Nous avons à nous débarrasser des trois freins qui viennent nous tirer en arrière dans la poursuite de notre parcours de vie : "la peur" en nous faisant confiance, "le mental" en sachant lâcher prise et "l'égo" en se détachant de tous les symptômes identitaires superficiels. Ils sont de bien mauvais compagnons de route.
A l'inverse, nous avons à nous imprégner des trois meilleurs compagnons de nos vies que sont l'amour, la paix et la joie. Alors rassemblons depuis le plus profond de nous même force, sagesse et beauté...
Nous savons que trois variables nous constituent : 1 - la sensation d'un moi profond, en allant au fond de la caverne et en nous retournant pour voir d'où vient la lumière, 2 - l'environnement physique et culturel avec lequel nous développons une dialectique constitutive, 3 - le silence accueillant l'univers dont nous sommes la particule qui le contient tout entier... Il s'agit là d'une pensée particulièrement présente dans le bouddhisme.
Sénèque, le philosophe esclave et stoïcien, nous dit que "La vraie sagesse est de savoir rester calme en toutes circonstances". Il développe ensuite l'art du silence dans lequel nous préférons avoir la paix plutôt que d'avoir raison. "le silence, nous dit-il, n'est pas l'absence de mot mais une expression éloquente de sagesse. Il se trouve être le miroir de notre caractère". Voyons comment le silence peut être un allié pour instaurer la confiance, promouvoir l'introspection et améliorer les relations interpersonnelles.
Le silence calme nos peurs et donc en efface bon nombre de conséquences, rétablissant ainsi la confiance en nous. Nous n'avons de fait rien à défendre. Par essence, le silence est le premier pas vers le lâcher prise. Il autorise le retour au plus profond de soi même. Il est aussi ce premier pas vers la prise de distance avec son ego. Cet égo qui rationalise tout alimente aussi nos peurs par prudence devers les accidents, afin de mettre à distance nos complications égotiques identitaires.
Le silence autorise la remonté du plus profond de nous même de la sagesse intérieure. Car, appartenir à un courant philosophique ne consiste pas à adhérer à des principes ni à se soumettre à quelques règles, mais à laisser monter du plus profond de soi même la sagesse qui nous tient debout, celle qui fait que nous sommes heureux d'être. A l'inverse d'une obéissance, "être" consiste à faire vivre son libre arbitre. Ainsi le silence ouvre notre écoute attentive tant à son environnement qu'au plus profond de nous même. Bref : à tout ce qui nous constitue.
On lit bien, dans l'étude du bouddhisme, que le silence n'est en aucun cas se soumettre à quoi que ce soi. Il ne s'agit aucunement de prendre pour vrais des propos au prétexte qu'ils ont été dits ou écrits par quelques personnalités remarquables. Cette sagesse nous dit aussi que chacun a à vérifier par lui même la vérité de chaque chose. Il apparait alors que seuls les trois "mauvais compagnons" sont capables de nous détourner de cette posture de personne libre, en paix et joyeuse. Il sont la peur, le mental et l'égo, sources de la cupidité, de la colère et de l'ignorance.
Seule la peur peut motiver la soumission, à moins que la cupidité ou l'envie ne mettent dans notre ligne de mire quelques finalités par trop décalées, matérialistes. Elles nous exposent au vide du manque, de la perte et de l'inutilité. Cette peur nous ouvre le passage vers le recours à la violence, la haine et la cupidité. Ce serait bien là un enfer aussi inéluctable que contre productif. D'ailleurs, d'où pourrait nous venir cette cupidité, cette avidité stérile, sinon du mental ? Ce détournement de nos aspirations profondes, que sont immanquablement la paix, la joie et l'amour, est l'œuvre d'un ego surdimensionné, envahissant, compétitif, concurrent, cupide, égocentré et par trop matérialiste. Mais il nous est cependant utile dans la rationalisation. Ce qui n'est pas négligeable...
C'est dans un ego surdimensionné que s'élaborent l'envie, la cupidité et toutes ces aspirations vers des biens strictement matériels. Voilà des aspirations vénales qui font le fond de la culture néolibérale occidentale : individualisme, compétition, solipsisme, concurrence, violence et prédations. Nous avons déjà développé précédemment l'imbrication culturelle ordinaire de ces caractéristiques. Si l'on regarde les cultures animistes des sociétés premières, nous trouvons leurs opposés que sont l'entraide, la bienveillance, la solidarité, les coopérations et collaborations. Nous nous souvenons le l'ubuntu, ce concept de sagesse de peuples premiers qui signifie : "Je suis parce que nous sommes". Ce concept dit "Comment l'un d'entre nous peut-il être heureux si tous les autres sont tristes ?" Il invite à la bienveillance, aux comportement d'entraide et solidarise les acteurs dans l'interdépendance. Il s'oppose à proposer aux personnes la compétition individuelle, et à les inciter à une mise en concurrence stérile, voire destructrice.
