"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

De l'invasion des migrants vers quel grand remplacement sociétal (21 05)

Les mots de ce titre sont forts et ces mots font peur à qui ne les déconstruit pas. Ils semblent d'ailleurs avoir été choisis pour ça : faire peur et susciter des réactions attendues. De fait la peur est mauvaise conseillère et produit toujours des réactions néfastes, pouvant même aller à contre sens. Mais que nous disent ces mots ? Qu'il y a d'une part des étrangers qui menacent notre terre de civilisation et que d'autre part, du fait de leur nombre, ces migrants produiront un grand remplacement civilisationnel. Corrélativement, il est rappelé à l'envie, que ce phénomène est historique et se répète de civilisation en civilisation. Mais revenons sur le sens de nos peurs...

Il me revient que chez les romains, l'étranger était un barbare. Il était ainsi nommé pour signifier qu'il n'était pas romain. Pour certains il représentait en effet une menace pour l'empire. Mais souvenons nous qu'à l'époque romaine, lesdits romains ne connaissaient pas les limites de leur empire. La notion de frontière en effet n'existait pas. Par ailleurs nombre d'empereurs romains étaient des barbares, en l'espèce des gens venus d'ailleurs. Je pense à Septime Sévère qui fut empereur romain de 193 à 211, bien qu'il soit né sur les côtes de l'actuelle Libye. Je pense aussi à Flavius Stilicho, dit Stilicon, né vers 360 près de Constantinople, et mort le 22 août 408 à Ravenne, il fut lui-aussi empereur romain de 379 à 395. Etc.

Ainsi, un citoyen né en dehors de l'empire romain pouvait accéder au "cursus honorum", c'est-à-dire à la magistrature. Ce fut, et c'est un autre exemple, le début de la dynastie des Sévères à compter du troisième siècle. Je pense aussi à Scipion l'ancien, dit aussi l'africain, qui vainquit Hannibal, etc... Et la liste n'est pas exhaustive.

Je pense aussi à tous ces termes locaux désignant l'étranger, comme "gabatch" en catalan, "gadjio" chez les manouches ou encore "aubain" en notre moyen-âge, et plus récemment "allogène" ou "aulochtone", désignant une personne ne faisant pas culturellement ni identitairement partie du groupe et avec lequel, par définition, ceux-là n'ont rien en commun. 

Il faudra attendre la philosophie des lumières pour considérer une base commune à toute personne humaine, revenant ainsi à de lointaines sagesses transformées à dessins politiques, comme le christianisme passant de la valorisation du partage et de l'altruisme à la rédemption par l'obéissance et la souffrance.  On a largement dépassé ici le seul glissement sémantique !

Si chaque groupe se pense des origines singulières, chacun se sait étranger des autres dès lors qu'ils le lui manifestent. Ainsi, bretons, chtimis, gascons, arvernes, basques, corses et catalans (etc.) devinrent indifféremment peuple français dès lors que, sous l'impulsion de Jules Ferry, ils lâchèrent leurs "patois" pour le français. Il ne s'agissait donc pas d'une quelconque acculturation ou intégration, mais d'une soumission-assimilation à la culture locale dominante. Pour souvenir, Dante Alighieri écrivit son œuvre en italien, son dialecte florentin natal, car il ne parlait ni ne pratiquait l'occitan, la langue littéraire de l'époque. Il donnait ainsi ses lettres de noblesse au florentin, dés lors devenu l'italien.

On peut en déduire que chaque langue, chaque culture, est un dialecte d'une autre culture. Des mots arabes occupent la langue française depuis le moyen âge, période où les maures musulmans commerçaient dans le sud ouest et guerroyaient dans le sud-est. Ce sont eux et les disciples d'Averroès qui apportèrent en Occitanie les connaissances philosophiques autour d'Aristote, de Platon et de Socrate.

On constate que chaque culture, chaque civilisation est la fille d'autres, comme notre civilisation occidentale est la fille de l'empire romain en droit, structure et finalités, comme elle est aussi la fille de la culture gréco-arabe en termes de philosophie et de mode de pensée, laquelle est pourtant si proche de la pensée indoue...

