"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

La part identitaire de la structure sociale (25 02)

Lors d'un repas de retrouvailles en famille, l'un de mes frères, pour lequel j'ai une grande considération pour la qualité de ses connaissances et la profondeur de la réflexion, expliquait que l'origine des juifs ashkénazes tenait d'une conversion par contacts interpersonnels de populations est-européennes avec des juifs venue du sud. Je tentais de l'informer que si les juifs ashkénazes étaient des caucasiens, ils étaient les Khazars, peuple semi nomade du nord du Caucase. Leur conversion n'avait rien de "laïcarde", c'est à dire relevant de processus individuels, de choix personnels dans des conversions de grés à grés, soit par "contamination", mais d'une stratégie politique de leurs chefs vers 860. Ceux-ci souhaitaient se soustraire aux influences des musulmans au sud et des chrétiens orthodoxe au nord et donc ils choisirent pour leur peuple le judaïsme comme la religion de leur ethnie. 

Mon frère n'en convenait pas et insistait sur l'hypothèse d'une conversion par "contamination sociale". Je tentais d'évoquer la fonction politique du religieux dans la vie sociétale, et que le principe laïcard de croyance religieuses personnelle, de conversions individuelles, était une notion très contemporaine, loin des fonctions identitaires et structurelles qu'avaient les religions à cette époque ancienne. Son étymologie, justement, vient du concept latin de "relegare", soit de réunions identitaires autour de partage de croyances, voire de "vérités" (j'y reviendrai dans un prochain article). Je n'ai pas su, ou pu, dire tout cela et j'ai donc lâché prise. Parfois, je préfère la paix à avoir raison, raison qui alors ne sert à rien...

Il me souvient bien que l'empire romain s'est construit sur cette capacité culturelle singulière à phagocyter dans leur panthéon les dieux des vaincus. Ils ont commencé la démarche avec les grecs et elle a parfaitement fonctionné. En effet, avant que les religions ne soient considérées comme dimensions personnelle dans notre occident républicain, les dieux étaient d'un peuple et leur fonction était de le protéger, de le rendre fort et dominant. Une guerre était avant tout un affrontement de divinités protectrices. Nous retrouvons cette notion aujourd'hui avec le développement de ce que nous nommons "l'Islam politique". 

Si le christianisme (protestant et catholique) et l'islam soufi se sont développés facilement en Afrique de l'ouest, c'est d'abord parce qu'ils étaient portés par des civilisations prospères. Ainsi, à leur habitude, les vainqueurs détruisaient les symboles de la religion des peuples vaincus (ce qui s'est produit en Afrique) de manière à "relier" ces dits vaincus au système de croyance et de protections spirituelles des conquérants dominants. Il s'agissait donc d'assimiler (voire de phagocyter) les vaincus à leur propre identité avec un statut d'accueil. Nous devons donc bien dissocier nos représentations religieuses de notre conception individuelle et "laïcarde" occidentale, voire même plutôt bien française. C'est là notre propre choix politique mais la sociologie nous rappelle que ce ne sont là que nos représentations constituant notre propre doxa.

Alors bien des conséquences structurelles découlent de cette réalité sociologique. La notion de leader vient de ce besoin d'incarnation de la "vérité". Quelqu'un doit la porter et la représenter pour que tout un peuple s'en nourrisse. Voilà pourquoi César était dieu. Je repense aux ouvrages de l'ethnologue Claude Rivière qui a nourri mon enseignement et ma réflexion en Sorbonne : "Les liturgies politiques" (1988) et "Les rites sociaux" (1995) notamment. La religion n'est donc pas une affaire individuelle, ni ne relève de croyances personnelles, mais est l'expression structurelle et politique d'une identité sociale partagée dont les rites témoignent et en perpétuent la doxa.

Dans ces conditions, la fonction de leadership relève de cette logique de croyance et d'appartenance. Conjointement, le followership, développé à la Carnegie Mellon (Pittsburg, PA) par le professeur Derek Wordley, est cette démarche de productions contributives à une démarche portée et développée par d'autres avant qu'ils ne deviennent eux-mêmes leader de quoi que ce soit. Ainsi Mandela était un follower de Martin Luther King, lequel était un follower de Gandhi avant de devenir l'un et l'autre leaders de leurs communautés, et ce dans un habillage identitaire et légendaire. Ainsi, il est nécessaire à n'importe quel leader d'avoir d'abord été un "militant", comme on dit ici, avant de porter un projet quel qu'il soit. Pour être crédible il faut tenir de quelqu'un, d'une légende (voire d'une œuvre), d'une vision de la réalité et d'une doxa portée dans un discours dont il se doit que le repreneur soit légitime... (je renvoie à mes articles dans ce blog sur le leadership).

Ainsi, les structures religieuses, avec leurs rites et leurs liturgies, sont particulièrement présentes dans toutes sociétés, fussent-elles républicaines et laïques. Elles ont chacune leurs récits génériques, fussent ils écrits ou transmis oralement. Ils sont le socle de la représentation sociale de la réalité, celle qui fait vérité et en organise et structure la doxa. (c'est peut être pour ce type d'identité que les juifs d'Israël considèrent les Ashkénazes comme descendant de juifs d'Israël)

Ainsi, il est normal de voir apparaître le principe d'exclusion, d'anathématisation et de disqualification de toutes personnes ne reproduisant pas la doxa officielle. Il existe aussi des réflexes rétroactifs irrationnels comme celui-ci entendu lors d'une conversation : "Cet auteur n'est pas clair. Il a même été exclu de l'université et ce n'est certainement pas pour rien qu'il l'a été !". On ne débat donc plus des raisons et arguments posés mais de la légitimité de l'auteur des propos. On peut retenir encore ce propos des plus ordinaire actuellement "C'est un complotiste antivax ! " ou encore "S'il s'est fait éjecter de son milieu professionnel, c'est bien qu'il a du en faire pas mal...". Le fait qu'il interroge la doxa n'est pas évoqué. C'est là un sacrilège, preuve de sa marginalité ou de sa "sortie de route"...

Nous assistons, lors de cet effondrement de l'occident, à la réémergence de ces structures "doxales" avec les discours de vérité qui les sous-tendent, fussent-ils in-historiques ou non-scientifiques, voire illogiques, imaginaires ou même mensongers. Plutôt dénigrer le porteur du message que de mettre ses arguments au débat. En l'accusant d'être déviant ou par d'autres "maux" disqualifiants. Nous sommes passés de l'effacement de la contradiction à la négation du contradicteur.  Alors le débat est clos...  Nous apprécions là le poids de la structure sociale dans la fonction identitaire.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 25 février 2025

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