Il est vrai que, dans nos conceptions ordinaires, le mal est l'opposé du bien, que ces deux tendances sont antagonistes, inverses et adverses. Ce qui nous arrive est selon ces conceptions habituelles, soit bon, soit mauvais, voire un peu des deux. Et pareillement, les comportements des gens nous apparaissent bons ou mauvais, si bien que nous en qualifions les gens eux-mêmes. Mais, nous savons bien, comme je l'ai plusieurs fois écrit, que ce que nous disent et nous font les gens ne nous concerne pas, mais seulement ceux qui le disent et qui le font. La réversibilité s'impose...
Il m'est arrivé récemment qu'une amie proche n'ait pas du tout compris ce que je disais dans cet article à propos du second tour des présidentielles et m'accusait d'appeler à voter extrême droite, ce qui n'est pas du tout dans mon article, bien au contraire. Peut être focalisée sur ses propres dogmes et certitudes, elle le voyait comme une "banalisation du mal", et ne pouvait donc entendre mon propos. Cependant, celui-ci relatait simplement différents courants de pensée sur la toile, lesquels attiraient l'attention sur le candidat sortant peut-être plus à droite encore que sa concurrente. Mais la préoccupation de mon amie était ainsi.
Il arrive en effet bien souvent que chacun, dans ses mots et par ses actes, tente aussi de régler ses vieux démons. Les gens (et nous-même) répondent à des blessures intérieures et anciennes, tentent de s'en défaire, de les adoucir ou de les réduire, voire de s'en défendre. D'où des comportements d'allégeances et de combats, des réactions apeurées ou agressives, de rejet ou de sur-gestion, de sur-maîtrise, etc. Comme l'écrivait la canadienne Lise Bourbeau, nous réagissons à nos blessures fondamentales, celles qui nous font tourner en rond, répéter des réactions en boucle, privilégier des postures courtes, inadaptées et nous occuper toujours de la même chose. L'auteur nous indique alors que la prise de conscience et le lâcher prise sont des solutions à la paix de nos êtres et de nos âmes (peut-être ce que je n'ai pas fait lors de cet échanges avec cette amie).
J'échangeais avec mon frère Alain, philosophe et Américain, sur des événements complexes que je venais de devoir gérer et il évoquait très sommairement qu'il en avait aussi. Puis il me suggérait que "ledit mal contribue à l'émergence du bien parce qu'il le force à réagir et lui permet d'intervenir au plus tôt". Trop de mal appelle et réclame une saine réaction. "Rapatout", comme il l'appelle, devient de ce fait au service du bien car le trop de mal qu'il provoque, le trop de désordre et de méchanceté qu'il installe, réclame et provoque en retour des réactions saines et de bon sens. Et ce, même si certains auraient tendance à vouloir se venger, à faire violence voire à s'adonner à quelques radicalités...
Cette philosophie s'adosse au "bon sens" de chacune et de chacun. Ce sont alors les sagesses anciennes et installées qui nous aident à répondre au plus juste. Des sagesses nous proposent le pardon dont j'ai parlé précédemment. Il rend la responsabilité des faits à leurs auteurs et permet ainsi à ceux qui pardonnent et acceptent le pardon le lâcher prise et de retourner à la paix, à la réconciliation (ça, je l'ai fait avec cette amie...).
D'autres sagesses orientales, autour du concept de Karma, pensent la responsabilité de chacun sur ce qui arrive et de la conséquence, bonne ou mauvaise, selon ses actes et ses pensées. Les sages laissent le Karma régler les choses. De même, d'autres pensées, comme celle du Tao, nous invitent à ne pas nous venger et nous proposent même d'aller "nous asseoir au bord de la rivière et regarder passer le corps de nos ennemis". Ces deux sagesses, par exemple, nous invitent à ne pas nous occuper de ce dont nous ne sommes pas les auteurs, car l'univers s'en occupe lui-même. Dont acte...
Enfin, mon frère me suggérait que "Rapatout" et tout le mal pourraient être de ce fait partie prenante du "plan du bien", ou "plan divin", comme il le décrit. En regardant dans la culture chrétienne, alors, comme le proposent d'autres cultures singulières, Judas aurait pu trahir Jésus pour que ce dernier accomplisse son destin. Sans la "Passion", pour les chrétiens, il n'y a pas de rédemption du monde...
Selon la sagesse Taoïste, ces deux contraires sont des complémentaires qui s'articulent pour que le monde s'équilibre. Il n'y a, selon cette sagesse, pas de bien ni de mal réel, mais deux polarités qui interagissent. Alors mon frère m'invitait à regarder plutôt le monde sous cet angle et il ajoutait : "Laisse la providence agir !"... Et je m'y adonne.
Ainsi, si l'on regarde les cycles de la vie, celui de la personne humaine avec la naissance, l'enfance, l'accomplissement adulte puis la vieillesse et la mort, il est comme celui des quatre saisons, le cycle de l'eau qui donne la vie ou sème la mort, etc. Nous comprenons que le mal n'est pas un opposé du bien mais il devient une des conditions qui le rendent possible, voire le favorisent.
Sans les douleurs de la naissance, pas de vie. Sans les douleurs de l'apprentissage, pas de connaissance ni de compétences à exercer et à vivre. Sans les combats de la vie, pas de vieillesse. Sans la mort, plus de mystère de la vie, plus aucune de ses joies et de ses émerveillements, notamment devant le bébé qui se présente...
Sans l'hiver, pas de renaissance du printemps. Sans l'impact des insectes pas de floraison réussie. Sans les gelées combien de plantes ne repartiraient pas du bon élan. Sans les opulentes floraisons du printemps, pas d'été fructueux et donc pas d'alimentation des animaux et de nous-même. Sans les chaleurs de l'été, pas d'automne pour d'autres fruitaisons et récoltes. Etc...
Quelqu'un me suggérait aussi assez malicieusement que sans la période macronienne, il n'y avait pas de sursaut et de renaissance populaire. On va voir...
Les inondations sont parfois meurtrières et souvent destructrices, mais sans cet élément la vie est impossible. Ce sont ces mêmes manifestations qui ont aussi fait la richesse des plaines du Nil par exemple, et de combien d'autres plaines et vallées à cours d'eau.
Dans ces cycles de vie, tout semble utile et nécessaire. Tout nourrit un équilibre souvent précaire malgré les caractères douloureux, et ces quelques phases qui font mal tant à l'âme qu'au corps. Mais tout cela est tellement utile à la suite du parcours... Alors parfois, quand le mal survient, ne serait-il pas judicieux de le regarder utile au bien ? Alors, chance ou malchance ? Il y a un conte célèbre sur ce sujet là...
Alors encore merci à ceux et celles qui comprennent mal mes écrits à l'aune de leurs préoccupations. Ils me rendront plus attentif dans la rédaction de mes propos, plus attentif aux "sacrés" des uns et des autres, à leurs préoccupations, à accueillir leur lecture du réel, et pour ma part à être meilleur tout simplement.
Lire aussi : "Dogmes ou aphorismes"
Excellente philosophie mon ami !
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