fonde sur la connaissance. Elle constitue l'antithèse de l'obéissance dans la soumission. Les populations simples et peu instruites, faute de connaissances et inscrites dans des récits structurants, ont besoin de merveilleux pour adhérer à une thèse, à une représentation, à un projet qu'il soit collectif, ou alternatif. Dès lors, les récits de miracles et l'hypothèse de pouvoir en produire soi-même, sont aussi les moyens ancestraux et ordinaires d'influencer les masses, voire les manipuler.

On retrouve ici les sempiternels propos bien surprenants autour de la loi de l'attraction, ou les autres lois new-ages.

Le principe même de la loi universelle s'avère une escroquerie intellectuelle à laquelle le psychosociologue Serge Moscovici répond par ce constat : "Les lois de la nature sont celles que la culture lui trouve !". Nous fabriquons ou relayons les représentations dont nous avons besoin. Ainsi, si la réalité de la nature ne correspond pas à la légende, c'est la nature qui a tort, ou bien le narrateur qui se trompe. Ainsi, la nature serait de forme prédatoire et n'offrirait de place qu'aux plus forts. Nouveau paradoxe, quand on sait que loups, ours et corbeaux collaborent en toute solidarité dans nos forêts.

La sagesse, en la matière, serait d'en reconnaître le processus. Comment admettre qu'une supposée puissance supérieure façonne le réel à condition de s'y soumettre. La notion de superstition est liée à la non reconnaissance de faits et d'actions dont on réfute l'efficience et la causalité. A partir de là, il peut être fait une classification entre les croyances officielles et les autres, dites superstitieuses.

Au delà de ces éléments, il nous reste encore à considérer que l'espace, le temps et la matière n'existent que de manière holographique. Ils émergent de la conscience comme un reflet.

Comme nous venons de le voir, les lois de la nature sont celles que la culture lui trouve. Nous les croyons réelles pour les voir. Il n'y a pas plus de lois naturelles que de noyaux dans une banane. Il n'y a pas de divin, sinon en nous mêmes, au creux de notre âme, au fond de nous, comme l'évoquait Aristote. C'est un peu comme si nous ne considérions de l'eau que son état de glace solide... En poussant la comparaison entre l'eau et la conscience, vous aurez tout compris. A l'état solide la conscience est matérielle et individuelle. A l'état liquide elle circule partout entre nous. A l'état gazeux, elle est une et universelle.

La réalité est des plus simple. Rien ne sert de multiplier les détails, les entités et les lois. Nous sommes de la conscience universelle. Nous ne voyons que ce que nous croyons et après, c'est là, et cela s'impose à nous comme une réalité.

Deepak Chopra relate que les Védas disent que désirer le fruit d'une de ses propres actions implique un manque de foi dans la volonté du divin de tout donner ! Il y a toujours quelque part un quidam qui dit ce que l'on a envie d'entendre, et c'est lui que nous nommons sage ou prophète. C'est un point de vue... Croire soulage. C'est bien plus simple que réfléchir, disait Carl G. Jung.

En revanche, l'apathie de la soumission obéissante est un aspirateur de stimuli émotionnels. Le système néolibéral en propose de nombreux, qui maintiennent le sujet en posture apathique de consommateur compulsif. L'argument vaut pour les stimuli sexuels et de satisfaction sensorielle. A cet effet, le cycle stimulus-geste-satisfaction occupe et encombre notre psyché.

Parce que nous sommes d'une culture, il nous est loisible de confondre la soumission à ses récits de vérité associés à l'acceptation de ce qui est. Les réalités culturelles ne sont pas le réel. Il nous faudra abandonner la soumission pour accueillir l'intuition raisonnable, cet équilibre entre réflexions et intuitions. La raison ne sert, de fait, qu'à expliquer ce que donne l'intuition, nous indiquant la finalité, et donc le but à atteindre.

Le problème que nous nous sommes fabriqué est d'avoir séparé la raison de l'intuition. C'est bien la sagesse qui élabore, ressent et "reçoit", la connaissance rationnelle, à partir des sensations du cœur, que l'on peut qualifier d’intuitives et fécondes. C'est le mariage des deux qui nous sera utile et salvateur comme l'ont fait de grands savant sur les épaules desquels nous tentons de voir plus loin. L'objet de ces articles est de tenter de rassembler ce que nous avons confusément dispersé par oublie et donc ignorance.

