"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Du respect au mépris (03 11 )

En regardant ce qui se passe actuellement dans notre monde, j'ai l'amère sensation que nous serions passés de la société du respect à celle du mépris. Mais que s'est-il passé ? Voilà ce que j'ai aperçu et analysé.

La période moderne (et j'ai beaucoup écrit à son sujet *) est celle qui, née avec le siècle des lumières, domina jusque vers les années quatre vingt (elle n'a pas disparu pour autant...). Les quatre grandes variables de la modernité, et il semble utile de les rappeler, sont la rationalité, la verticalité, l'individu et le temps à venir. C'est alors sur la raison, qualité propre à chaque individu, que se fonde l'accès à la vérité des choses, à la compréhension de l'univers et de ses lois. La “Raison”, à la réflexion, aurait presque “mérité” une majuscule... 

Cette société, tout orientée vers le progrès, son développement et ses finalités, depuis son fondement sur la raison, produit et installe la démarche scientifique. Ces deux éléments, indissociables, sont les garants d’un bon vrai chemin vers la connaissance et la maîtrise du monde.  Il est loisible également de les considérer, dans ladite modernité, comme un label de "vérité". 

En même temps, cette période culturelle, pour ces mêmes raisons, fait la part belle à la démocratie. En effet, si chacun a accès à la réalité des choses par sa simple raison, alors il devient un acteur-contributeur incontournable de la vie en société. De par sa place, sa fonction et ses apports en connaissances et compétences, son avis, dans ces conditions, s'avère devoir participer logiquement aux décisions. Il s'agit là d'accueillir l'absolue originalité de chacune et de chacun comme une nécessité, un motif de développement et d'enrichissement personnel de tous.

Ainsi, la démocratie devient-elle le mode d'organisation sociétale le plus logique et le plus approprié. En l'espèce, si tout un chacun a accès à la raison, alors tout un chacun est un individu qui compte autant que chacun de ses semblables pour la vie de tous. Bien sûr, rien n'est jamais acquis et ce monde meilleur vers lequel et pour lequel œuvrent les "modernes" ne sera que pour des lendemains qui chanteront, et donc pas pour tout de suite. Les changements profonds (et c'est le propre de la modernité) se font sur le temps long.

La première conséquence de cette culture moderne est la place accordée à la personne, à chaque personne, à toutes les personnes. Elles y sont toutes égales et libres de leurs opinions et de leurs discours. Elles sont reçues selon leurs compétences, leur engagement et leur potentiel de contribution. Aussi, les droits de l'homme et du citoyen posent ces principes en les articulant. Dans cette culture moderne, la place de chacun constitue une identité à respecter quoi qu'il en soit. 

Plus les connaissances sont élevées et plus la place sociale l'est. La pyramide s'organise sur les compétences. La question de la dignité y est ainsi rappelée : chacun existe socialement en rapport de ce qu'il apporte de connaissances et de compétences. Les principes de liberté et d'égalité obligent à ce respect de tous et de chacun. La fraternité vient le corroborer. Ainsi la posture de respect de tous et de chacun est-elle une obligation républicaine que la culture, qui en résulte, installe.

Mais les années soixante à maintenant ont vu l'acculturation néolibérale populaire (sans pour autant totalement balayer la modernité. Elle reste sous-jacente). C'est ce temps-là que nous appelons la postmodernité. C'est le règne de la surconsommation, de la jouissance par l'objet, de l'éducation par la publicité et donc ce moment où l'individu disparaît derrière la ou les tribus auxquelles il participe. Nous voilà en présence d'individus devenus sujets inconséquents, voire irresponsables, assujettis à l'envie immédiate, aux lois du marché et au dictat des plus riches puisqu'ils ont le pouvoir. S'enrichir y est une excellente chose "quoiqu'il en coûte", quoi qu'il en soit et quoi qu'il en résulte. 

En "Postmodernité", la rationalité s'efface au profit d'une logique de l'émotion. L'individu se fond dans la tribu. L'organisation sociale verticale se fond dans un principe d'ambiant et de "reliances". Plus de perspective lointaine, tout est focalisé sur l'immédiateté et le local. J'ai aussi beaucoup écrit sur ce temps qui provoque et nourrit un temps d'après, lequel est aussi quelque peu déjà là ** (les trois cultures cohabitent peu ou prou).

