"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Intelligence versus IA, ou plutôt CID (26 03)

Toutes les sciences humaines confondues nous rappellent que les variables indispensables et propres à l'intelligence sont précisément la conscience et l'imaginaire, ce qui fait particulièrement défaut à l'IA. Selon Luc Julia, créateur de Siri, l'IA n'a rien d'intelligence puisque, dit-il dans son ouvrage "L'intelligence artificielle n'existe pas" (First, 2019), il faut dix milles images à un ordinateur pour que celui-ci identifie un chat alors qu'un enfant de trois ans n'a besoin que de deux itérations pour le faire. 

Comme le dit Luc Julia dans un nouvel ouvrage ("On va droit dans le mur ?" First,, 2022), l'IA est un bel outil qui doit être considéré au service d'un projet de société qui reste à construire et c'est bien là et seulement là que se trouve le problème. IA et intelligences ne sont donc pas de même nature et ne peuvent être ni associées, ni confondues. Si l'intelligence artificielle n'existe pas, alors, pouvons nous préciser de quoi retourne l'intelligence humaine ?

Comme le dit Schopenhauer à propos de la réalité, elle n'est qu'un objet pour un sujet qui le regarde. Si le sujet s'en va, l'objet disparait. Il n'y a d'objet que pour un sujet qui le considère et le pense. Il s'agit d'une projection de conscience. SI, selon Bergson, l'essence précède l'existence, cette essence est dans le regard du sujet, c'est à dire dans la conscience de celui-ci regardant.

Ainsi, si l'IA est un algorithme qui compile des données projetées par les sujets ainsi faisant culture, l'intelligence est une relation de conscience du sujet avec un objet qu'il a identifié et ce en regard d'une transcendance que la psychanalyse nomme le "grand autre", les sagesses anciennes le "grand tout" ou "l'univers" et d'autres approches humaine le "divin", voire "dieu" ou "la conscience universelle".

Selon la théorie des représentations sociales (CF Serges Moscovici), le sujet projette sur le monde ses représentations et en détache des objets qu'il qualifie en fonction de ses représentations sociales et personnelles expériencielles (nous ajouterons préoccupations et intérêts). L'objet est une projection du sujet que le sujet reconnait alors. Sans cela, il ne peut pas le voir. C'est par ces processus d'ancrage et d'objectisation comme les nomme Serges Moscovici, que le sujet identifie depuis sa conscience ce qui l'entoure. Par le processus d'ancrage, le sujet reconnait et identifie (distingue) l'objet selon ce qu'il sait et connait déjà. Il le transforme alors en un objet distinct (objectisation). 

Par cette action de conscience, l'objet ressemble à ce que l'on connait déjà et s'en distingue par ce dont on prend conscience. C'est là le double phénomène de reconnaissance et de distinction qui fonde l'objet, lequel peut alors entrer dans l'ordre de notre culture. En effet, je ne peut effectuer ce processus que parce que je me situe dans le monde et situe aussi l'objet dans ce monde et par rapport à moi, c'est à dire en regard d'une transcendance qui me confère l'ordre des choses, leurs valeurs, les contextualise (je renvoie à la phénoménologie de la perception selon Husserl et Merleau-Ponty) et me contextualise, me situe dans une vision du monde, une cosmogonie.

Par ailleurs, l'intelligence reposant sur les représentations de soi, du monde et du sens de chaque élément, l'implication des sentiments, des sensations dans l'ajustement des représentations, a une incidence profonde et déterminante. Ce sont ces mêmes sensations et émotions qui structurent nos mémoires et ordonnent leurs élaborations. Autant la mémoire que la conscience des éléments de nos réalités ne sont ni figées, ni définitives. Elles sont parfaitement évolutives, mouvantes, impermanentes. Par contre, chaque élaboration de l'IA sera un construit daté, fixé dans le temps sur un moment de la conscience humaine, chargé d'un historique répertorié. Toute manipulation est donc ici possible.

