Je développe ce propos aujourd'hui car je me reconnais cette propension à vouloir toujours, et depuis bien des années, comprendre et ressentir le monde pour le dire. Je pense à toutes ces postures qui consistent à contempler, méditer, ressentir ce qui se passe sous nos yeux et le donner à voir clairement. Ce sont peut être là les verbes de ma vie. Il y a tout d'abord cette sensation du réel que la raison peut mettre en mots. Il s'agit là d'un passage de l'intuition au mental. Sans les mots, il n'y a que l'expression artistique qui soit capable de transmettre des émotions, de les faire résonner dans le cœur d'autres personnes.
Si l'émotion est la vie, la raison est son récit. On peut aussi dire avec Jung, que le psychopathe est celui qui a peur de ses émotions parce qu'il ne les maîtrise pas et donc il s'en coupe de manière à maîtriser "le cours de sa vie", ce dont il s'est coupé... Il s'agit bien là d'un paradoxe ! Alors les mots pour le dire s'adossent aux propos et parcours d'autres qui ont marché devant, qui nous ont précédés. C'est ce que l'on appelle s'asseoir sur les épaules des géants qui nous ont devancés. Je pense notamment à Nietzsche quand il a écrit que "Ce n'est pas le doute qui rend fou mais la certitude." On peut remarquer qu'il fut assez bien placé pour le dire.
Je continuerai donc mon propos sur ce modèle... Il y a une pensée bouddhiste qui nous invite à considérer que l'on ne peut pas revenir en arrière et changer le début d'une démarche, d'un parcours, d'une aventure, mais que l'on peut partir de là où l'on en est et changer la fin. Voilà une posture pratique, simple à envisager, relativement facile à mettre en œuvre si tant est que l'humilité nous accompagne, c'est à dire l'ombre de notre cœur.
Mais partager le résultat de nos études et observations ne fait pas mettre au débat des éléments d'approche de la vérité. Pourtant nous le faisons dans cet esprit là. Nous nous heurtons à des stratégies d'influence, voire de mensonges soumis à des intérêts inavoué. Malheureusement, comme le dit ce proverbe africain, quand la vérité prend l'escalier, le mensonge prend l'ascenseur. Certes, elle finit toujours par arriver, mais après combien de dégâts ? Erasme disait à ce propos que "L'esprit de l'homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité." Peut être parce que le mensonge agit sur les peurs et des intérêts. Les derniers événements dans notre vie politique et sociale semblent bien confirmer ce point de vue.
Hier, un couple d'amis dînait chez nous. Nous vînmes à évoquer les propos et discours qui revalorisent les femmes. Se tournant vers moi qui restais silencieux, l'homme du couple me demanda ce que j'en pensais. Je ne pus que dire que ces propos partaient de l'idée que la gente masculine serait coupable de discriminations sexistes, et que cette représentation était très actuelle et déconnectée de l'histoire. J'ai cru alors avoir dit un gros mot telle la réaction du couple fut de m'exonérer sur le champ de toute légitimité à débattre. Je me trouvais "anathèmisé"...
Il est pourtant vrai que les rôles sociaux des hommes et des femmes sont exactement les mêmes dans les sociétés matriarcales et patriarcales. L'homme s'occupe des relations extérieures traitant de la sécurité, de l'approvisionnement et des entrées de richesses. La femme s'occupant de l'intérieur, de l'entretien du cocon familial, de la nourriture et de la qualité et de la douceurs des liens sociaux. Mais si le pouvoir est à la guerre, il sera celui du père et s'il est au monde intérieur il sera celui de la mère.