Alors, peut être faudrait-il penser toutefois à ne pas les mélanger. A présent regardons de plus près dans un exemple pratique et concret. Il est assez courant d'entendre des démonstrations spirituelles faire l'éloge de la convergence des raisonnements (je n'ai pas dit "la convergence des sagesses"). Ainsi pour démontrer la validité de l'intuition certains n'hésitent pas à invoquer la matérialité de la pensée dans des fréquences chiffrables, repérables, "normables", voire normées.

Ainsi, attirer des synchronicités, de bonnes choses, de bons événements, passerait par la résonance avec les fréquences de nos pensées. Assurément, dans ces conditions, l'intuition et la spiritualités passent à la trappe au profit d'une démonstration matérielle que le raisonnement souhaite déconstruire à terme. Ce n'est pas en changeant de champs que l'on change de paradigme, ou qu'on l'incrémente. Tout cela ne vaut que parce que l'on pense le raisonnement supérieur à la sensation. On peut le regretter, c'est pourtant un fait ! La raison ne se substitue pas aux apports directs de l'intuition.

Si l'intuition est un accès direct au réel, pourquoi en faire la démonstration puisque le principe même passe outre la raison ? Pourquoi aurions nous besoin de démontrer l'apparition, le surgissement ? Vouloir les démontrer est bien la preuve que l'on en doute. Ce qui est scientifique n'est ni intuitif ni spirituel. Pourquoi donc se renier pour "expliquer" que l'on est dans le vrai ? C'est absurde ! Nous avons un cerveau et un cœur, l'un raisonnable et rationnel, et l'autre émotionnel et intuitif. Ils sont complémentaires dans notre conscience comme la jambe gauche et la jambe droite le sont pour la marche.

Contentons-nous de montrer que ça fonctionne, que c'est là, comme le fit Jung avec le scarabée de sa patiente. Celle-ci rapportait l'avoir rêvé quand il vint cogner sur la vitre du cabinet où ils étaient... Accueillir le réel comme une réalité, alors chacun en fera son affaire à l'aune de ses certitudes, ou pas... On ne convertit pas ni dans ni par les explications, et chacun ne voit que ce qu'à l'instar de Poincaré, Einstein ou Descartes, chacun "sait" intuitivement dans la sensation et explique rationnellement.

De la tempérance en toutes choses (08 10)

A la recherche du bonheur, nous choisissons les meilleures conditions dans notre environnement et, les ayant acquises, tout ne va toujours pas très bien. Que se passe-t-il ? Aurions nous raté quelque chose, la transformation de quelques variables ou paramètres ? Et si le bonheur tenait davantage à nos attentes qu'à nos acquis?...

Nous savons pourtant parfaitement, qu'en matière d'environnement, ce n'est ni le froid ni la chaleur qui sont confortables mais une température entre les deux, synonyme de bien être. Alors nous installons des chauffages et des systèmes de climatisation dans nos maisons, histoire de réguler à souhait cette maudite température. Il en va de même pour tout. En matière de bien être ce sont nos représentations qui sont nos systèmes de régulation : en l'espèce, il nous faut lâcher l'appétit des excès pour une tempérance épicurienne, celle qui nous apporte justement le doux plaisir de l'essentiel. 

Ainsi, le bien être n'est ni dans un ascétisme dur, ni dans une débauche de consommation comme nous le proposent religions pour l'un et néolibéralisme pour la seconde. Les deux apportent la douleur, l'un dû au manque, l'autre dû à la quête constante et exponentielle que produit l'opulence, fût-elle gratuite. Ni la privation ni l'opulence ne nous apportent correctement le bonheur. Ici aussi, la tempérance est notre bonne voie : celle du milieu comme la proposait le Bouddha. Elle se situe entre les extrêmes excessifs. Cette absence de sagesse nous a fait aussi mal comprendre certains sages anciens, comme Epicure que l'on considère comme le chantre des plaisirs. Il n'en est rien.

Epicure nous a pourtant prévenu que : " On ne peut pas être heureux sans être sage, honnête et juste. Les vertus ne font qu'un avec la vie heureuse." Il nous indique que l'équanimité est en toutes choses sur la route vers le bonheur, et le bien être. La vertu s'apparente donc à ce vivre au milieu, libre de tout attachement et excès. La chose est pourtant simple à mettre en œuvre. Diogène, que l'on considère comme un apôtre de la simplicité heureuse nous a rappelé que "Les choses nécessaires coûtent peu, les choses superflues coûtent cher ". Il nous l'indique a contrario du néolibéralisme, concurrentiel et ultra consommateur, qui prône que chaque envie, chaque désir subtil, est une nécessité. Il ne vaut donc pas la peine d'en chercher à en connaître le coût. Une sorte de philosophie du "quoi qu'il en coûte"...