Dès lors, le marché est la seule loi qui prime, et qui vaille. De plus, il n'y a, à cela, aucune alternative. Cette société néolibérale se nie elle-même car, pour elle, seul l'individu compte. L'enrichissement personnel y est une perspective "normale". La concurrence et la compétition sont les seules et rudes lois du marché. Les trafics de tous ordres sont donc logiques. Le vivre ensemble n'est plus qu'un simple commerce. 

Ce néolibéralisme qui s'illustre dans le "tout consommation", développe une culture ou la raison ne vaut pas plus que l'opinion. Ainsi, en cette occurrence, toute expression devient, et de façon exclusive, “opinion. Il n'y a plus de débats ni de controverses, seulement des affrontements d'affirmations prosélytes. 

Seule l'envie est perçue comme légitime, et passe par-dessus toute raison, toute logique. La logique est remplacée par des propos de justifications indigènes. Il n'y a ni débat ni argumentation, juste la juxtaposition de "PunchLines", et l'opinion de "notables remarquables" passe pour vraie rien que parce qu'ils brassent l'espace de leurs bruits. Ceci favorise et développe les postures d'egos forts.

La conséquence de cette culture postmoderne est la disparition du citoyen derrière le consommateur. Le sujet disparaît aussi derrière des egos juxtaposés et concurrents. Le statut de la personne s'est dissout dans le commerce : la personne-même est devenue "objet". Le maître mot de la maîtresse attitude” se réduit à cette seule composante : "Et si j'ai envie...". La loi du plus fort devient "La" loi, et la cupidité est devenue la posture ordinaire et normale. Renforçant l'exclusion de toute alternative, cette culture pense voir et retrouver ses lois-là dans la nature darwinienne elle-même.

Dès lors, l'autre n'étant plus son égal, mais un concurrent, tous les coups sont permis dans la compétition. Elle n'exclue ni le mensonge, ni la manipulation. Le mépris y a toute sa place. Car tout ce qui n'est pas de la tribu, de "l'ici et du maintenant", ne représente rien, sinon peut-être une gène, voire une menace. Et donc, pourquoi reconnaître une quelconque dignité à un quidam qui veut ce que vous avez dans un monde de biens privés, rivaux et exclusifs ? 

Ainsi le nouveau monde ne comprend plus la démocratie (qu'on discute et remet en cause comme une perte de temps, pendant que le peuple réclame en bon consommateur-roi : "J'ai droit à..."). Ce monde-là se pose en mode total et totalitaire : un dirigisme passionnel, sans raison, d'obédience néolibérale mû par une indignation sans but, sans raison d'être, sans valeur sinon celle de la monnaie d'échange, la seule richesse qui y soit reconnue. Ici, la réalité peut être tordue, distordue, à toutes fins d'intérêt. Le mépris serait donc plus systémique et culturel que caractériel.

Alors les changements en post modernité sont vite vus, "téléphonés" comme l'on dit. Ils sont de rapides "zappings" incessants, parfois radicaux. Il suffit de connaître les logiques d'intérêts pour déceler et décrypter les stratégies et jeux de pouvoir. 

Ici, le discours n'est plus de raison mais "raisonnable". Il devient trompeur et mensonger à des fins de manipulation. C'est la novlangue du Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley. Hauteur d'âme et bienséance sont des ringardises pour les faibles du monde des bisounours. Le monde est désormais dur, rude et cruel. C'est comme çà... et le  supposé ou prétendu modèle s'avère encore la nature darwinienne faite de proies et de prédateurs.

Nous voilà donc passé du respect au mépris avec une aisance déconcertante et parfaitement "non déroutante". Voici venue la nouvelle normalité. Dès lors, il faut, à nos dirigeants, faire des contorsions dantesques pour réprimer la violence, seule propriété de l'Etat (et pourquoi donc ?), pour condamner un crime pour opinion divergente, ou pour rien... mais aussi pour imaginer un processus de socialisation cohérent et cohésif. Quand la raison n'est plus là, "les raisons" sont passionnelles.

Alors, quelle sera la bonne voie pour faire société : répression ou acculturation ? Les "tribus" politiques s'écharpent et "s'anathèmisent". Les valeurs de gauche d'hier (comme la laïcité et la protection sociale) sont aujourd'hui celles de la droite, voire extrême, et vice-versa (avec les préoccupations sécuritaires et de progrès). Alors quelle droite et quelle gauche ? Pour quoi faire, après tout, puisque fake news et mensonges d'états pullulent de toute part ? "Propaganda" d'Edward Bernays est devenu le livre de chevet des dirigeants de tous bords (j'y reviendrai).

