On dit que la parole libère, qu'elle soigne. Combien ont écrit pour ce faire ? Au delà de la psychanalyse, la parole constitue le champ et l'outil de nos réalités. En effet, si le langage est le cadre symbolique de nos vies, alors notre réalité s'avère donc toute symbolique. Redisons-le comme l'a si bien exprimé Marc Aurèle, "Ce ne sont pas les choses qui nous gênent mais le regard que nous leur portons!", et il en est tant que nous ne portons même pas consciemment...
Ainsi, dire les choses est bien les accueillir, les connaître, les mettre sur la table pour en faire quelque chose. "Tout ce qui ne remonte pas en conscience revient sous forme de destin" nous indiquait Carl Gustav Jung. Alors, portons là toute notre attention ! Mais que se passe-t-il dans nos têtes et nos cœurs pour que nous nous confisquions le regard et la parole sur toutes ces choses ?
La peur (de perdre, de mal d'amour, d'incapacité et autres) est le motif de nos rejets, refus et abandons de tous ordres. Ceux-là remettent à plus tard notre confrontation au réel et la résolution de nos sentiments blessés. Ainsi, nos problèmes sont nos opportunités dit Franck Lopvet, l'auteur de "Un homme debout". Nos sensations sont notre chemin jusqu'à accueillir le mal et le rendre banal, comme l'avait si bien vu la politologue Hannah Arendt.
Si nous ne le faisons pas, nous entrons en guerre contre tout du moment que ce n'est pas soi. Nous affirmons des certitudes qui nous constituent et nous gardent dans nos zones de conforts mêmes douloureuse, loin de tout ce qui nous fait peur dont nous affublons nos adversaires avec radicalité et véhémence.
Ainsi, écrivait Michel Foucauld, "le polémiste n'a pas en face de lui un partenaire dans la recherche de la vérité. Bardé de privilèges à priori, il a devant lui un adversaire, un ennemi qui a tort, qui est nuisible et dont l'existence même constitue une menace". La vision est aussi radicale que la posture de celui qui ne se regarde pas à l'intérieur...
Si ce type de posture est encouragé par un récit officiel de vérité, alors les guerres ouvertes deviennent actives et meurtrières. Alors en découlent anathèmes, excommunications, ostracismes et insultes qui fusent. Apparaissent alors des mots utiles mais tranchants comme des lames tels "complotiste", "fou", "idiot", "révisionniste" ou "conspirationniste", voire même "homophobes", "islamogauchiste" ou encore "populiste", etc...
Mais revenons à soi en évitant ces passerelles vers la fuite. Comment regarder au fond de soi dans le miroir de nos peines et de nos peurs ? Car c'est bien là que tout se passe, que tout se noue et se dénoue. Nous parlons parfois même de cicatrices, mais rien n'est encore cicatrisé, bien sûr. Alors, je pense une fois de plus à toutes ces approches dites "spiritualistes" que sont la sophrologie, la contemplation, la méditation, l'autohypnose, etc.
Dans ces états d'introspection et de lâcher prise, nous avons la faculté de nous regarder à l'intérieur, de remonter vers ce qui s'est passé ou pas, réels ou imaginaires, comme nous les avons vécus. Nous visualisons des événements, des situations que nous avons pu fuir par ailleurs, voire depuis. Dans cette distance nécessaire, nous les regardons en face, les accueillons, les posons là, les contemplons, les observons avec le détachement utile du sage... et tout s'efface, s'estompe et devient banal, ordinaire, futile, insignifiant. Et si c'est trop difficile, alors quelques-uns pourront le faire à plusieurs, en se faisant accompagner, dans la démarche qui leur ira le mieux.
Il ne s'agit pas vraiment de faire disparaître ces événements douloureux, mais juste de les rendre banals, et ordinaires par la "revisitation". Ces situations que nous voulions fuir, c'est à cause de cela que nous les revivons, de fait et incessamment. Elles se mêlent aux souvenirs ordinaires comme toutes ces fois où nous sommes allés chercher du pain à la boulangerie ou avons regardé par la fenêtre de la portière de la voiture. C'est comme ça ... Alors qu'il suffit de lâcher prise et d'accueillir ce qui fait mal comme un nuage ou un oiseau qui passe, comme ce paysage qui défile derrière la vitre de la fenêtre du train, ou de la portière de la voiture.
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