Je sais que je m'attaque aujourd'hui à un gros sujet, celui de l'amour. Savoir ce que c'est, ce qu'il est, de quoi il en retourne, de quoi il relève. Voilà autant de questions fondamentales. Partout nous voyons et assistons à des expressions d'amour et de besoin d'amour, de promesses en la matière. Mais qu'est-ce qu'aimer ? Qu'est-ce véritablement que l'amour ? Si l'on considère les expressions populaires, nous nous rendons rapidement compte que le langage, comme je l'ai déjà évoqué, donne une véritable structure à la réalité. Ainsi on ne prend pas d'amour, on le donne ou on le partage, alors que l'on prend du plaisir ou de la hauteur. On peut aimer comme on aime une orange et l'on comprend là qu'il y a bien deux dimensions contenues dans le même mot : apprécier et aimer. Il y a une différence reconnue entre "déguster" et aimer seulement. Il s'agit de la même différence entre la jouissance et l'amour, le plaisir et la "mission". Ce n'est pas une différence de degré, mais bien de nature.
Sur la toile, bien des textes en font l'apologie sans cerner vraiment ce qu'il en est ni donner une quelconque définition concrète susceptible de nous mettre d'accord. On trouve ce genre d'ode à l'amour aussi allégorique que généreuse et toujours sans apporter définition ni contenu pouvant poser un quelconque élément sur l'acception, ni même de description utile à la réflexion.
J'y ai lu ce texte généreux, plein d'émotion et de poésie comme : "Plus on donne d'amour, plus on découvre qu'il grandit ,qu'il nourrit, qu'il apaise, car le vrai bonheur est dans l'authenticité. L'amour est un souffle qui renaît à chaque instant partagé, un feu qui ne s'éteint pas car la sincérité le rend infini et chaque moment d'amour est une force nouvelle qui nous élève, qui nous inspire à donner sans compter, car c'est là que réside la vraie richesse. Quand on aime avec le cœur, chaque sourire, chaque geste simple devient une source de paix. Car l'amour pur ne connaît ni fin ni limite. La beauté de l'amour réside dans sa simplicité. Chaque instant partagé fait grandir notre âme, car aimer c'est se révéler. L'amour est une flamme qui ne s'épuise jamais. Chaque instant passé ensemble nous donne la force d'aller plus loin, car c'est là que se trouve la vraie lumière. Aimer c'est se retrouver dans l'autre, c'est grandir ensemble sans jamais se lasser. Car l'amour sincère est un voyage infini : plus on partage, plus on réalise que l'amour ne se divise pas ; il se multiplie et nous comble. Car la vraie abondance est dans le cœur. Chaque moment d'amour est une richesse une force qui nous remplit. Car donner rend notre vie plus lumineuse et plus profonde. Quand on aime pleinement chaque instant devient éternel, chaque regard un monde. Car l'amour sincère est un voyage sans fin." etc...
Il me revient avoir lu cette belle proposition de Paolo Coelho : "Aimer signifie être disponible pour les miracles, pour les victoires et les défaites, pour tout ce qui arrive durant chaque journée où il nous est accordé de marcher sur la terre."
D'autres auteurs, tout aussi lus et écoutés, comme Victor Hugo, ont fait des propositions stimulantes, comme : "L'objet principal pour lequel a été créé l'homme, son grand but, sa grande fonction, c'est d'aimer. Comprendre ne vient qu'après. L'homme qui n'aime pas est au dessous de l'homme qui ne pense pas. En d'autres termes, l'égoïste est inférieur à l'imbécile, le méchant est plus bas dans l'échelle humaine que l'idiot."
L'émotion qui s'en dégage fait certainement du bien au cœur mais ne dit rien de ce que c'est, rien à propos d'une quelconque définition de l'amour. Chaque texte que l'on peut lire sur le sujet relève de la même restitution d'émotion, du même type de ressenti, mais "raisonnablement" ne dit rien. Alors que pourrions nous dire sur ce qu'est l'amour ? Nombre de philosophies anciennes, orientales ou plus récentes comme dans le new-âge nous indiquent qu'il s'agit d'un mode relationnel productif, efficient et efficace. Voilà un premier embryon de réponse. Alors creusons ce point, si vous le voulez bien.