L'intelligence, elle, est donc un phénomène bien plus lié à la conscience qu'à la mémoire. En ce sens, l'IA trompe nos sens comme le ferait un illusionniste quand elle prétend s'assimiler à une intelligence. Si elle séduit par la performance d'un résultat, elle n'est pas plus intelligente qu'un illusionniste n'est magicien. Il reste donc particulièrement imprudent, au risque de devenir bête et stupide, de considérer cette compilation de données, bien qu'experte, comme une conscience humaine qui ouvrirait à une quelconque intelligence. Déduction n'est pas raison.

Il serait aussi stupide de faire cela que de prendre un illusionniste pour un philosophe, c'est à dire un "montreur de réalité". Nous ne sommes dupes ni de ses tours, ni de ses manipulations. Et c'est bien ce qu'il nous reste à faire devant l'IA que désormais je préfère bien justement nommer CID : "Compilation Industrielle de Données" ! Comme le disait Krisnamurti dans son ouvrage "De la méditation et de la vie", l'habileté peut passer pour de l'intelligence. Nous sommes prévenus. Mais la compréhension des voies perfides de l'habileté, servant l'orgueil de notre égo, est le début de l'intelligence : faire la part des choses, comprendre et choisir.

Il me revient que Léon Tolstoï avait fait remarquer que si l'on ressent de la douleur, c'est que l'on est vivant. Mais que si l'on ressent la douleur des autres, c'est que l'on est humain. Ainsi, si je succombe aux charmes de l'illusion, c'est que j'ai bien des sens pour percevoir. Mais si je comprend ce qui se passe dans l'usage du charme et de l'illusion, alors je suis une âme qui comprend le monde. Il existe ainsi l'intelligence du cœur, celle qui connait les sentiments qui nous relient aux autres et à l'univers. Ils conduisent à l'intuition. Avez-vous trouvé un cœur dans la CID (IA) ? Les anciens, comme Platon, Aristote et Socrate, ont plébiscité la voie vers l'intérieur de soi au plus profond duquel se trouvent l'univers et les dieux. Gardons le cap !

Jung qui disait que celui qui regarde à l'extérieur rêve, tandis que celui qui regarde à l'intérieur s'éveille, invitait aussi à s'appuyer sur le soi profond et lumineux pour traverser nos parts d'ombre. Alors, pareillement, nous nous appuierons sur notre part d'intelligence humaine, intuitive et déductive, pour traverser l'illusion magique et utiliser ces CID à leur juste valeur, sans qu'elles ne nous réduisent à une idiotie stupide... Si les gens croient, disait Jung, c'est parce que c'est plus simple que de penser. D'autant que ce que l'on pense nous fabrique et nous constitue...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 26 mars 2024

Lire aussi : "L'imaginaire aux portes de la conscience" 

1 commentaire:

  1. Très bon texte, J-M. Et ce qui m'atterre, c'est que tout le monde "jouit" et se complait à dénommer ces outils de l' "intelligence".
    Pourquoi alors Google, qui est un "moteur" de recherche (bigrement "intelligent", d'une certaine manière) n'est-il pas surnommé "intelligence de recherche" ?
    Bien sûr, me dira-t-on, on précise "artificielle"... mais pourquoi y accoler ce terme d' "intelligence" ?
    Ce que l'on nomme AI est un algorithme très puissant, mais absolument pas "intelligent", car j'ai testé plusieurs logiciels qui se disent AI et dans presque chaque réponse/ proposition de texte il y a des "conneries". Ce qui a déjà piégé des "chercheurs", scientifiques et autres "écrivains" qui ont publié des pavés en laissant passer des erreurs...
    Vivement que la "masse" des gens redevienne intelligente, mais pour cela il faudrait déjà que l'école soit à la hauteur, et les parents aussi ! Et vu ce que j'ai vécu pendant toutes ces décennies, la France n'est pas prête à retrouver le niveau d'éducation d'avant. Hé oui, je sais, on me traite déjà de "vieux con", car je dis et répète que c'était mieux "avant". Et sur de très nombreux points, comme la politesse, la galanterie, et j'en passe... sans oublier la musique, qui atteint de manière générale un niveau de nullité sans limite...
    Frankie Pfeiffer

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