Alors, grâce au silence, celui qui mène à l'essentiel, celui qui accompagne nos pas de retrait, qui révèle le fond de nos personnalités, qui nous offre la place pour prendre notre temps calme loin de toute précipitation, nous abandonnerons ces trois mauvais compagnons qui ne nous veulent rien de bien (sinon de nous soumettre). Bien au contraire, ce sont eux qui nous infligent tant de mal, comme la peur, et nous installe dans le mental en survalorisant l'égo. Ce silence nous offre d'ouvrir la porte de nos cœurs à la vérité, faite d'amour, de paix et de joie. Ce sont là de bien meilleurs compagnons utiles, alors réveillés au plus profond de nous-même. Il s'agit alors de savoir quand est le moment opportun de laisser entendre sa voix et quand il est préférable de laisser la beauté du silence parler d'elle-même.
Alors nous préférerons être là, lucides, à nous ralentir, en allant vers la profondeur du monde, à avoir la paix plutôt qu'avoir raison, à attendre les meilleures conditions pour être écouté et compris plus qu'entendus. Nous savons la capacité d'attention de chacun et de chacun particulièrement limité (à vingt secondes, dit-on). Nous préférerons l'observation attentive à la précipitation, afin de nous imprégner de ce qui nous entoure et qui se passe là, dans "l'ici et le maintenant". Nous savons que la parole est, comme l'eau dans le désert, rare, vitale et précieuse. Il est donc judicieux, valeureux et bon de l'économiser et de la canaliser.
Dans l'amour, la paix et la joie, nos paroles ne sont pas sur ou contre ce que l'autre dit, mais à propos de ce que l'on sait et que l'on comprend intérieurement. En effet, il est bon que notre regard soit focalisé sur le réel et la vérité, et sur tout ce qui "est" pour l'apprécier. C'est alors que nous mettrons au partage, et avec parcimonie, le propos au plus près de ce que nous avons compris.
Le brouhaha qu'installent les jeux d'égos, distribue des distractions inutiles et parasites. Il nous détourne de ce qui nous est important. Nous faisons alors certainement une allégeance stupide aux désirs de l'autre, à sa stratégie et nous nous laissons entraîner de force dans une joute de rivalités où le vrai, le bon, le bien ont disparu de notre champ, au profit d'intérêts certainement divergents car égoïstes. A contrario, le silence nous installe sans pression dans la contemplation du "réel-réalité" et convoque la créativité.
Le silence, issu de la paix totale intérieure, nous ramène à la pleine présence, à la pleine conscience. Il est en outre une force sage qui peut semer le doute chez ceux qui pensent nous attaquer, en se posant en ennemi ou adversaire de ce que nous proposons, alors que nous nous savons partenaires. Ainsi, se défendre consiste à provoquer soi même une autre attaque sur soi même : elle peut d'ailleurs s'avérer radicale, sinon dramatique. On ne peut ignorer le silence ni lui répondre par du bruit. On l'accueille et on écoute la sagesse qu'il transporte. Personne ne peut faire autrement sans se décoller du monde.
Platon avait dit que si le sage parle c'est parce qu'il a quelques observations, aperçus ou "points de vue" qui concernent la situation commune. Il ajoutait d'ailleurs que les partenaires ont de fait une autre approche dans une autre réalité. Leurs regards sont capté par leur ego. A partir de là, ils mentalisent ce que leur peur naissante leur inspire. Et la peur est bien mauvaise conseillère, mauvais stratège. Ainsi leurs réponses peuvent être tout autre chose posé là sur la table. C'est là que l'idiot parle parce qu'il doit occuper l'espace.
Alors, le silence d'une écoute active accueille la logorrhée informative de l'interlocuteur étourdi. Ceci me fait penser à l'art de l'esquive dans les sports de combat. Le coup rare qui suit est bien trop efficace. Ainsi, celui qui parle s'expose. Celui qui se tait manifeste une force dans une stratégie de sagesse, fondant ainsi une relation plus sure et plus profonde.
Dire moins peut signifier plus. Parfois les mots les plus puissant sont ceux que l'on n'a pas dit. Celui qui ne sait pas se taire, disait Sénèque, ne sait certainement pas parler. A la suite d'un échange, l'idiot se vante par des mots comme "Qu'est-ce que je lui ai mis !" quand le plus sage savoure d'avoir appris quelque chose. Alors le silence sera une pratique médecine nous libérant tôt de nos peurs, domptant notre mental et canalisant notre égo, un merveilleux outil relationnel, de lien social, de développement de soi et de construction en commun.
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