Comme je l'ai plusieurs fois montré et cité, la société des loups a ceci de commun avec les sociétés humaines qu'elle est fondée sur la solidarité et l'interdépendance des individus au sein du groupe. Ainsi, chaque humain, comme chaque loup, a une tendance endogène à prendre soin de ses proches (j'évite à dessein le terme de "tendance génétique"). Ainsi, on peut dire et constater que le soin est bien le propre de l'homme. Cependant, combien de gens m'ont rétorqué que l'individualisme couvre la société occidentale et qu'il est aujourd'hui peu rare de voir des personnes abandonnées, et même enjambées quand elles sont couchées sur le trottoir.
En effet, une société qui discrimine et efface l'accès aux soins est une société inhumaine Elle se situe à contre courant de sa nature, de son éthique, et donc de sa définition même. Une société qui dévalorise le soin au point de sous payer ses acteurs, qui soumet leur "professionnalité" à des intérêts privés, qui de ce fait suspend leur activité les laissant sans ressources, n'est plus digne de la qualification d'humaine.
J'ai plusieurs fois, durant mes années d'enseignement managériaux dans la fonction publique, dirigé des mémoires de recherche. Ceux qui m'ont le plus éveillé et touché sont ceux, justement, qui traitaient de la place du soin dans les professions de santé : la dimension y est toujours apparue comme centrale, faisant référence à ce courant anglo-saxon du "care".
La philosophe Cynthia Fleury a plusieurs fois évoqué qu'une société sans le "care" était dévoyée, pire défaillante, voire en voie de mort parce qu'inhumaine au sens propre du terme.
Alors priver les soignants de leur activité professionnelle et vocationnelle peut apparaitre comme une attaque violente contre l'humanité. Ce pourrait bien être là le signe d'une inhumanité profonde. Le néolibéralisme, quant à lui, colore toute la société et nombre de projets politiques en occident, de déshumanisation de la société. D'aucuns ont même pu parler en l'occurrence d' "un crime contre l'humanité" par définition comme par essence. Certains même craignaient la contagion comme la banalisation.
Je ne reviendrai pas sur les épisodes d'applaudissements desdits soignants, puis leur suspension sans revenu au prétexte qu'ils auraient usé de leur très légal et indispensable libre arbitre. Ceci montre à quel point notre civilisation néolibérale a perdu toute logique, toute humanité, toute respectabilité, toute conscience et responsabilité. Certains pensent et disent sous le manteau que ce gouvernement et ses acolytes, fleuron néolibéral, serait un totalitarisme ordinaire. C'est bien comme cela que la France a été qualifiée de "démocratie défaillante" par quelques experts et ONG.
Pour conclure, voici un bref échange entre l'anthropologue Margaret Mead et un de ses étudiants (Je l'avais déjà rapporté l'an dernier). Un jour, un étudiant lui a demandé ce qu'elle considérait comme le premier signe de civilisation dans une culture. L'étudiant s'attendait à ce que l'anthropologue parle de crochets, de bols en argile ou de pierres à aiguiser, mais non. Mead a dit que le premier signe de civilisation dans une culture ancienne est un fémur cassé et guéri, la preuve d'une prise de soin. Mead a expliqué que dans le reste du règne animal, si vous vous cassez la jambe, vous mourez. Vous ne pouvez pas fuir le danger, aller à la rivière pour boire de l'eau ou chasser pour vous nourrir. Vous devenez de la viande fraîche pour les prédateurs.
Aucun animal ne survit à une patte cassée assez longtemps pour que l'os guérisse. Un fémur cassé qui a guéri est la preuve que quelqu'un a pris le temps de rester avec celui qui est tombé. Cela signifie qu'une personne a pris soin de la personne blessée, accompagnant la guérison de la blessure. A cet effet, la personne a été mise en sécurité jusqu'à ce qu'elle soit rétablie. "Aider quelqu'un à traverser des difficultés est le point de départ de la civilisation", a expliqué Mead. La civilisation est une aide communautaire."
Anthropologues et éthologues s'accordent sur le fait que ce qui a fait que depuis des milliers d'années l'humain et les loups ont collaboré viendrait du fait que leurs cultures respectives de solidarité, relevaient de mêmes priorités. A ce sujet, je vous invite à parcourir l'ouvrage de Elli H. Radinger, "La sagesse des loups", une longue étude publiée chez Guy Tredaniel.
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