L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " (JMS) Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision au plus profond de moi même sur l'être et l'univers. Profitez et participez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

La vérité ne serait-elle qu'une croyance ? (18 06)

La notion de vérité vient de l'idée d'une adéquation entre le propos sur les choses et la consistance des faits. Cela sous-tend que la réalité serait en soi préexistante à ce que l'on peut en penser et en dire. En d'autres termes, il y aurait une chose en soi avant qu'elle ne soit "pour soi". Ainsi, il est loisible d'affirmer que la vérité réside dans l'adéquation et la superposition de ces deux types de réalités. La  chose serait d'une grande simplicité, si la réalité en soi était là. Mais depuis Lacan et les constructivistes, nous avons compris que ce que l'on nomme “la” réalité en soi, chère à Bergson, ne serait encore une fois, qu'une idée que l'on se fait du réel.

Nous savons qu'il n'y a pas de vérité absolue et que celle-ci, socialement, dépend alors du seul discours repéré, référent, qui prétend en rendre compte. Ainsi la "vérité" résiderait dans un discours "dominant" en l'espèce la réalité, c'est à dire en donnant, voire en y apportant le sens. Par cela, celui-ci constitue un jalon, un repère, fondant simplement la consistance d'un points de vue (et c'est tout !). Ce discours, ce récit, ce propos, prend alors la fonction d'étalon de vérité. Longtemps, la croyance chrétienne a culturellement joué cette fonction. Puis ce fut la rationalité qui en tint lieux et fait place et aujourd'hui à de simples et ordinaires récits dominants qui suivent des intérêts et tentent d'être dominants pour tenir ce rôle de repère laissé vacant et assurer la fonction référente à des fins diverses. 

Malheureusement, cette fonction ne tient plus, car le système de références, dans ses évolutions s'est trouvé disqualifié : le pilier réputé fondateur et source de croyance s'est effondré. Il s'agissait de l'humain fils de dieu : celui de l'humain est devenu dieu par la raison. Et l'enchaînement devient inéluctable, De matérielle, la raison se fit le matérialisme lui-même. Ce récit constituait le critère de vérité en tant que références sociales parce que sociétales et partagées. Aujourd'hui, le pilier n'est plus qu'un propos, un récit fondé sur des intérêts, des opinions ou croyances communes, mais uniquement dans des groupes sociaux distincts et particuliers, qui échappent donc à cette dimension d'universalité. Tous ces récits multiples, et multipliés, sont désormais en concurrence. Ceci a dramatiquement crevé les yeux lors de ladite pandémie sanitaire où un propos dit scientifique venait abolir toutes autres pensées ou hypothèses. Celui-ci s'effondre actuellement. Le peuple n'est ni idiot ni dupe...

Ainsi, même si l'on sait comment marche une vérité sociale, nous avons toujours du mal à dire dans l'absolu ce qu'est la vérité, ce qui la fonde et la garantit au milieu des guerres concurrentielles que se livrent les récits émanant d'idéologies diverses. Dans notre monde occidental, par exemple, je pense à l'islam politique, au christianisme fondamental ou catholicisme traditionnel, au wokisme, à la cancel culture et à bien d'autres. Alors, la vérité, comment ça marche ?

Bien souvent la vérité se cache derrière deux paravents in-vertueux : l'opinion et le point de vue. L'opinion est le résultat, comme son étymologie le suggère, d'affrontements entre nos sentiments, et l'on finit toujours par penser que... Le point de vue, comme les mots l'indiquent, représente ce que l'on perçoit depuis sa place, depuis sa position. Il s'agit là de déductions rationnelles. Aucun de ces deux paravents n'est une approche de la vérité. Elles en donnent des images, des aperçus, des artefacts. La première notion, l'opinion, apparait depuis ses propres croyances (même si elles sont partagées dans diverses collectivités), la seconde, le point de vue, se construit depuis sa raison, son raisonnement sur des représentations sociales à l'aune de principes sociaux locaux.

Ainsi, on peut se demander si ce ne serait pas ce type d'observation qui aurait dicté à Platon le mythe de la caverne où toute réalité ne serait que l'ombre projetée d'un réel bien "ailleurs". D'ailleurs, penser, selon l'approche constructiviste, ne serait-il pas un acte de mise en réalité ? En effet, tant qu'une chose n'est pas pensée, nous propose cette approche, elle n'existe pas, ni en soi, ni pour nous. Ici, "être" est uniquement dans le verbe.

