L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

L'imaginaire aux portes de la conscience (06 02)

Nous avons vu que la conscience de soi, et de soi dans le monde, a un impact décisif sur le développement de ce monde que j'espère, où je souhaite vivre. Nous avons vu aussi combien mon imagination est efficace pour gérer et influencer notre rapport au monde. J'ai plusieurs fois évoqué cette méditation sur le rugby pour "passer" mon collègue René lors de nos jeux dans la cours de l'école, moment où je compris l'incidence de la rêverie et de la contemplation sur les actions concrètes. Je voudrais que nous allions plus loin aujourd'hui, jusqu'à considérer combien l'imaginaire nous conduit aux portes de la conscience, celle qui justement "fait Monde".

Nous avons vu aussi que nous devenons ce que nous pensons et que notre responsabilité est grande dans tout ce qui nous arrive et dans le "comment" nous considérons et  traitons les situations. Neville Goddard, auteur dans la nouvelle pensée, considérait que l'imagination consciente avait une efficience réelle sur ce que la personne est et devient. Il enseignait que l'imaginaire crée la réalité, et que l'émotion en est le secret, voire que la conscience serait la seule réalité. Il croyait véritablement en l'utilisation créative de l'imagination. 

Si cette conception apparait un peu radicale, elle n'est pas si éloignée de celle de la psychosociologie de Palo Alto où la réalité s'invente dans la conscience. Je pense notamment à Paul Watzlawick dans son ouvrage "L'invention de la réalité". Il y montre à quel point ce que l'on pense de l'autre le détermine, et l'appelle à le devenir. Si vous pensez que vos collaborateurs sont des imbéciles, ils le deviendront. Et si vous pensez qu'ils sont géniaux et généreux, ils le deviendront aussi. Bien sûr, il ne s'agit pas de simplement le dire, mais de le penser réellement.

Cette démarche prend acte des relations sociales : ce que nous sommes dans le monde est dépendant de la manière dont on se considère, considère le monde et sommes considérés. A partir de là, des questionnements sur nous mêmes, sur le "comment s'y prendre", nous interpellent. Devons nous prendre conscience de "qui" nous sommes, ou plutôt devenir ce dont nous avons conscience, voire même simplement "ce que l'on imagine profondément" ?

A ce sujet, la sagesse amérindienne, dans les mots d'Alex Saluski, chef amérindien Yakima, nous enseigne ceci : "Tu es le seul à t'influencer. Tu es le seul à marcher vers ta tombe car tu es ce que tu penses." Il y a des instants où je pense les animistes sages et susceptibles de nous ouvrir des chemins de connaissance.

A vrai dire, il convient de revenir sur les processus de construction de soi, c'est à dire sur les processus sociaux qui nous gouvernent. Comme le disait Jacques Lacan, nous ne sommes que de l'autre. C'est à dire que c'est ce frottement à "l'Autre" qui fait émerger les images de soi avant que nous ne les intégrions. C'est bien l'interaction rugueuse à une altérité qui révèle les "particules" de ce que nous sommes, ou deviendrons. Je ne sais pas si nous l'étions déjà, mais c'est le rapport à l'autre qui, par effet miroir, "révèle" des parcelles de soi, des caractéristiques que l'on prend pour parcelles de soi-même.

C'est bien parce que l'autre nous montre et nous dit qu'il ou elle nous trouve beau, intelligent, généreux, voir stupide, incompétent ou veule, qu'à partir de cela nous élaborons une certaine image de soi que nous épouserons peut être, voire pour partie. 

Tout ceci se passe dans un paysage, un contexte matériel et culturel qui nous sert de cadre, de ressources, de matrice. Nous avons été "repérés" courageux dans une situation donnée dans un environnement certain. Cet environnement participe de notre identité et détermine le "discours de vérité" qui nous occupe. Cette "légende" colore et fait sens dans cet environnement. Elle nous constitue aussi. Ce sont les mythes et légendes, comme l'ont été la génèse pour les peuples du livre, qui permettent le relief de nos images de soi, de soi dans "ce" monde, lequel devient "le" monde. 

Quel que soit l'angle d'approche, ce sont bien les pensées et nos représentations qui construisent la sensation de soi et donc notre identité sociale. Mais peut être, s'il en est, le "moi profond" est-il tout autre chose. Le trouver, le rencontrer, le connaître, relève d'une tout autre démarche intérieure. Je pense à l'invitation de Socrate à se retrouver au plus intime de soi, là où se trouvent l'univers et les dieux. 