L'amour serait donc autant une posture active qu'un mode relationnel. Certains diront qu'il est bien davantage, comme une puissance créatrice, par exemple, un "bout" de la conscience universelle, un mode de confusion relationnelle absolue. Et là, nous disent les porteurs du sujet, il ne s'agit pas d'allégorie mais d'une réalité profonde.
Il s'agit d'un rapport à l'autre ou ce dernier est priorisé dans la relation. Il en est la cible, la destination. C'est très étonnant dans un monde néolibéral de prédation, concurrentiel et compétitif. Dès lors, ici, le mode relationnel donne la primeur à l'altruisme, à la bienveillance et à l'empathie. Le bien être de l'autre est l'objectif premier, fondamental, essentiel.
Déjà, à l'aune de ce premier aperçu, il est bon de revenir vers soi et de considérer si, à chaque fois que l'on pense aimer, c'est bien comme cela que ça se passe : sommes-nous bien en train de prioriser l'autre et ses conditions ? Dès lors, l'aimant est un serviteur de l'objet de son amour. De l'aimant à l'amant, il n'y a qu'un pas léger... Si l'émotion et le sentiment peuvent être des déclencheurs d'amour, ce n'est pas encore cela l'amour, mais le mode d'action relationnelle qui en découle. C'est bien ce que nous venons de percevoir.
Il y a donc un écart entre le sentiment d'amour et l'acte d'amour. Les chrétiens ont une définition sacrée de l'amour dans l'acte que pose leur "prophète-dieu" en donnant sa vie pour sauver du mal tous les humains. Si cet acte est pour certains réel et pour d'autres mythique ou allégorique, il en trace des contours précis, compréhensibles et imitables. On peut même imaginer cet acte reproductible : être prêt à perdre pour que l'autre soit ou aille mieux, ne peut laisser indifférent. Il ne s'agit pas du plaisir masochiste paulien et salvateur dans la souffrance si cher aux catholiques. Non, dans l'amour, il s'agit seulement d'être prêt à perdre pour l'autre, à donner. Le sommes nous ? Il n'y a là ni gain, ni honneur, ni quoi que ce soit à en tirer. L'amour n'est pas un commerce.
Nous voyons bien que dans ce cas-ci la balance entre le poids de l'autre et le sien dans la relation est par principe à l'avantage de cet autre sans lequel je ne suis rien. Les peuples premiers et comme l'a si bien répété Jacques Lacan, ne disent pas autre chose, sans pour autant en tirer les mêmes conclusions en termes de posture et de comportement.
Pour sa part, la science, pour penser le monde et sa réalité, convoque le hasard, l'idée prépondérante de la matière et sa mécanique. Pour ma part, vous comprendrez que je retiens m'appuyer sur l'étude de la conscience, de la puissance des pensées et des émotions, ce que font ainsi "croire" et "aimer".
Si croire ouvre la voie à la construction de nos réalités, puisque je ne vois que ce que je crois, cette réalité intime, comme l'ont évoqué nombre de sagesses anciennes et actuelles, est la puissance créatrice dont nous usons même à notre insu. Ces sagesses nous disent que bien de nos maladies et de nos guérisons relèvent de ce phénomène de croyance. Les nets et beaux exemples en sont les effets placebo et nocebo. Croire est créateur, transformateur, réparateur. J'ai déjà relaté plusieurs exemples sur ce phénomène.
Pour sa part, l'amour n'est vraiment pas un marché. Nous ne confondons pas "jouir de" et aimer. Ainsi, on n'aime pas pour se sentir bien mais parce que l'autre se sent bien, voire mieux. Nous comprenons que cette posture est aberrante dans le monde moderne néolibéral. "Tout ce que vous faites aux autres, c'est à vous et à l'univers que vous le faites", nous indique la pensée bouddhique. Ainsi, "tout ce que vous faites au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites", reprenait un certain Joshua, plus connu sous le nom de Jésus. Voilà pourquoi nous savons utiliser l'expression "donner de l'amour". L’expression qui consisterait à dire "prendre de l'amour" n'a aucun sens, à tel point que ça n'existe pas. Je ne peux m'empêcher de penser à la fourmi de dix-huit mètres et autres, chère à Robert Desnos … Soyons réalistes !
Lire aussi : "Aimer et être aimé"
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