Ces
notions qui nous sont chères, ordinaires et habituelles d'espace et de temps sont strictement liées aux dimensions
de la physique. La conception chamanique, vitaliste et shintoïste,
est certainement la plus largement répandue dans le monde par les
cultures animistes. Elles pensent le monde dans la superposition d'univers : l'un physique
spatio-temporel et l'autre spirituel hors du temps et de l'espace. Il
ne nous reste plus qu'à "voyager" de l'un à l'autre, dans leurs différences expérimentales, de dimensions et de réalité.
La
conscience qui nous habite n'est alors que "se rendre compte".
L'identité "qui se rend compte" ne serait pas du domaine de la physique mais plutôt du
monde spirituel, ou psychique, c'est à dire immatérielle. Ce peut être juste la
conscience elle-même qui se rend compte aussi d'elle-même. C'est là
un monde que l'on ''intuite'', celui que l'Occident connaît si mal, qu'il ne comprend tellement pas qu'il s'accommode à le nier, à l'effacer de sa portée de
vue.
Ces
deux mondes ont leurs propres singularités. Le vivant physique
présente une dynamique binaire, tout en respiration et alternance,
comme les vagues de la mer déferlant sur la plage, ou l'alternance
du jour et de la nuit, l'ombre et la lumière, les battements d'un
cœur, diastole et systole, l'alternance des pas dans une marche,
etc.
Le
représenté, le mentalisé, à l'instar du spirituel, se conçoit en
cycles, comme celui des saisons, des heures du jour, des jours de la
semaine, celui des mois qui se succèdent et se répètent, du temps
qui passe, des âges, des ères, la course du soleil, des
planètes et des étoiles, mais
aussi dans d'autres cultures, la roue de médecine ou le cycle des incarnations, par exemple.
Pour
nous en rendre compte, nous avons à modifier notre conception de
l'humain, à savoir laisser la machine biologique coincée dans le
temps et l'espace, entre un commencement et une fin, dans un ici et
maintenant. C'est elle qui nous ouvre l'illusion de l'intelligence
artificielle et du transhumanisme. Comme
le dit si bien l'ingénieur Luc Julia, spécialiste du domaine "il
n'y a pas d'intelligence artificielle, il n'y a que de la restitution
de données". Ce n'est là qu'une mécanique mathématique...
Il nous faut alors passer au delà , et donc à
l'être global universel, cette entité partagée dont chaque matière
physique est une parcelle, là où se trouve la créativité, la vie
et l'intuition.
Je
repense à l'ethnologue des religions, Bruno Étienne, décédé en
2006, qui constatait que les religions les plus répandues dans le
monde sont loin d'être celles du livre. Il avait constaté que
c'était l'animisme présent aux quatre coins du monde. Son expression effective est le chamanisme. Il pensait aux Nénètses de Sibérie,
aux Bushmen de Namibie, comme aux indiens Yaquis du Mexique, au
peuple Kogui en Bolivie. En occident, le druidisme et le catharisme
peuvent être cités comme exemples patents. Bruno Etienne s'était rendu compte que nombre de
ces ''reliances'' (religions) comportaient parfois les mêmes rites, les mêmes gestes, voire les mêmes mots, sur les mêmes acceptions, sans que ni les acteurs ni les praticiens ne se soient jamais rencontrés.
Il
nous indiquait aussi que toutes ces cultures ont la même conception
structurante : un monde physique où nous sommes et dont les
problèmes se résolvent dans l'autre monde, celui des esprits qui
n'a ni temps, ni espace, ni commencement ni fin. Il s'agit d'un monde où tout est juste
et bon, mais où tout se noue et se dénoue. Il nous faut alors nous y rendre...
Les
cathares, héritiers de la religion orientale de Manie, pensaient que
le monde de l'esprit avait été créé par Dieu. Corrélativement, le monde physique, celui où
nous sommes, avait été créé par Lucifer (il fallait bien lui trouver un nom et celui-ci
était disponible). C'était donc ce monde où les différences
homme-femme posaient problème dans une civilisation qui ne savait
choisir entre matriarcat et patriarcat. Il fallait donc le quitter
pour quitter ce type de problèmes absurdes.