Ce n'est donc pas le discours qui fait la valeur ni la discrimination mais les rôles sociaux dans la culture du clan où les rapports s'équilibrent. La déconstruction est une négation de la réalité sociologique. Mais aussi, le discours de revalorisation du féminin installe une opposition entre des fonctions sociales alors que la dégradation des états des uns et des autres relève davantage de la dégradation du niveau de vie : le néolibéralisme a transformé les citoyens en consommateurs, déconstruisant les rapports de fonction, détruisant les moyens des peuples à gérer leur rapport au monde et installe une nouvelle zone de conflits qui détourne le regard des causes réelles du mal-être dans la dégradation des masses en troupeaux de consommateurs, vaches à lait du système.
Nous avons donc la nécessité de revenir à une compréhension profonde de nos réalités économiques et sociales, aux forces réellement agissantes dans notre vivre ensemble. Pour des gestionnaires dirigeants néolibéraux, il est mieux que ce soit le peuple qui s'occupe du mal être issu du néolibéralisme dans une représentation qui les met en cause et les oppose entre eux. La vision réelle de nos réalités sociales nécessite d'autres regards.
Cela nous oblige à une sincérité et honnêteté absolues devant un regard élargi, "défocussé" sur la problématique. Sans quoi, nous ne sommes ni crédibles, ni audibles. Warren Buffet a écrit à ce propos que "L'honnêteté est un cadeau très cher. Ne t'attends donc pas à le recevoir de personnes bon marché." Et cela n'efface pas l'ignorance féconde parmi les entendants agissants. On prête à Saint François de Sales de nous avoir indiqué que "Une grande misère parmi les hommes, c'est qu'ils savent si bien ce qui leur est dû et qu'ils sentent si peu ce qu'ils doivent aux autres."
Alors ce n'est pas faire une révolution active qui pourra changer le monde si les visions des causes restent faussées, mais, comme l'a dit l'auteur et conférencier sur l'auto assistance, Wayne Dyer, c'est "Quand vous changez votre regard sur les choses, (que) les choses changent." "Rendons à César ce qui est à César", disait un autre sage... Voilà ce qui me semble être "comprendre, ressentir et donner à voir" !
Nous ne manquerons pas d'indiquer que l’Université de Barcelone, conduite par Aparicio Terrés, a constaté la synchronisation de la pensée avec une musique ou un rythme entendu. Ainsi la pensée peut aller jusqu'à la perte de conscience. Nous savons que les tambours chamaniques produisent des changements d'états de conscience, qu'une intervention extérieure comme une pratique intérieure (je pense à la méditation, contemplation, sophrologie, etc.) modifie la conception et la perception, soit toute la pensée.
Mais que faire de tout ceci et de bien d'autres approches, visions, réflexions sinon de les mettre en forme pour que les mots en témoignent sans trahir les perceptions ouvertes et ajustées ? Il est vrai que croire est bien souvent plus important que de savoir. Jung disait que les gens préfèrent croire et juger que de comprendre et connaître, que c'est plus simple...
Je me souviens que mon père avait une confiance absolue dans la providence et le ressenti de ses expériences de vie n'ont fait que l'inviter davantage à le faire. Sur cela, le penseur oriental Deepak Chopra déclarait que chaque chose vient en son temps et qu'il ne nous appartient pas de savoir ni de tenter d'influer sur le quand et le comment elles arrivent. Il suffit d'être sûr de ce que l'on sait et que l'on vise. Ensuite ce n'est qu'une question de confiance.
Je ne sais toujours pas si c'est vrai mais cela rappelle à ma mémoire l'invitation de Marc Aurèle à accueillir ce sur quoi nous n'avons pas la main, à agir sur ce sur quoi nous l'avons et à développer la sagesse de bien faire la différence entre les deux. J'ai l'impression alors que le résultat de lâché prise revient au même comme l'acceptation de ce qui est en toute conscience. Question de sensations. De ce fait il me revient cette définition de ce qu'est l'acteur critique dans notre société : un "renifleur" du monde (selon le terme de Maffesoli), celui qui ressent la réalité, à mon sens avec toute la double dimension raisonnable et intuitive...
Lire aussi : " Comment le libéralisme est-il devenu un système féodal "
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