L'enfer n'est jamais les autres mais le rapport que j'installe entre nous. Je ne vois du monde que ce que je crois, c'est à dire ce que j'y projette, et donc ce qui me préoccupe aussi bien positivement que négativement. En d'autres termes, j'y projette ce que j'aime et ce qui me fait peur. Ainsi si j'imagine que les autres sont les responsables de ce qui m'arrive, je fabrique moi-même le mauvais rapport d'influence et de responsabilité entre nous. Si je pense que je suis victime, je crée alors l'agression. Si je pense que je suis coupable, je crée la faute. Si je pense que tout est bien dans le meilleur des mondes, hé bien tout est bien et tous les gens aussi.
Ces situations auraient pu être bien différentes mais j'ai projeté ce qui m'obsède. Comme le comprenait Paul Watzlawick, "ce que je pense des autres les invite à le devenir". Ou comme l'a proposé le philosophe Neville Goddard, "Ce que je pense de la réalité s'invite dans le réel." Les sagesses et les intelligences sont bien convergentes...
Si je pense que les gens sont bienveillants et compétents, alors, ils auront tendance à le devenir. Si je les pense égoïstes, avides et incapables, ils auront aussi tendance à l'être. La réalité n'est pas indépendante de mon regard et il y a une forte interaction entre ce que j'imagine et ce qui se passe. Le fait que je pense ainsi influence profondément les réactions diverses, et donc ce qui se passe de fait.
Il ne s'agit pas seulement ici d'une pensée directement créatrice, même si certains le pensent, mais bien d'une contribution à l'interaction, à l'ambiant du monde. Si ma vision guide mes pas, alors mes pensées guident nos comportements et relations réciproques. Ainsi se construit l'univers dans lequel j'évolue. Rappelons nous que la réalité, comme le disait Schopenhauer, n'est qu'un objet pour un sujet qui le regarde. Si le sujet s'en va, l'objet disparait. Ainsi toute réalité ne vaut que pour le sujet qui la considère. La physique quantique saute le pas et nous indique que ce que je contemple est la “réalité vraie”, comme l'électron se situe dans la position où l'observateur l'a fixé.
Si j'imagine que le monde est violent et agressif envers moi même, peut être est-ce parce que j'ai mis en priorité mes enjeux, mes gains, mes plaisirs matériels et autres avantages de toute nature. S'ils ne sont pas satisfaits, alors, depuis ma frustration, j'en rendrai les autres responsables. A partir de là, mes rapports avec eux vont devenir délétères. Cette frustration provoquée par ces non-atteintes va me ronger et produire chez moi frustrations et rancœurs aussi noires que destructrices. Je suis en train de construire mon enfer et le démon qui l'anime est bien moi.
Si je pense que l'univers est un immense champ des possibles dans de multiples interdépendances, au cœur d'un amour inconditionnel, alors tout ce qui se passe se retrouve et se développe dans la bienveillance et sollicite ma gratitude. Je suis ce que je pense du monde, comme je le vois. Je le trouve et le considère comme rempli de bienveillance et de solidarité. Alors le monde devient mon paradis et j'en suis peut-être l'archange.
Tout ce qui m'arrive passe par le filtre de mes représentations et et de mes certitudes. La vision guide bien plus que mes pas : elle constitue le monde que je vis. Il n'y a pas de méchants et de gentils qui me nuisent ou me comblent. Il y a mes pensées et représentations, mes croyances et mes certitudes, mes postures mentales et conceptions cosmogoniques qui font le monde de ma vie. Ma lecture de ce qui se passe est mon propre investissement. Dans ces conditions, l'univers me rend tout cela au centuple, diront certains. Et si ce monde n'a pas les caractéristiques que j'imagine, ou celles que je lui prête, alors le monde a tort. Il se trompe...
Il me revient cette anecdote : enfant, ma fille me reprochait parfois de l'énerver. Je lui répondais que ce n'était pas moi qui l'énervais, mais que c'était elle qui s'énervait à mon propos. Elle me le rendit bien quand par abus de langage je lui dis un jour, alors qu'elle est parfaitement adorable, qu'elle m'énervait. Elle avait donc parfaitement compris et contribua, par cette relation, à ce que je grandisse moi-aussi. On se rend compte ainsi que ce que l'on reproche aux autres est souvent ce que l'on ne supporte pas chez soi.
En en parlant avec mon gendre avec qui je partage bien des choses et des réflexions, nous nous arrivâmes à la conclusion que l'idée du bien et du mal, de l'enfer et du paradis, vivaient aussi dans le réel des gens. Les vécus heureux ou difficiles dans les EMI (Expérience de Mort Imminente) relevaient davantage des représentations des "expérienceurs" que de réalités exogènes. Nous convînmes qu'il en était de même de nos conceptions du paradis et des enfers : une production de nous-même pour soi-même.
Je repense aussi à nombre de nos échanges avec mon philosophe augustinien de frère, Alain, au cours desquels il m'indiquait que Lucifer, l'ange déchu, restait le porteur de la lumière. C'était bien lui qui montrait que Dieu en était le créateur et le propriétaire. Je l'entends encore me dire que Juda était celui par qui le dessein de Dieu s'accomplissait. Ainsi, ni l'un ni l'autre, de Juda ou de Lucifer, ne mérite qu'on les méprise. Pourquoi alors, les enfermer dans une caricature de mauvais personnages ? Je lui répondis que si Judas et Lucifer sont bien les vecteurs d'un dessein divin, nous sommes les acteurs de ce que nous vivons. Actuellement, il me semble que toute guerre, avant d'être sur le sol, a d'abord été dans la tête de quelques-uns, et sans doute, de manières tout à fait différentes, avec des enjeux et des intérêts très particuliers, sinon très divergents. Mais ces guerres étaient bien là avant d'exister matériellement. "Soyez le monde que vous espérez !", disait Gandhi. En effet, c'est le cas.
Il y a aussi cette conception bouddhiste qui nous dit que le monde imaginaire de la conscience existe réellement de manière parallèle à la réalité physique. On retrouve cette conception chez les animistes dont la pratique chamanique consiste à reconnaître et vivre (ou utiliser) un lien d'efficience entre les deux mondes. Le physicien Philippe Guillemant conçoit que plusieurs futurs sont déjà là et qu'il ne tient qu'à nous de réaliser celui que nous voudrions privilégier.
Tout de notre monde et tout ce que nous vivons est donc bien dans notre regard, dans nos esprits. On retrouve là le fruit de nos pensées et peut être quelque chose d'un autre monde idéel ou conceptuel que d'aucuns disent "spirituel", et que le monde matérialiste dit "psychique". Bref, nous ne vivons que ce que nous avons déjà dans nos cœurs et nos têtes. L'enfer, comme le paradis, c'est nous-mêmes.
Pour suivre la pensée de Gandhi, à être le monde que l'on espère, tant que nous y sommes, croyons en nous et soyons bons, joyeux et généreux. A cet effet, agissons en écho à cela et l'abondance nous comblera ! Croyons et sachons bien que nous sommes de ce monde venu de l'intérieur, et donc de cet univers des miracles.
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