Le
shintoïsme, philosophie animiste au Japon et aussi quelque peu
religion, est antérieur au bouddhisme. Il permet de vivre
socialement à la frontière du monde matériel et du monde de
nombreux esprits qui l'habitent et interagissent avec tout un chacun.
Pratiquer consiste avant tout à ressentir la nature et ses bienfaits
dans une communion simple et directe afin d'en accueillir les formes d'équilibre. Il s'agit d'un mariage doux "d'êtres là" et de forces
spirituelles de la nature animée. Ceci est véritablement proche des
autres animismes connus autour de la planète.
Coupeurs
de feu, faiseurs de secrets, magnétiseurs et guérisseurs par la
prière, sont des exemples de chamanes qui n'ont pas ce nom mais sont, chez nous, des praticiens de cet animisme là.
Les
médiums, comme le dit Denise Kikou Gilliand, cinéaste suisse, est
cet être qui fait le lien entre le monde des esprits et celui des
corps physiques, à l'instar des shamanes et autres hommes ou femmes
médecine. Toutes ces cultures savent qu'il y a deux mondes
interconnectés qui s'entrecroisent. Mais peut être parlons nous de
deux mondes parce que le notre, par trop matérialiste, mécaniste et
physique, ne sait pas prendre en compte les réalités spirituelles.
Peut être que l'animisme est la ''conciliation intégrative'' de ces
deux mondes qui, après tout, n'en sont qu'un. De toute façon, nous
sommes à la fois et entièrement de ces deux dimensions.
Après
tout, ces ''passeurs'' d'un monde à l'autre n'ont rien
d'exceptionnel, même si ce qu'ils font le paraît (guérisons,
communications, œuvres artistiques, visions dans le temps et dans
l'espace, etc.). Le docteur Jean-Jacques Charbonnier pense que lorsque
notre cerveau vibre à basse fréquences, il deviendrai dès lors perméable à d'autres informations venues d'autres dimensions ou
vibrant à la même fréquence. Voilà une explication matérialiste
de phénomènes et éléments psychiques, voire spirituels... Explication nécessaire pour les matérialistes que nous sommes...
Certainement
les médiums sont-il des personnes très ordinaires mais elles vivent
cette singularité sans retenue ni opposition et ce, avec une certaine
efficience. Ceci nous les rendent rares. J'ai le souvenir d'avoir
échangé avec un gitan à qui je confiais mes moments de sensations
d'une autre réalité comme le matin au réveil ou lors de rencontres
au hasard, et aussi que parfois des mots, des expressions m'échappaient sans
que je ne comprenne pourquoi alors que leur sens apparaissait évident et tellement ancré
dans le réel. Il me sourit et me répondit : ''Vous les gadjis (les
non-gitans) vous trouvez extraordinaire des choses ordinaires. Ici,
tous les enfants font ça !'' Cette culture animiste vit en résonance
de ''l'autre'' monde.
L’au-delà
n'est qu'un autre côté du miroir pour les uns, ou bien, pour d'autres, une illusion
pour répondre à sa propre peur de la mort. Pour d'autres encore, ce peut être aussi une
question, ou un mystère. En effet, cette
construction en deux mondes dérange et contredit le paradigme
matérialiste et mécaniste dans lequel tout est matière, physique
ou chimie. On se voit alors rationnel, cartésien ou scientifique.
En réalité, la valeur première de la science est le doute. Et
le doute fait fuir. Ainsi viennent d'autres acteurs que j’appellerais
des "scientistes". Ceux-là, au nom d'une science qu'ils
pratiquent peu, assènent des certitudes, des "prêts à penser", que
l'on sait être des pensées courtes. Porteurs d'une doxa certaine,
ils ''anathémisent'' tous ceux qui doutent, et les excluent comme on
excommunie.