Nous savons aussi qu'il n'y a pas de vérité hors d'un contexte qui la fonde. Comme la phénoménologie husserlienne de la perception, il s'agit toujours d'un objet sur son fond, et sans le fond, il n'y a pas d'objet repérable. Sans objet, le fond d'ailleurs, ne sert à rien. Ce que l'on pense être la vérité est l'idée d'un invariant aussi indétrônable que deux et deux font quatre. Nous savons aussi que tout dépend de la base sur laquelle on s'articule. Il y en a où deux et deux font 22 et d'autres ou cela fait 20, voire 11 ou autre chose encore. Donc, même d'un point de vue mathématique, l'idée d'invariants référents reste aléatoire, instable et dépendant de la base de référence, c'est à dire l'environnement, ou le contexte, notamment....

Pour sa part, la physique newtonienne repose sur un certain nombre d'invariants, comme la vitesse indépassable de la lumière, le principe d'inertie, les principes d'actions réciproques. L'argument vaut pour la gravitation, le rapport de masses de Planck, le principe d'invariance de Weyl et Wigner, etc... Nous savons, par exemple, que le biologiste Rupert Sheldrake a remis en cause l'invariabilité de la vitesse de la lumière. Dès lors le référent tombe : l'invariant cesse de l'être. "C'et vrai, répondirent des scientifique à Sheldrake. Nous avons donc fait une moyenne" et ils ont poursuivi leur route sur le même paradigme qu'ils savaient ne plus être valable... La croyance a une puissance insoupçonnée dans la vie de la raison.

Nous savons aussi que les lois que nous voyons dans la physique de l'immensément grand sont incompatibles avec l'étude du microscopique, et moindre encore. D'où la conception d'une physique quantique pour étudier et comprendre les microcosmes. Nous savons aussi que "les lois de la nature sont celles que la culture lui trouve", comme l'indiquait le psychosociologue Serge Moscovici.

Décidément la vérité ne peut pas s'appuyer sur des repères invariants d'une réalité donnée. Le principe même de vérité absolue se dissout dans des calculs contradictoires et opposés. Alors s'invite l'hypothèse d'une vérité relative, dépendant autant de l'environnement que du sujet qui la constate. C'est bien là un tout autre principe que nous propose la physique quantique.

Si le symbole de la vérité est le miroir (comme l'illustre le conte de Blanche Neige), le mythe de Narcisse et l'histoire qui le raconte, le décrit, et le déroule. Cela nous indique que le fait que Narcisse ne se rend pas compte que le visage qu'il contemple dans l'eau est le sien. Cela nous dit que la vérité est directement liée à une question de conscience. Ce n'est pas tant la chose montrée qui nous importe mais le sens que nous lui trouvons. Ainsi, nous revoici avec Marc Aurèle et les Stoïciens... 

Par ailleurs, Socrate disait que tout ce qu'il savait était qu'il ne savait rien. Au cœur de la vérité, du moins de sa recherche, se trouve le doute, un doute fondamental qui devient le garant de cette vérité cherchée. On retrouve ici  le fondement de la recherche scientifique où ce qui est acquis ne l'est que jusqu'à la preuve du contraire ou de la différence.

Dès lors ce n'est pas le but (la vérité) qui est le moteur de notre recherche de "la réalité du réel", mais la démarche, le chemin de doute, la méthode perceptive et réflexive. Cependant, la vérité concentre en elle symboliquement l'idée d'une certaine densité qui, au cœur de nombre de cultures, confère à la réalité une force suprême, inaliénable, inarrêtable et indestructible. Elle est colorée d'une certaine dimension d'absolu. Il y a quelque chose de la représentation divine, de l'immanence du réel, et d'un lien avec la transcendance. Il me semble que c'est en cela que, dans nombre de cultures, la recherche de la vérité devient à certains égards un absolu, et s'apparente à une démarche fondamentale. 

En effet, si le doute est son outil, alors ce n'est pas la vérité elle-même qui serait fondamentale, mais sa simple recherche. Ainsi, la vérité devient, à l'instar de l'horizon, une visée, une finalité qui recule encore à chaque fois que nous avançons vers elle. La vérité, dès lors, ne se révèle pas. On en entrevoit seulement les symptômes : elle se cherche. Ici encore, ce n'est pas le but qui compte, mais le chemin, à la seule condition qu'on l'ait une foi déterminée vers le but recherché.

