Le concept d'âme est culturellement réservé, voire attribué, au champ du spirituel et du religieux. Pourtant, comme le donne son étymologie, elle est ce qui anime la personne, ce qui la conduit dans le champ commun des humains et de la nature. Nombre de cultures l'associent au souffle, celui qui donne la vie, qui l'insuffle. Dans la culture chrétienne, elle est l'immatériel de la personne. Et comme l'exprime François Cheng, elle est cette intelligence du cœur distincte de l'intellect. Mais qu'est-ce que l'âme au delà de l'acception grecque ancienne, ce qui "anime" la personne humaine ?
Nous faisons très habituellement une confusion entre l'âme et l'esprit. D'ailleurs bien des définitions que l'on retrouve dans les ouvrages dédiés alimentent cette confusion. Je repense à ces publications qui nous indiquent que l'âme est une activité psychique qui relève des états de conscience de la personne. Il s'agirait alors d'un ensemble de dispositions intellectuelles, morales, affectives qui forment nos individualités, notre moi profond, esprit, intellect, cœur, conscience sans jamais en donner de définition.
François Cheng, dans son ouvrage "De l'âme" fait clairement la distinction entre cognition intellectuelle, rationnelle et intelligence du cœur. Si l'on parle aisément d'état d'âme, c'est que la dimension émotionnelle habite profondément l'impression que l'on en a. Nous ne savons pas bien en parler, mais nous convoquons facilement le concept pour dire ce que l'on ressent. A partir de là il devient possible d'excuser certaines prises de position jugées peu rationnelles et pourtant indispensables, incontournables, sinon inévitables. "Je ne le sens pas ! Je m'y sens si bien...". On évoque ainsi l'âme du lieu, d'une population, d'une profession, d'un moment, même...
Il est entendu et largement partagé que la dimension de l'âme fait l'économie de la raison pure et convoque l'idée de "mise en action" de la personne. Cela revient, et correspond, en d'autres termes, à la raison d'être de tout un chacun.
On rencontre assez facilement l'idée que le siège de l'âme serait le cœur, là où naissent et vivent nos émotions. Cette âme là représente l'essence de la vie et c'est elle que l'on voit quitter le corps quand la mort survient. Mais cela ne nous dit toujours pas ce qu'elle est...
Dans les sagesses anciennes et actuelles, nous voyons qu'elle est le plus profond de la personne, son essentiel, son identité réelle. Elle n'est donc pas une démarche de raison, mais plutôt la vie de nos émotions, l'expression de notre essence profonde, ce qui fait que "ça vit" ! Ne parlons nous pas de "soul music", la musique de l'âme, champ essentiel de l'émotion irrationnelle ? Je propose que nous gardions en tête cette image parlante : l'âme est ce qui s'exprime avec tant d'émotion dans l'irraisonnable, comme dans l'art, l'amour, la passion.
Et s'il s'agissait là de notre moi profond, de notre essence véritable, de la réalité exacte de notre moi ? Porteuse et creuset de notre raison d'être, l'âme nous conduit immanquablement vers notre finalité émotionnelle, intuitive, là justement où le cœur a des raisons que la raison ignore. A l'instar de la pensée bouddhiste disant que chaque personne est une goutte de l'océan et que chaque goutte contient tout l'océan, chaque âme apparaît comme une parcelle de la conscience universelle que d'aucuns nomment dieu. Elle est les émotions qui fondent le monde.
Je repense aussi à l'Ikigaï qui est une notion philosophique si importante et fondamentale pour nombre de japonais. Elle est à la confluence de ce que l'on aime faire, de ce que l'on sait bien faire, de ce qui est utile à tous (et dont le monde a besoin) et enfin de ce qui nous permettrait d'en vivre (question d'équilibre). L'Ikigaï n'est pas l'âme mais pourrait en être le symptôme, l'expression de son efficience en nous : ce qui fait que nous nous socialisons, et de fait ce que nous faisons de notre âme. C'est d'autant plus vrai que la première condition est émotionnelle, affective : il s'agit de ce que l'on aime faire. Ainsi, l'Ikigaï apparait comme l'organisation rationnelle de tout ce qui vient de notre âme pour nous installer dans la vie sociale. Je pense ainsi à la compassion, à l'amour des gens et du travail bien fait dont le siège est au plus profond de nous-même, dans notre cœur, siège de nos émotions. La boucle est bouclée !
Mais, j'ai aussi entendu que prendre soin de notre âme consisterait en une activité psychique dans certains états de conscience lesquels formeraient notre individualité, notre moi profond comme l'esprit, l'intellect, le cœur ou la conscience. Ceci m'apparaît comme un véritable mélange des genres. Nous avons vu qu'il n'y a pas de démarche intellectuelle dans les activités de notre âme. Voilà qui indique combien l'idée de l'âme est complexe pour qui voudrait comprendre intellectuellement l'approche, mais, en même temps, bien moins compliquée aux cœurs qui l'accueillent.
Ainsi, notre âme est ce qui, au plus profond de nous, au plus juste et au plus vrai, pousse nos actions, nos combats et nos batailles. C'est ce qui m'anime sans stratégie, sans choix ni décision, juste avec force, émotionnellement, parce que c'est profondément moi. L'âme est seulement ce qui nous "tient à cœur" au vrai sens du terme.
Et si, comme le suggéraient Nikola Tesla et Albert Einstein, tout ce qui est vibre dans une fréquence donnée. Alors tout ce qui possède la même fréquence, voire est en harmonie, se met à vibrer de concert, résonne et converge. Toutes fréquences sont lumières et sons jusqu'à la matérialisation. Mon âme résonne donc avec tout ce qui est du même ordre de fréquence. Ainsi, tout ce qui vibre à l'unisson de mon âme, me renforce, me comble, me réalise. Ses activités sont la contemplation et l'intuition. La puissance du verbe est donnée par la force de l'âme par son souffle de vie conférant émotions et convictions. Si l'on ajoute à cela la vibration de la voix, la puissance devient manifeste, irrésistible.
Si d'autres cultures évoquent le fait que la totalité de la lumière est le grand tout que d'aucuns nomment dieu, cette lumière infinie va être ce fond sur lequel se "dessinent" les objets : il s'en détachent et ainsi nous les voyons (et ce, tout en sachant que le fond est dans l'identité de la chose). Alors cette conception propose que l'objet, ainsi révélé a la dimension physique de l'objet, est la part divine, de lumière, qu'ils nomment "âme". Voilà une approche très rationalisée d'un conception spiritualiste. Elle relève du ressenti, de l'intuition et de l'émotionnel. On pourrait donc aussi la nommer "le cœur". L'âme apparaît donc comme la vie du cœur, son expression.
Il me semble que là où l'âme se manifeste le plus clairement est dans l'amour et la compassion, dans l'altruisme ou l'art. L'âme m'apparaît donc comme le cœur de nous même, au sens propre comme au figuré. Elle en est son intelligence car il est un temps où ressentir supplante toute activité intellectuelle. C'est ce que nous appelons "l'âme humaine", voire ce pléonasme "l'âme des poètes".
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