Il
n’empêche que de ce monde hors du temps et des espaces, sans début
ni achèvement, ni finalité, ni même raison d'être, nous tenons
des informations et des enseignements. On parle d'intuitions,
d'informations, de ressentis et de réponses. C'est ce que relatent
les "expérienceurs" de mort imminente. On trouve et retrouve ici beaucoup d'informations utiles et pratiques. La culture bouddhique parle de
connaissances installées par les vivants. Les Hindous de
bibliothèque akashique, les chrétiens de connaissances divines,
etc. Nombre de physiciens quantiques, comme Nassim Haramein, auraient
compris que la connaissance ''expériencielle'' s'inscrirait et
s'accumulerait dans ce que l'on pense être le vide, lequel serait plein de vibrations,
d'oscillations et d'énergies électromagnétiques.
Je
repense aussi à l'expression d'Eckart Tollé qui suggère que "le
physique et ses variables ne sont que l'expression temporaire de
l'être", ici et maintenant. Ceci me renvoie à cette conception
toujours présente dans mes pensées,, en l'espèce la question du sens :
priver l'humain de sens c'est, ici et maintenant, comme priver une
plante de lumière. Cette question est habituellement traitée dans
des narratifs, des mythes et des contes. Mais le sens est une
question de raison d'être. Pourquoi la chose est-elle là ? La
raison est une mécanique de logique de ce qui se compte et se
mesure. Nous sommes loin de l'illumination et de la grâce.
Ainsi
le monde physique n'existe, et ne peut être, qu'adossé à ce monde
spirituel hors du temps et de l'espace, sans fin ni commencement,
parce que le champ de la conscience est du domaine de l'immatériel et en même
temps la source de la matière. Le champ du miracle est compris et
nommé ainsi parce que nous ne comprenons pas celui de la conscience.
Si nous percevions ce champ de conscience comme appartenant à cet
autre monde spirituel, alors l'idée de miracle passerait dans
l'ordinaire.
Nikola
Tesla nous invitait à considérer les vibrations et oscillations du
monde si nous voulions le comprendre. Nous savons que pensées,
imaginations et émotions peuvent se traduire en fréquences. C'est
donc par là que ça se passe...
Ainsi,
la mort n'est pas une fin (notion physique). C'est juste un
"changement de monde", un passage simple. Il n'y a donc pas
de multivers, ni de superpositions de mondes parallèles, mais juste
des états de conscience divers et variés où les "parts
d'être" se posent. L'imaginaire est donc bien cette conséquence
créatrice de l'activité spirituelle de conscience.
Gardons
bien en mémoire que le temps et l'espace n'existent pas, qu'ils n'ont
aucun sens, dans le champ spirituel et psychique. D'ailleurs, nous
nommons ce champ spirituel comme s'il nous était extérieur, alors
qu'il est tout simplement psychique et donc qu'il nous est propre aussi.
Là, tout est constant et partout à la fois. La question du sens devient donc seulement un question rationnelle, mentale et matérielle.
Spirituellement, psychiquement, tout est à la fois et partout. On
pourrait dire "constantané", de l'ordre de la permanence,
de la constance omnilocale, voire "alocale" et
univocale.
Ainsi,
chaque culture s'habille de rites et usent d'artefacts qui mettent en forme
leur animisme. Elles l'accrochent à des mythes. Il ne s'agit que
d'habillage. Cela ne représente rien de fondamental puisque dans le fond, tous ces
animismes sont la même chose, la même cosmogonie, comme le sont
méditation, Yoga, Chi gong, sophrologie, auto-hypnose et
contemplation.
La
condition pour vivre ces sensations serait un "lâcher prise par
ennui", c'est à dire sans intérêt ni enjeu. Et pourtant, ce
qui fait vivre l'impact du spirituel sur la matière est l'émotion,
ce que l'on ressent auprès du bonheur et du malheur, mais aussi de
toutes choses. L'émotion est ce qui crée les éléments et les choses du
vivant. Elle est ce langage magique, créateur au delà du mot.