Pourtant, un proverbe africain nous dit que si le mensonge prend l'ascenseur, la vérité prend l'escalier et finit toujours pas arriver et restaurer le vrai, lequel triomphe toujours. Depuis quatre mille ans, quand l'occident recherchait la vérité, l'orient cherchait la sagesse. Quand l'occident fondait les mathématiques pour mesurer et comprendre le réel, l'orient développait l'approche intuitive dans la méditation vers la prise de conscience de ce qu'est le réel, de ce qui est. Quand l'occident développait une approche matérialiste qui donna naissance à l'approche scientifique par le chiffre, l'orient développait la conscience et l'intuition pour ce faire. Aucun des deux n'est la juste démarche et donc ne détient la vérité, mais seulement dans la dimension qui lui est propre. Ceci valorise la fonction du récit parce que celui-ci permet l'attribution d'un sens.

Dans le bon sens populaire, comme l'indique une de ses croyances, il suffirait de voir le réel pour accéder à sa vérité. Comme le disait l'apôtre Thomas à son maître Jésus : "Je ne crois que ce que je vois !". Ce à quoi la sociologie clinique ou la psychosociologie lui répondent : "Tu ne vois que ce que tu crois !". D'où l'assertion de Saint-Exupéry : "L'essentiel est invisible aux yeux". Ce n'est donc pas  un simple aphorisme ni une allégorie ou une image poétique, mais un fondement, un sacré...

De fait, la vérité réside dans notre regard, dans notre façon de faire dans la considération des choses du monde, et notre capacité à les identifier, à les nommer ou pas. La vérité ne serait alors qu'une illusion du réel, lequel est in-attrapable, inexistant. D'ailleurs, exister ne serait que la construction idéelle d'un objet par un sujet qui le regarde, avec ses références et ses représentations (son critérium, disait Schopenhauer).

Cependant, ce n'est pas parce que la vérité est incertaine que le mensonge n'existe pas. Ainsi, tout ce que vous faites hors de votre propre éthique, loin de vos propres valeurs, est un mensonge, et nous savons le mensonge destructeur. Ce qui est premier est donc la valeur, celle qui fonde notre regard, nos pensées et nos actions. Gardons en conscience cette valeur de vérité. Elle nous sera toujours quelque part utile.

Ce n'est pas parce que le réel est un inaccessible, dans la mesure où il se situe hors langage, donc non inscrit en lui et dans notre réalité, qu'il n'est pas. D'ailleurs, qu'est-ce qu'être ? Pour soi ou en soi ? ... Les deux ou ni l'un ni l'autre, parce qu'il ne s'agit là que des hypothèses de notre conscience. Par ailleurs, le proverbe latin "In vino veritas" (la vérité est dans le vin) doit bien avoir quelques fondements. On dit bien que l'homme ivre ne cache plus rien de sa pensée ni de sa réalité ni de ce qu'il est au fond... Ce que l'école de Palo Alto nous a fait savoir est que tout ce que l'on voit dans le monde, dans la réalité, n'est qu'une projection de ce dont nous avons conscience, ou connaissance. Ainsi, la vérité que nous voyons dans le monde, ou que nous exigeons de lui, n'est jamais qu'une projection de notre propre croyance,  de notre conscience et de nos représentations. Tous ces phénomènes se passent pour nous en toute inconscience, transparence et sincérité

Finalement, nous pouvons dire que la seule vérité qui soit est un "dit", un "représenté sincère", un conscient, absent de nos propres mensonges. Ceci réclame notre propre absence d'intention de dissimulation et d'intérêt en dehors du bien, du beau, du bon. Alors, la vérité est-elle un objet inaccessible, éphémère ou intemporel, ou un simple concept pour un sujet pensant et projetant ses représentations ?... 

En attendant nous avons compris qu'elle n'est pas son objet ni son contenu, mais bien une "conscience", ou une construction, dépendante d'une éthique présente, d'un propos formulé, d'un récit dans une posture sincère du sujet. Faisons l'hypothèse d'un univers "puzzle énigmatique" produit par nos représentations dans le virtuel de nos consciences. On va retrouver là quelque chose de l'ordre de la croyance, du reconstruit. Il me semble que c'est là toute la dimension de notre propre mystère.

Nous gardons en mémoire le fait que pour qu'un regard ait du sens, il lui faut une pensée, une raison, un fondement qui le porte. Ensuite, tout le reste va de soi...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 18 juin 2024

Lire aussi : " L'illusion de la modernité est l'individualisme matérialiste " 

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