L'embrouillamini vient du fait que les trois cultures moderne, postmoderne et alternante coexistent. Elles sont incompatibles, et ceci produit une certaine anomie. On a vu comment réagissent les postmodernes. Mais que souhaitent les modernes, acteurs forcément responsables et de fait engagé dans ce phénomène qui se déroule sous leurs yeux, sous leurs pas, dans leurs mains et face à leurs consciences ? Laisseront ils du temps au temps ? Parce que la raison les habite encore, ils veulent agir pour assumer leurs responsabilités citoyennes, sans se satisfaire d'obéir ou de désobéir

Avant de renverser la table, certains veulent dénoncer, accompagner, démentir, renseigner, éduquer dans un indispensable travail de fond, évitant la précipitation d'une urgence dangereuse et trompeuse ? D'autres entreront en résistance parce qu'on ne négocie pas avec le diable. Tous, à l'opposé des postmodernes, tiennent compte des conséquences d'agir ou de ne pas agir.

Dans un monde complexe, les solutions le sont tout autant. Pour les "alternants culturels" ***, émergeants mais non encore dominants, les contributions de chacun et de tous sont entendues dans un "projet-débat" pour construire une réaction, un "autrement viable". Il s'agit pragmatiquement de comprendre et agir ! L'important est non seulement de ne pas subir, mais de construire le monde d'après... (j'en reparlerai dans un prochain article "Le sabot dans la machine")

Dans ces conditions, la solution pour modernes et alternants (et probablement la seule), sera de revenir au peuple, lequel sait ce dont il a profondément besoin, et nous savons le recenser, notamment les besoins de lien social et de souveraineté. Je ne pense pas que ce monde postmoderne néolibérale, tel que nous l'avons décrit dans ses distorsions intenables, aille bien loin. Il est en train de s'effondrer, victime de sa propre logique économique "prédorale". On en vient à se demander si les confinements successifs, économiquement délétères, ne seraient pas pour produire cet effondrement favorable à un redémarrage sans lâcher le système. 

Ce qui nous le montre est la réalité crue de cette sanction de Cicéron : "Plus une société s'effondre, plus ses lois deviennent folles !" Confinements, déconfinement, couvre-feu,  re-confinement, interdiction de l'usage de bon vieux médicaments, port ou pas du masque et où, bulletins de sortie, amendes exorbitantes pour ne pas se soumettre à des règles absurdes injustifiées, discours guerriers et procédures guerrières quand il s'agit pourtant de protéger le vivant et les gens, etc. Je repense à ce livre factuel du Professeur Perronne : "Y a-t-il une erreur qu'ils n'ont pas commise".

Ne nous étonnons pas si dorénavant nombre de citoyens (et de maires), refusant de "jouer" à cette marelle mortifère, tentent de retrouver, dans une véritable alternation culturelle, leur souveraineté sur eux-mêmes, sur leurs communs et sur leur territoire local. Là, c'est déjà la civilisation du temps d'après qui pointeAlors, patience ?... ou pas...


P.S. : Je me pose donc cette question factuelle : Pourquoi notre gouvernement a-t-il confiné la population, provoquant un effondrement économique ? Peut être parce qu'il avait perçu cette montée d'alternants culturels, des personnes engagées, des pragmatiques intuitifs sans chef ni représentant, fonctionnant en réseau hors du temps parce qu'ils l'ont... Ce sont les Anonymus, les Gilets Jaunes, les Nuits Debout, les associations Front Populaire ou BonSens, mais aussi les FabLab, les épiceries solidaires, les ressourceries, les fermes et maisons autonomes, les économies associatives avec leur monnaie propre, etc... etc... Il est vrai que derrière un effondrement économique, la même société peut redémarrer sur les mêmes bases et sur les mêmes principes, en tablant sur l'effondrement de ces associations girondines et libertaires locales dans le cloaque que les dirigeants auront organisé.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 3 novembre 2020

1 commentaire:

  1. il me semble que le concept de "peuple" auquel vous avez recours comme dernier rempart n'aie ni la consistance, ni l'homgonéité, ni la représentativité nécessaires pour statuer et faire. Je prendrais l'image où je me pose la question de comment j'embrasse une foule? pour m'inquiéter de l'incertitude et de l'inconfort auxquels le "peuple" devra à nouveau s'habituer à vous lire, non ?

    RépondreSupprimer

Vos contributions enrichissent le débat.