Finalement, l'apport de nos visiteurs du soir peut se résumer à un partage critique de manières de voir le monde et de se voir dans ce monde. Elles dérangent la tranquille centration d'une culture pensée ancienne et première. Néanmoins, le pire n'est pas l'arrivée de nouvelles cultures mais la révélation de l'absence de fondements réels à sa propre culture, supposée ancienne, solide et éternelle.

Par ailleurs la rhétorique guerrière, quant à elle, relève de ce seul l'intérêt d'y avoir quelque chose à perdre et à défendre. Or, il ne s'agit là que de biens communs, issu de mixs, de pollinisations et d'hybridations continues. Ainsi, la culture chrétienne de l'empire romain, celle construite par l'empereur Constantin autour du concile de Nicée, n'est jamais qu'une reconstruction politique de l'idée que se faisait Saul de Tarce de cette religion araméenne, descendante de la culture essénienne. Elle venait de Mésopotamie, élaborée lors de l'exil des juifs à Babylone. L'histoire est enchevêtrée et bien loin d'être simple et courte...

Alors, que défend-on lorsque l'on veut préserver une religion, une culture locale ? ... sinon l'hybridation d'un hybride d'autres cultures qui les ont précédées ? On ne défend jamais que l'idée que l'on se fait de cette culture et non la culture elle-même toujours en mouvement et en mutation...

Mon ami et relecteur Jacques, partenaire de mes réflexions, me rappelait ce conte des Gremlins de Joe Dante en 1984. Celui-ci nous montre combien nous attribuons à l'étranger les raisons de nos dysfonctionnements. Il devient la matrice de nos peurs et nous indique combien nous sommes coupables des turpitudes dont nous les affublons. On retrouve bien ici celles que nous leur attribuons et que nous nous condamnons à les perpétuer. Le mythe du yucca venu de l'étranger avec sa mygale mortelle dans sa motte de terre relève de la même pensée : la mort et les périls viennent de l'étranger, lequel est porteur de tous nos maux.

L'image que nous avons construite de nos migrants sont ces Gremilns du conte de Joe Dante dont l'origine réside dans une représentation écossaise populaire chez les premiers aviateurs. Il s'agissait de petits être facétieux qui mettaient les avions en panne. Comme plus tard dans le film de Dante, leurs singularités sont celles que nous projetons sur eux. Nous ne sommes effectivement pas prêts à accueillir ces Gremlins aux capacités de mutations totales, tout comme nous sommes les producteurs de ces créatures que la lumière révèle et détruit. On retrouvera bien ici l'idée de la sagesse, celle qui justement les fera définitivement disparaitre à jamais. 

Il me semble bien que tant que nous aurons peur de ces étrangers, nous les maintiendrons dans une posture de défense. Celle qui, de fait, les radicalise en, justement, ce dont nous avons peur... Quand notre sagesse sera assez lumineuse, alors les douleurs et furieuses peurs que nous aurons générées à leur propos se dissoudront dans la lumière d'une sagesse retrouvée...

C'est bien parce que nous avons perdu le cœur de notre culture que nous nous enfermons dans une prison qui se veut sécure et dont les murs nous enferment. On retrouve là les frontières au delà desquelles nous bouterons l'anglais hors de France... Une culture défaillante est faite de peurs quand une culture forte semble plutôt construite sur des valeurs, comme l'humanisme, la bienveillance et l'amour de l'autre. Tiens, n'était-ce pas cela le cœur des évangiles, de la culture du fameux Joshua, dit Jésus ?

L'auteur de l'universel et grandiose "petit prince", Antoine de Saint-Exupéry, nous a laissé en héritage cette fabuleuse assertion : " Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis ! " Je souhaiterais bien que ce petit ouvrage devienne le fondement de notre large culture, jusqu'à l'universel. Alors, nous repensons à Camus et à cet "Etranger" si précis et si peu singulier.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 21 mai 2024

Lire aussi  " La philosophie de la nouvelle auberge "

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