Nous avons pris l'habitude de regarder notre cerveau comme un ordinateur, mais nous devons cesser de le considérer ainsi. De fait, nous avons inventé l'ordinateur sur une conception erronée de notre cerveau. Ce que nous savons réellement de son fonctionnement n'a vraiment rien à voir avec celui d'un ordinateur : ne parlons donc pas de programme, ni de stockage de données. Notre cerveau réagit exclusivement en mode “conscience”, et les “données” et les souvenirs ne sont en fait que des reconstructions immédiates, placées sous l'influence de représentations, d’intérêts et de préoccupations conjoncturelles. C'est ce que nous répétaient nos professeurs Serge Moscovici et Denise Jodelet à l'EHESS. Il n'y a donc rien de “mécanique” ni de matériel dans ces pratiques et dans ces usages. Il n'y a que des prises de conscience et des "constructions psychiques" immédiates d'images de réalité "engrammées", de sensations et de sentiments, voire d'autres éléments qui semblent nous échapper. Je m'explique.
Effectivement, des chercheurs ont "inventé" l'ordinateur sur une intelligence mécanique qu'ils avaient à l'époque de ce que pourrait être le fonctionnement de notre cerveau. Au bout du compte, nous avons là un merveilleux outil, mais qui n'a rien à voir avec ce qu'est notre intelligence intuitive, imaginative et créatrice.
Un chercheur, comme Maurice Halbwachs a écrit autour de ce qu'il nommait, les "vrais faux souvenirs". Il nous a donné à comprendre "comment se souvenir se passe", et sur quoi le processus repose. Ce sociologue durkheimien, mort en camp de concentration à Buchenwald, nous a laissé un ouvrage remarquable : "Les cadres sociaux de la mémoire" (Paris, 1925). Maurice Halbwachs nous fait ici prendre conscience des processus de construction, déconstruction et reconstruction psychiques de ce que l'on nomme “souvenirs” dans le langage courant. Mais aussi du phénomène social dont ils relèvent. Sa formule que "le cerveau est plutôt un générateur qu'un grenier" nous donne à mieux comprendre sa contribution en la matière.
Comme les sagesses anciennes reviennent sur le tapis de nos recherches, arrêtons nous un instant pour mieux comprendre de quoi il s'agit. Dans le bouddhisme, la plus simple et pure activité de notre cerveau est la contemplation sans réflexion ni jugement quel qu'en soit l'objet : une flamme, une sensation, un mantra, un concept comme la compassion, une image ou autre "objet". Il ne s'agit que de regarder passer ce qui vient en tête, comme les nuages passent dans le ciel. Est-ce qu'un ordinateur saurait faire cela ? Effectivement non. Les "méditants" s'en rendent très vite compte.
Les travaux de l'anthropologue Jean-Dominique Michel nous ont montrés combien le soin est particulièrement le fruit d'une activité psychique et que la guérison ne relève que de la relation de confiance entre le praticien et le patient. Seul le patient lui-même enclenche son processus de guérison. Guérir relève donc totalement d'une activité psychique “auto-active”, et non de prophylaxies médicamenteuses, ou autres thérapies curatives externe. Son approche des placébos et des nocébos est explicite : ce ne sont que sur ces processus mentaux, fondés sur la conscience, que le soin marche ou pas.
On relate le cas d'un malade du cancer qui apprend qu'une molécule soigne radicalement son mal. Il s'en ouvre à son médecin qui lui procure la molécule. Le patient guérit alors comme miraculeusement. Mais plusieurs mois plus tard, celui-ci découvre un article niant totalement les effets réels de cette molécule, jugée aussi inappropriée qu'inefficace. Le malade rechuta et mourut. Le cas n'est pas unique. L'activité psychique, celle de la pensée, semble bien supérieure à l'efficacité mécanique de médicaments et autres soins.
Il me revient aussi l'histoire d'une patiente atteinte d'un grave cancer qui, exaspérée par toute la médecine qu'elle subissait, décida d'en rester là. Elle arrêta tout traitement,... et guérit. Je sais qu'il ne faut pas en faire la publicité, et que la bonne lecture de ces cas est rare. Je me contente de dire que cela existe et que les scientifiques du domaine le savent.