Mais alors, quel est donc le chemin et quels sont ses garde-fous, pour trouver la voie rapide vers le bonheur ? Tout d'abord, le bonheur se marie mal avec la précipitation. C'est dans le calme raisonné et ressenti de la lenteur que se savoure ce chemin là. Il faut prendre le temps de l'apprentissage et de la transformation. Le passage du mal être au bonheur est une transhumance. Nous découvrons alors que le cadre du bonheur n'est pas dans un solipsisme. Il se développe dans le partage et l'altruisme. Sans les autres, nous ne sommes ni ne valons rien. "Umbutu" répondaient les enfants du sahel à l'anthropologue qui leur avait organisé une course au trésor. Ce terme signifie que tout se fait ensemble, en solidarité et en coopération. Il veut dire que sans les autres nous ne sommes rien. Ces enfants, connaissant le lieu et le gain ont donc, main dans la main, cheminé en cœur vers le gain, un panier rempli de fruits murs qu'ils ont partagé.

Ces enfants nous indiquent que le partage est le socle du vivre ensemble en paix et en sérénité. Bref, l'altruisme n'est pas une vertu bisounours mais la condition première du bonheur. Ainsi, s'il fallait résumer, ce sont les voies du milieu, la sobriété heureuse, le pardon, le lâcher prise et le partage qui conditionnent notre accès au bonheur. Il n'est pas une affaire personnelle et ne se résout pas dans la consommation solitaire, comme la culture néolibérale nous le vend (car elle ne "donne" rien).




 



Dans les années soixante-dix, j'ai vécu plusieurs semaines sur le plateau du Larzac dans une cabane que je m'étais bâtie avec quelque planches et autres utilités trouvées dans la décharge de Millau. C'était là un détachement, le lâcher prise et mon expérience de la sobriété heureuse sur le Larzac. Avec d'autres "collègues", nous participions à la construction d'une bergerie, dite "de la contestation". Elle permettrait à quelques paysans locaux de poursuivre leur activité pastorale en toute autonomie et tranquillité. 

Nous recevions en échange un peu de riz, du pain complet, quelques oignons et de la crème de roquefort que je cuisinais au feu de bois dans ma cabane. Nous allions de temps en temps donner quelques coups de main aux agriculteurs voisins pour retirer les pierres de leurs champs. J'ai vécu plusieurs semaine dans cette sobriété solidaire et heureuse, expérimentant que l'essentiel est bien suffisant pour vivre heureux. J'avais lu "Le pèlerinage aux sources" de Lanza del Vasto. J'avais poursuivi une correspondance épistolaire enrichissante avec son épouse "Chanterelle" de laquelle j'ai beaucoup appris. 

Et puis j'ai poursuivi ma route vagabonde à la rencontre d'autres communautés et groupes sociaux. Les rencontres étaient bien inégales et aléatoires. J'expérimentais cette sagesse qui ne m'a d'ailleurs jamais quitté : l'essentiel est bien suffisant, et la solidarité bienveillante est plus qu'utile. Il en va de même avec le lâcher prise vers la paix au fond de nous mêmes. Ces aspects avaient bien plus de valeur à nos yeux que des ripostes violentes tant à l'endroit des militaires du camp voisin que des gendarmes qui ne nous considéraient pas très bien... 

La paix appelle la paix et la joie entraine la joie car, au fond de chaque personne ordinaire, il n'y a ni violence ni méchanceté (à part quelques blessures anciennes ou imaginaires qui en font les causes). Il s'y trouve toujours une aspiration à la paix, à la joie et au bonheur dans l'entre soi. La violence n'est jamais qu'une illusion de solution à nos frustrations. Je me souviens de cette rencontre du côté de Saint-Flour lors d'un contrôle d'identité, avec un gendarme qui se révéla être l'oncle d'un de mes compagnons de route occasionnel. Il avait à son égard beaucoup de bienveillance malgré une incompréhension totale de sa démarche. La bienveillance forgée au cours de leur histoire était toujours là au fond de lui. Il était un homme bon et bienveillant. "Un être humain, quoi !" aurait dit la sagesse populaire.

Et si la quête du bonheur passait par la réalisation de soi, que serait donc le plus important, le plus essentiel : la performance dans le succès ou le partage dans l'amitié ? Ici aussi, la voie du milieu nous appelle doucement, sans cri ni tapage, sans obligation ni insistance, tout en douceur et bienveillance, à bien garder de la tempérance en toutes choses.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 8 octobre 2024

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