Je pense aussi à cette autre approche culturelle que je rapporte ici : "Peschar, la Pâque, veut dire passage en hébreu. Ce monde n'est pas ta demeure, il est un endroit de passage, un pont qu'il te faut franchir afin de trouver ton véritable chez toi. Traverse ce monde sans t'y établir, passe et affranchis toi de toute servitude." Voilà un texte "sacré" (c'est à dire "fondamental" dans son sens étymologique) qui, comme bien d'autres, nous ouvre une perspective différente et un autre chemin.

Mais, en matière de symbolique et d'imaginaire, ce n'est pas tout ! Lacan nous dit que nous sommes nés dans un bain de langage. Les linguistes, tel Benveniste, nous rappelle qu'il s'agit là du plus présent et sophistiqué des systèmes symboliques car rien de ce monde ne s'épuise dans les mots. Chaque mot est une simple morsure culturelle dans le réel pour en attraper un "tout ou partie" qui sera isolé, identifié et nommé. Dès lors, dès que nous en parlerons, l'objet, ainsi séparé du "grand tout du réel", existera.

Mais chaque mot n'est qu'une représentation singulière du réel. Il n'est pas le réel et ne s'y substitue que dans nos représentations. Ainsi, d'une langue à l'autre, les mots et concepts ne se superposent pas. Les langues ne mordent pas de la même manière dans le réel. De ce fait, les objets détachés ne sont pas identiques. Le mot "aware" en anglais n'a pas de correspondant en français. L'expression la plus proche, en l'occurrence "être conscient", n'épuise pas le concept. Ainsi le mot "close" peut justement se traduire par des expressions aussi diverses que "près de", "fermé", "approfondi", "serré", ou encore "prendre fin". Le mot "aggiornamento" en italien a besoin d'une expression comme "mise à jour" pour dire une chose équivalente.

Ainsi, le langage est une source symbolique propice à féconder l'imaginaire. Lacan suggérait que les japonais pourraient ne pas avoir d'inconscient puisque chacune des lettres qu'ils utilisent est issue d'un idéogramme chinois, lequel possède déjà une signification propre et autonome. Et tout ceci n'est toujours pas le réel ! ... Un réel qui reste d'ailleurs, selon la psychanalyse, toujours "in-attrapable".

Mais il y a aussi, dans les textes culturels et les légendes, un "récit de vérité" qui fonde pour sa communauté, une certaine idée du réel et s'en fait la référence. Hors de lui, le chaos... Certes, il s'agit là d'un imaginaire structuré, certainement d'essence dogmatique. Sa fonction, en l'espèce, est d'ouvrir l'hypothèse de penser "ensemble" et se retrouver dans des certitudes communes. Cette "fonction" n'a pas vocation à simplifier les rapports sociaux, ou éviter le débat, certes. Elle tend simplement à simplifier le réel pour le rendre moins anxiogène. Il préforme un imaginaire social grégarisant où tous iront puiser. Je pense à la génèse pour les religions du livre, ou la légende de la termitière et du nuage chez les Dogons. Elle a pour conséquences directes les pratiques de circoncision et d'excision.

Mais ce n'est pas encore tout, car notre mémoire est pleine de nos propres émotions, lesquelles sont des systèmes de rappel et de reconstruction de nos souvenirs. Ainsi les peurs ressenties lors d'événements bornent les sensations de soi jusqu'à tronquer des éléments de réalité. Ce sont autant d'éléments susceptibles d'induire des postures de fuite, de violence ou de rejet. Ainsi, une représentation associée à une peur, consciente ou impromptue, produit-elle des modifications de représentations de soi et du monde et de soi dans ce monde. C'est ce même mécanisme qui explique et légitime tant les postures que les comportements induits. La réalité n'est alors plus la même.

De la même façon, des sensations de paix, de joie et d'amour, vécues lors d'événements nous amènent à apprécier retrouver ces situations. Paix, joie et amour colorent nos représentations de soi, du monde et de soi dans le monde, et ceci nous appartient pleinement. Ainsi nous voyons là que nos pensées, comme des prises de conscience, ont une réelle puissance créatrice.

C'est ainsi que l'exprime le yogi Sadhguru "Toute expérience, via la vue, le toucher, le son ou autre, n'a jamais lieu qu'en vous même. Toute votre expérience du monde n'est que ce qui a eu lieu en vous. Alors tout ce qui se passe dans le monde certainement ne dépend que de vous." C'est ainsi que l'occidental se demande si sa conscience du monde ne serait alors pas plutôt un imaginaire... Schizophrénie ? Non, simple représentation du réel aux portes de la conscience... que l'imaginaire nous donne à franchir !

Jean-Marc SAURET
Le mardi 6 février 2024

Lire aussi : "Je suis ce que je me vois dans le monde"

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