Selon la psychologue canadienne Lise Bourbeau, il existe cinq blessures fondamentales dont nous pourrions souffrir : le rejet, l'abandon, l'humiliation, la trahison et l'injustice. Chacune et chacun connaît les conséquences d'une opposition conflictuelle. Ainsi, peut-on dire que leur inverse serait l'accueil, l'accompagnement, le soutien, la reconnaissance et la compassion. Lise Bourbeau indique que le type de soin pour y remédier serait de passer de la peur à l'amour. En deçà de cela, elle nous dit qu’il existe également des reproductions sociales qui perpétuent les souffrances. Ainsi, chaque souffrance que nous vivrions trouverait un ancrage dans une blessure première, susceptible de constituer une trace ou encore une base psychologique.
Ainsi, dans les situations à venir, ce n'est pas la seule réalité des faits qui définirait la blessure ressentie, mais plus notre construction mentale : ainsi, une personne souffrant de la blessure d'humiliation se sentira davantage encore humiliée si son partenaire l'abandonne ou si son patron lui fait subir une injustice... La référence à un événement antérieur renforcerait ainsi le “ressenti”. En d'autres termes, ce que nous vivons s'ancre sur ce que nous avons déjà vécu.
Lise Bourbeau aurait remarqué que, pour éviter de souffrir, nous nous construirions des masques protecteurs. Elle en a identifié un pour chacune de ces blessures : le fuyant face au rejet, le dépendant face à l'abandon, le masochiste face à l'humiliation, le contrôlant face à la trahison, et le rigide face à l'injustice. Nous comprenons bien que ces masques ne résolvent rien sur le fond : ils ne font que reporter ou panser la blessure dans un ailleurs différé, c'est à dire "décalé plus loin".
Ainsi, nous porterions ces masques plus ou moins souvent, en fonction de la gravité et de l'intensité de nos blessures antérieures et actuelles. Dans tous les cas, selon Lise Bourbeau, notre corps et notre comportement en seraient immanquablement marqués. Chaque douleur ravive et réinstalle encore ladite blessure.
Très schématiquement, la personne souffrant d'humiliation, qui porte le masque de masochiste, va avoir tendance à s'habiller de vêtements qui ne l'avantagent pas et aura par ailleurs, une certaine propension à se tacher en mangeant...
La solution selon l'auteur, pour le "traitement” de ces cinq blessures serait le pardon, non pas pour l'autre mais pour soi-même : ledit pardon relevant alors du lâcher prise. En comprenant ce que sont ces blessures pour nous-même, nous serions à même de pardonner à ceux qui nous ont blessés, mais aussi à nous-mêmes d'avoir “succombé”, et de leur en avoir ainsi voulu... Débute alors la démarche nécessaire pour apprendre à s'aimer, afin que puissent, enfin, tomber les masques. C'est à partir de là que nous pourrions devenir enfin "nous mêmes". Ce n'est pas le plus aisé...
Une nouvelle fois, la solution, dans l'absolu, est bien de lâcher prise, de se rendre compte que ce qui arrive n'est pas soi, de faire de son mieux tout en s'abandonnant ensuite à la providence.
J'ai observé dans ma vie d'accompagnant une chose des plus simple : ce qui est au fond de toutes ces blessures est bien la sensation d'être méprisé et d'en incorporer l'image. Il s'agit là de la sensation d'être, soi-même, réduit à rien, autant dans ses actions que dans ses qualités. Autrement dit, la personne se vit comme étant invisibilisée et niée. Lors de mes entretiens, j'ai fréquemment perçu deux postures en réponse.
La première est l'accueil des raisons du mépris. Ici, la personne culpabilise puisqu'elle se sent coupable de son propre mépris. La personne devient victime de la relation avec des répercussions dans tout son être et toute sa vie. Elle se sent responsable de ce qui lui arrive, parce qu'ici, “l'autre” aurait forcément raison...
Dans la seconde, la personne laisse les causes et raisons du mépris à son ou ses auteurs. Comme il convient de toujours se préserver, la réponse est alors le retrait, et/où l'échappement, l'évitement, et le "laisser passer". Ainsi, la cible (soi-même) s'en va, et quitte le terrain de la relation pour ne plus être soumis à cette violence trop forte. Elle va donc faire sa vie ailleurs en toute autonomie et indépendance. Mais la personne retrouvera-t-elle des relations qui ressemblent à ces dernières, au point d'y succomber à nouveau ? C'est tout à fait possible et ce me semble être là son problème…
Dans les deux situations, il y aura une tendance à la répétition, à la reproduction du type de réponse dans d'autres situations même non exactement similaires. Il nous est donc utile sinon indispensable, de choisir sa réponse, et son mode d'acceptation... ou pas. En l'occurrence, il s'agira de pardonner, de se pardonner pour mieux lâcher prise et reprendre le cours de sa vie. Ladite vie va se trouver guidée par ses enjeux, ses envies, ses désirs et tous les autres moteurs ordinaires de nos existences.
La vengeance, nous disent les sages bouddhistes, consiste à tenir dans la mains un charbon ardent, pour le jeter sur le responsable de notre mal. Mais pendant tout ce temps, le charbon nous brûle nous-même... Il s'agit donc de retrouver ce regard intérieur vers l'univers et les dieux qui nous habitent, car les réponses sont au fond de nous. Elles apparaissent clairement dans la contemplation méditative. Il en va ainsi pour notre succès ou notre sérénité. Alors, encore une fois, sachons remercier...
Lire aussi : "Douleur et souffrance (03 09) "
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