Ainsi le chamanisme travaille sur ce principe de "reliances spirituelles". D'autres pratiques comme la médecine chinoise ou philippine, la sophrologie, la méditation, le yoga, la contemplation ou la réflexion le font également. Nous sommes ici au cœur des activités de nos cerveaux. Bien des pratiques anciennes et actuelles utilisent ces voies là, nous montrant la puissance de la psyché. Nous assistons aujourd'hui à un retour de l'animisme, favorable à ces pratiques en reconnaissant leur efficience. Actuellement, des coupeurs de feu et faiseurs de secrets sont entrés dans nos hôpitaux et leurs pratiques y sont prospères, efficientes et appréciées.
Alors, nous commençons à nous rendre compte que la recherche scientifique, notamment avec celles sur la physique quantique, est en train de nous donner des explications rationnelles à ces démarches curieusement efficientes.
Comme le disait Nikolas Tesla "si vous voulez comprendre l'univers, intéressez vous aux fréquences, ondulations et oscillations". Le physicien Nassim Aramein, comme Philippe Bobola, physicien, anthropologue et psychanalyste, nous font remarquer que la matière est faite de 99,99 % de vide. Elle n'est donc pas consistante et sa structure serait dépendante de liens magnétiques. Ce serait donc dans le vide magnétique qui occupe ces espaces que s'installent les informations. Voilà qui nous fait penser aux "archives akashiques" chères à quelques théosophes du dix-neuvième siècle, aux origines indiennes.
Si on considère que l'entité humaine "s'épuise" dans son corps, effectivement la tentation de voir dans ce corps l'unité complète de son fonctionnement psychique est grande. Mais nous savons que l'identité humaine comprend aussi son environnement. Ladite "expérience interdite" nous rappelle que sans un contexte attentionné et bienveillant, les bébés meurent.
Considérons aussi le développement d'enfants dit sauvages, élevés par des loups : on se rappelle ces cas où l'individu, comme la fille de l'Aveyron, n'a jamais pu se tenir debout, a toujours dormi dehors et est morte vers l'âge de 17 ans, l'âge où meurent généralement les loups.
L'identité de l'individu comprend donc bien son environnement, celui sur lequel il s'est construit. Cet environnement le définit et le façonne autant que les expériences qu'il aura plus tard. Ce n'est donc pas dans la dimension “mécanique” que s'épuise le sujet. Toutes les dimensions environnementales, contextuelles, spirituelles ou imaginaires participent de cette réalité d'être. Ainsi, pour comprendre l'activité psychique de l'être, qu'il soit humain ou autre, nous devons prendre en compte ce qui le dépasse, ce que nous lui retirons comme ne pouvant être propre ou inhérent à lui-même, comme le champ social et culturel, les croyances, la spiritualité ou l'imaginaire .
Ainsi, gardons en conscience que méditer est bien un acte de ressourcement, non pas pour ou par le calme seul, mais dans tout ce qui constitue l'être lui-même hors des limites de son propre corps. Si nous devions illustrer concrètement cette conception, nous reprendrions l'image de la ruche. C'est bien elle l'entité, et pas les abeilles qui la constituent. C'est un peu comme si nous attribuions une identité totale, parfaite et complète à chacune de nos cellules endogènes ou exogènes.
Ainsi, notre conception de notre identité se trouve bouleversée. Comme il est écrit dans le Kibalion, comme nous le retrouvons dans les philosophies grecques et égyptiennes, ou comme il est dit dans le bouddhisme, nous sommes dans l'univers comme la goute d'eau dans l'océan, laquelle le contient tout entier. Nous ne sommes que parcelle de l'univers, le contenant entièrement, et il serait temps d'en prendre acte.
Ainsi, notre conscience est universelle et nos activités mentales et psychiques y contribuent elles aussi. Tenter de les localiser dans telle ou telle partie du cerveau est donc aberrant, même si des électroencéphalogrammes y repèrent quelques signaux... Mais c'est davantage notre lecture paradigmatique du réel qui nous le souffle qu'une véritable connaissance du réel.
Ainsi, si quelqu'un vous invite à "reprogrammer votre cerveau", même si ça semble "fonctionner", prenez garde et ne soyez pas dupes ! Le processus est évidemment ailleurs et relève de bien autre chose plutôt lié à la conscience... Voilà un pas immense qui nous reste à faire.

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