Les gens de notre société fouillent partout à la recherche de ce qui pourrait donner du sens à ce qui se passe, et au monde qui les entoure. Actuellement, la quête de sens est telle que nous interprétons au plus vite et au plus court comme si nous étions dans une urgence. De fait nous nous y mettons tous ou presque. Mais cette complexité n'est pas d'aujourd'hui. Le phénomène est même plus profond que cela : il est structurel. En effet, il est un fait que nos cinq sens ne captent pas plus de 3% des fréquences du monde matériel. Cependant nous imaginons à tort le connaître parfaitement à partir de ce "trop peu" d'informations. Ainsi, dès les moindres éléments jugés significatifs, nous commençons à échafauder des hypothèses tout à fait réalistes et crédibles, a priori. "Les coquelicots sont bien rouges au milieu des blés" et "le manche de ma pioche est bien solide et résistant". "Le plomb est véritablement plus lourd que l'aluminium", "la lumière du matin n'est pas la même que la lumière du soir", etc. D'ailleurs, nous y croyons comme si c'était le réel. De plus, nous pensons profondément que nos cinq sens nous le prouvent bien, n'est-ce pas ? Oui, certes, mais à partir de si peu de captation du réel ...
Nous oublions alors les sensations intuitives qui nous préviennent sur la fausse route trop facile ou sur l'évidence d'une personne, d'un lieu, d'un instant. Nous sommes tellement déductifs que nous en oublions, voire effaçons, nos sensations du réel. Nous déduisons très logiquement nos évidences dans des interprétations que n'excusent que notre profond besoin de sens : plutôt capter un mauvais sens, voire un contresens qu'une absence, un "rien du tout". Mais au lieu de cueillir le sens à la source de la conscience, nous l'échafaudons de notre logique déductive et associative. Nous ne voyons toujours que ce que nous croyons. "Oui, la vie est belle et la nuit de l'âme est difficile", concluons-nous. Notre lecture de la réalité, infestée de nos certitudes, nous fait manquer le plus profond de nous-même où se trouve l'univers et les dieux. Pourquoi éviter de voir le monde qui est là ? Parce que son accès ne serait alors pas rationnel, pas logique donc pas raisonnable ? En effet, nous préférons le mensonge confortable à la réalité dérangeante. "Puisque tout le monde semble le penser, c'est que ce doit être vrai", semblons-nous conclure. Vivre dans l'erreur qui occulte serait-il devenu notre quotidien ? Alors que faire ?
Tout d'abord, il est utile de se poser, de faire silence et de se recentrer sur notre ressenti. Nous avons à reconstruire les bases de ce qui pour nous fait société, nous lie les uns aux autres, nous donne à nos yeux notre grandeur et notre unicité, nous installe dans notre environnement : nos valeurs essentielles dans un paradigme ouvert. Mais le nihilisme occidental a détruit ce qui nous servait de fondement, de sacré. Il existe des tribus où les gens se connaissent dans une relation sûre. Mais leur taille, leur dimension, est subtile, au sens de très petites, trop petites pour peser dans le réel. De l'extérieur, nous les apprécions ainsi insuffisantes, voire infimes. Il nous faut élargir l'espace de la horde, son environnement pour que leur réalité ait un poids suffisant pour exister, pour que nous puissions penser et représenter le réel dont nous avons tant besoin au delà de ces interconnaissances interpersonnelles. Il nous faut du sens et des mots, un récit qui nous dise ce que nous sommes ensembe, individuellement ou pas. Nous en manquons profondément. Nous en avons tellement besoin... Pourtant le néolibéralisme nous en a donné un, constitué d'individus consommateurs juxtaposés, concurrentiels et en compétition constante. Mais nous avons déjà du mal à y croire tant le système est en train de s'effondrer sous nos yeux. Alors, goulûment, nous gobons récits et légendes...
En effet, aujourd'hui, l'occident s'effondre. Plus rien ne fait peuple. Individualisme et nihilisme recouvrent sa surface jusque dans ses profondeurs identitaires. Il nous reste à repenser profondément les bases de ce qui nous fait société. Ce n'est certes pas un dénominateur commun qui surgira. Il nécessiterait un consensus. C'est plutôt un sens commun venu d'une autre dimension, peut être spirituelle, voire, pourquoi pas ici et pour nous-même, un humain universel de langue française ? Car la langue nous aide à penser, à structurer nos représentations et à fabriquer du sens, de la réalité, voire du réel à attraper. La langue articule le monde. C'est ce dont nous sommes actuellement "défunts", c'est à dire que la situation nous laisse sans fondement.
Il nous faut ancrer ce que nous sommes ensemble dans un plus grand que nous. C'est ce qu'ont fait les religions par le passé. Si les romains incorporaient le panthéon des vaincus au leur, c'était effectivement pour cela : faire peuple. Aujourd'hui le nihilisme creuse notre tombe sociétale. Plus qu'en occultant ce qui faisait société, il efface ce qui la fondait. Alors le peuple réclame ses légendes et ses traditions.
Pourrions nous repenser ce que nous sommes ensembe ? Bien des hypothèses sont possibles. Elles sont toutes à prendre en compte. Ainsi, nous sommes à même de nous poser quelques questions de fond : la matière est-elle la conséquence d'une pensée consciente comme nous le suggère la physique quantique ? Le "plus grand que nous" serait-il justement cette conscience qui trouve son universel dans les espaces énergétiques, vibratoires, qui occupent le vide universel, comme Tesla ou Max Planck en faisaient l'hypothèse ? L'Akasha est-il l'endroit éthéré de la mémoire de tout cela ? Ainsi, penser ce plus grand que nous en prenant en compte la dimension spirituelle, libérés de l'approche matérialiste mortifère à tout crin, s'offre comme un point de redépart. Pourrions-nous y penser sérieusement ?
Il est vrai que cette posture bouscule sérieusement et fondamentalement notre paradigme matérialiste occidental. Elle nous invite à un saut perturbant dans ce qui constitue notre conscience et nos connaissances... Il nous manque la perception de nos propres autocontraintes, celles que l'habitude ou l'éducation tracent dans notre mental. Combien d'animaux élevés en vases clos contraints ne s'éloignent plus de l'enclos où ils étaient enfermés, du plot auquel ils étaient attachés ? Serions nous les mêmes ? Voilà pourquoi le paradigme à vivre le monde par lequel nous avons été ''installés'', devient une prison intérieure. En effet, la première prison et la plus totalitaire, la plus sécuritaire, est bien celle que nous vivons de l'intérieur, que l'incertitude et nos peurs nous font défendre et aimer. Sortir de nos zones de confort a des limites certaines, inconcevables et tellement douloureuses.
Voilà pourquoi, sans même en prendre conscience, nous entendons la sagesse des stoïciens nous indiquer qu'au fond de nous se trouvent l'univers et les dieux. Ceci se situe au delà des oripeaux de notre "dressage social". Pour vivre libre, indépendant, en développement, en croissance et en avenir, nous avons à perdre le paradigme de notre formatage initial et savoir enfin profondément, librement et en conscience qui nous sommes. Cette liberté-là, personne ne nous la donnera. Nous en sommes les seuls ouvriers.
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