De
fait, il ne s'agit pas de nier la dimension matérielle mais de
l'étendre à l'immatériel, au psychique. Alors nous pourrons
voyager sur la marge des deux mondes, percevant l'un et l'autre dans
leurs propres paradigmes, dans leurs singularités et dans leurs
articulations. Nous sommes dans deux mondes et des deux mondes à la
fois, comme nous avons deux bras, deux jambes, deux yeux, deux
oreilles, deux poumons, un cœur en deux parties symétriques, deux
encéphales, etc. Dès lors la réalité est plus profonde, plus
large, plus "réelle"... C'est d'ailleurs la sensation dont
témoignent les "expérienceurs" de morts provisoires ou
imminentes. Cet onirique apparaît plus vrai que la réalité
physique, laquelle leur apparaît floue comme un rêve.
Au
delà de tout ceci, il y a le phénomène hypothétique des
réincarnations qui vient alimenter la problématique. Un calcul
mathématique est parfois utilisé pour la décrier. Avec l'augmentation exponentielle de la population il devient
même improbable que tous les gens qui vivent à un temps T aient
pu trouver un temps d'incarnation antérieur. Il y a autant, sinon
plus d'habitants en simultané sur terre qu'il y en ait eu depuis la
naissance de l'humanité.
Mais,
comme le relate Victor Lazlo dans son ouvrage ''Nous sommes donc
immortels'' (Ed. Tredaniel, 2017), lors de régressions sous hypnose,
bien des personnes témoignent se souvenir de vies antérieures. A cet effet, toutes nos expériences de vie sont inscrites dans les archives akashiques. On les retrouve dans l'espace de vide de la matière, au sein d'un champ magnétique. Je ne sais pourtant pas si la personne se souvient de sa propre existence ou d'une existence vécue par quelqu'un d'autre. Ce contenu pourrait être reversé dans ce stock d'informations d'une conscience commune.
Les
bouddhistes ne pensent pas que c'est la personne elle-même qui se
réincarne, mais quelque chose du "vivant total" ou "global" qui revient. Ainsi, il a été
constaté qu'un seul Rimpoché peut revenir en trois enfants distincts et non pas
seulement en un seul.
Dans
le cas de souvenirs d'incarnations précédentes, il s'agit bien d'un
vécu antérieur perçu, mais pas forcément le sien propre. Il peut
être tout à fait recueilli dans ''le stock'' de la conscience
vivante universelle. Gardons en mémoire le concept de conscience universelle et tout se clarifie.
Article
difficile, j'en conviens tout à fait. Je pense que c'est dû à
l'immatérialité dont nous voulons parler et témoigner, et que nous
voulons décrire, expliquer ou commenter. Ça ne marche pas toujours car monde
physique et immatériel, ou leurs parties, ne sont pas du même
ordre. Il faudrait juste les ressentir pour en comprendre la
singularité, la complémentarité et l'imbrication. Qui plus est, les tenants d'une
partie nient l'autre partie dans laquelle ils ne se reconnaissent
pas. D'autant qu'en la matière, il n'existent aucune preuves,
seulement des indices à voir, des rapports d'expériences et d'expérimentations,
à croire, comprendre ou pas.
Bien
des yogis affirment n'avoir jamais rien lu ni étudié car ce ne sont
là que des mots et des concepts qui encombrent le mental. Ils
préfèrent largement expérimenter dans leurs pratiques les
enseignement de l'univers.
Quant
à nous, occidentaux matérialistes et rationalistes, j'ose penser
que la bienveillance est un chemin vers cette marge grossissante, la
réconciliation avec le monde animiste qui nous a vu passer, l'hubris
au bout des lèvres et au fond des yeux. Il me semble aussi que la "pleine présence"
sera un excellent exercice pour ce faire et se retrouver au cœur de
l'être.