Nous avons l'habitude de penser que l'être qui nait, et ce dès l'origine, vient au monde avec des caractéristiques et des capacités latentes. Ces potentialités, il les développera ou non, et pourra les utiliser, ou pas. On ne peut jamais savoir de quels atouts l'individu est pourvu, sinon en le voyant agir, faire et évoluer. Il en est ainsi des enfants autistes, hyperactifs, trisomiques, créatifs ou surdoués. L'environnement constitue ensuite un deuxième déterminant. Si l'enfant est élevé par des loups, il sera loup, comme cette jeune fille retrouvée après des années passées parmi ces bêtes. De retour chez les humains, elle dormait dehors, lovée sur elle-même, comme dorment les loups. Elle n'a jamais parlé ni pu se tenir debout. Elle est décédée à 17 ans, l'âge moyen de vie des loups. L'environnement, dès le plus jeune âge s'avère essentiel. Je ne reviens pas sur l'expérience interdite où des bébés privés de relations affectives et émotionnelles moururent.
On dit que les oiseaux identifient comme parent la première entité qu'ils voient en sortant de l'œuf. L'expérience a été menée avec des petits robots que les poussins suivaient dès leur naissance. On sait que l'évolution d'un être dépend, comme pour les arbres, de leur environnement. Ainsi, nous ne sommes pas comme la graine qui "contient" ce que sera la plante, mais seulement une potentialité qui prendra forme ou pas selon son expérience, selon son chemin dans un environnement distinct et particulier.
Le second moteur qui nous mène, et nous guide, est constitué par l'ensemble de nos sensations associées à nos sentiments. La peur, la colère, la honte et la fierté sont des moyens pour nos ouvertures, blocages et contraintes. Ce sont ces moyens que les puissants, et les gouvernants de nos sociétés, appelées néolibérales, utilisent pour focaliser notre attention. Ils nous amènent à obéir et à nous soumettre pour accomplir “volontairement” les actions "convenues" par les premiers. Ainsi débute l'auto censure.
Cependant si l'amour, la paix, la joie animent la personne, alors les connaissances, la lucidité et le libre arbitre deviennent les pleines sources de ses pas. Notre problème de fond est que nous sommes la plupart du temps partagés entre freins et moteurs, entre douloureux et bons sentiments, entre le positif et le négatif : pulsions contradictoires, certes. Reste à nous installer dans ce qui est bon pour nous-même et nous tous : l'amour, la paix et la joie. Mais ce n'est pas toujours le cas.
C'est bien notre âme, habitée de sensations et de sentiments qui dirige nos vies. Elle colore, conditionne et reconditionne notre environnement. Celui-ci n'est ainsi vécu que par ce que nous en ressentons. De fait, le monde est neutre, ni bon ni mauvais pour nous. Ces qualificatifs arrivent du plus profond de nos tripes, juste après le jugement que notre mental a porté.
Si nous ne ressentons rien à la traversée d'un événement, à l'approche d'un fait ou d'un objet, à la rencontre d'un quidam, alors, et à la limite, il n'existe même pas. Ces éléments n'auront aucun impact sur nos vies, puisque nous n'avons, à partir de là, "construit" aucune sensation. Nous sommes, dans ces conditions, dans l'incapacité de ressentir quelque sentiment que ce soit. Ainsi ni notre potentiel qualitatif, ni nos compétences ne s'éveillent, ni ne s'activent.
Quand nous fuyons ou évitons des situations car nous les pensons douloureuses, trop difficiles ou contraires à nous-même, alors nous les faisons exister là, dans nos vies. Je repense à l'expression de Carl G. Jung : "Ce à quoi je résiste persiste". C'est donc le sentiment qui nous rend vif ou atone, fort ou faible, devant les faits de la vie, les forces sociales et de la nature. Or, les sentiments et sensations nous sont propres, et spécifiques. Nous avons totalement la main sur eux, sur leur réalité et leur développement. De fait, tout le bonheur du monde dépend de ce que nous nous donnons de résonnance en sensations et sentiments à ce qui se présente à nous.
Si je suis en paix et donc n'ai peur de rien, alors le monde sera tranquille. Si je crains, me cache, fuis et me défile, ou me méfie, alors le monde sera dangereux jusqu'à l'insuportable. Parce que je suis maître de mes sentiments, maître de mon cœur, je suis aussi maître du monde dans lequel je vis. Le danger ne vient pas de l'extérieur mais de l'intérieur de moi-même par la lecture que j'en ai. La paix et la sécurité aussi.
Si je me heurte les doigts avec l'outil que j'utilise, il s'agit d'un accident. Je n'en suis pas plus affecté que la douleur que je ressens ni de la blessure que je constate. Je sais que plus je refuse la douleur et plus elle augmente, comme le remarquait Jung. C'est aussi là une des premières chose que la méditation nous aide à percevoir. C'est la vision que je projette en termes de conséquences de la blessure qui m'inquiète, et non pas la blessure elle-même ! Dès qu'elle est là, je sais que, désinfectée, elle va déjà vers le mieux et vers sa disparition. J'ai donc plus à craindre de mon mental que des faits eux-mêmes.
Si je projette sur la représentation de ma vie les compétences requises, je les ai déjà. Si je projette des incompétences, alors je les ai aussi. Succès et échecs sont avant tout dans mon regard, dans ce que j'imagine de moi dans la situation. Si je pense un échec comme une fin ou une calamité, il le sera. Si je pense, comme dans l'usage de la langue japonaise, que l'échec est une opportunité, il le sera aussi. Quand ma fille me disait : "Papa, tu m'énerves !" je lui répondais que ce n'était pas moi qui l'énervais mais elle qui s'énervait à mon propos. Vous imaginez alors sa réponse quand je me suis surpris à lui dire : "Tu m'agaces !"...
Nous sommes effectivement les créateurs de nos mondes ! Nous sommes les dieux bienveillant ou malveillants de nos propres vies parce que le divin du monde sont nos sentiments.
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