Le christianisme que nous connaissons comme dominant la culture occidentale n'est pas celui du prophète Jésus le judéen, dit le nazaréen. Il s'agit, en réalité d'une religion élaborée par l'empereur Constantin vers le troisième siècle : une religion d'Etat répondant à son besoin de pérennité de l'empire Romain. La vision du monde, dans ces conditions, s'avère donc centralisée, "hominocentrée" mais aussi verticale, élitiste, spéciste.
Cette religion relève de l'exigence du salut accordé par dieu à ceux qui se soumettent à sa loi. En relisant attentivement les évangiles, la bonne nouvelle de Jésus (essénien ?) constitue le cœur de sa "révélation". En l'espèce la doctrine relève plutôt de l'amour universel. Elle repose sur le seul et dernier commandement qu'il apporte alors : "Aimez-vous les uns les autres" ce à quoi il ajoutait "comme je vous ai aimé". Ce qui fait donc le symbole de cette pensée, de cette philologie, est donc plutôt le partage, l'interdépendance, la solidarité qui s'expriment dans la paix, la bienveillance et l'entraide. Le symbole en est le pain et le poisson qui se multiplient et sont partagés.
La religion de Constantin s'est, au final, politiquement imposée. Avec le temps, elle a du faire front à des contestations réclamant le retour au texte original. Ce sont notamment les mouvements vaudois de Jean Valdo, ou la révolution paysanne de Thomas Müntzer, qui participent ici de la démarche. On peut compléter le propos avec le luthéranisme, ou le calvinisme. Plus récemment, on a pu retrouver les diverses approches strictement évangéliques : celles qui justement ont permis de distinguer les origines juive du christianisme. La théologie de la libération, de Gustavo Gutierrez et Leonardo Boff précisent ce panorama qui devient quasi exhaustif. En revanche, on se doit de constater que le catholicisme radical, constantinois, des origines, malgré des réformes successives, a fini par formater la culture occidentale. La croix et la rédemption par la souffrance, à titre d'exemple, en constituent les emblèmes. Ils n'ont pas grand chose à voir avec le message de Jésus.
Il fut alors un temps où mettre en question les dogmes de cette approche vouait aux gémonies. L'anathème et l'excommunication guettaient, et le risque devenait réel. Il était donc judicieux de faire comme Darwin, c'est à dire de ne pas s'aventurer dans les remises en question institutionnelles. Conformer son propos aux dogmes "sacrés" devenait le gage d'une certaine tranquillité.
Toutefois, l'évolution sociétale et l'affrontement des religions du livre, non seulement ont occulté l'importance des pensées animistes et chamaniques qui sont les plus répandues dans le monde, mais de surcroît elles ont fragilisé l'hégémonie de la pensée centrale catholique. Ainsi fragilisée, elle cède la place à une pensée dite laïque, du moins athée, renvoyant le spirituel dans le giron des illusions.
Dans ces conditions, la place inoccupée devient aspirante et la pensée néolibérale s'y installe avec tous les attributs de la "gnose". Elle y use des mêmes outils, en l'espèce l'anathèmes au regard de dogmes soit disant dictés par la raison. En revanche, on n'a jamais vu ici l'ombre d'une raison scientifique, ni d'une hypothèse justifiante. Comme dans le cadre de ladite gnose que Jésus déconstruit dans son enseignement, se reconstruit là une élite de "sachants". Mais, développons un peu...
Qu'est-ce qu'un dogme ? C'est une idée, une conception, qui affirme et s'affirme comme étant le fondement d'une vision particulière du monde, laquelle fait "vérité". Pour cela, on dit qu'elle est "sacrée" parce qu'elle est ce sur quoi repose tout le reste (de sacrum, le socle, le fondement). Il y a toujours un "discours" qui l'explique, lui donne la consistance de la vérité. Toutefois, rationnellement, absolument rien ne vient la prouver, l'approuver. Les hypothèses qui la fondent ne sont jamais posées. Alors, la discuter remet en cause tout le système de pensée et donc le système se défend, et souvent violemment.
Depuis l'an mille, et même avant, toucher au sacré avait des conséquences radicales : c'était l'exclusion, la condamnation et vous pouviez être tués pour ça. Ainsi, Jean de La Fontaine mettait-il en jeu des animaux, histoire de ne pas choquer les puissants de ce monde. Après tout, il ne parlait que de bestioles. Darwin, pour sa part, n'a jamais remis en cause la légitimité royale de droit divin et donc, à compter de là, ses livres ont été publiés. Descartes, dont la démarche rationaliste pouvait déranger, a fait allégeance à l'existence de Dieu et toute sa philosophie a pu être étudiée. Il en va de même pour Kant et pour tant de philosophes. Ceux qui ont mis ou remis en cause la question de l'organisation verticale de la société ont basculé dans la réforme, cette "hérésie doctrinaire".
Actuellement, la religion catholique n'a plus le pouvoir. L'idéologie libérale antichrétienne, mais de même nature, a pris les rênes. Arrivent alors les auteurs comme Bernard Mandeville dès le dix-huitième siècle (approche dédiabolisée par Max Weber), mais aussi de Lippmann et Bernays dans les années vingt, puis de Hayek à l'école de Chicago. Ainsi, dès lors que la pratique ou la pensée centrale, officielle, est remise en cause, alors vous êtes qualifié de "marginal hors sol", irraisonnable, voire d'antisémite, de complotiste, d'anti-vax, ou même d'appartenir à l'extrême droite. L'anathèmes n'a pas de limite...
Ainsi, aujourd'hui, le dogme s'apparente-t-il à un scientisme décomplexé qui affirme bien des principes mais sans jamais poser les hypothèses qui auraient pu les valider. Bien que les références n'aient rien de scientifique, elles en ont la forme sous la couleur et l'adoubement du chiffre. Les questionner constitue déjà une remise en cause. En demander la simple vérification s'apparente à une quasi insulte, par essence considérée comme aberrante.
La célébration du rassemblement passe, par exemple, aujourd'hui, par le rituel de la vaccination : il s'agit de se faire injecter un produit dont on sait à présent qu'il ne protège de rien et dont il est arrogant, voire indécent, d'évoquer l'existence d'effets indésirables ou d'informer sur le caractère expérimental du produit. C'est là l'effet gnostique comme sous le régime absolu de la royauté catholique, il y a des "vérités" que seul le discours officiel légitime. Qu'en sera-t-il demain ?
Aujourd'hui, je ne sais pas encore si la religion du confinement et du Pass pourra se réinstallées, mais on pressent bien la tentative insidieuse. Mais reposons nos neurones et laissons faire la nature et l'intelligence, sans forcer, juste en l'accueillant. Que nous dit-elle ?
Quand on partage un bien matériel on le divise. Quand on partage un bien immatériel on le multiplie. C'est bien là la source des violences et de la paix. Mais échanger de la connaissance prend plus de temps que d'échanger des biens matériels. En effet, la connaissance est de l'ordre du vivant, au contraire et par définition, des biens matériels.
La particularité néolibérale, voire Post-Libérale, est "d'objectiser" tous les biens dans une propriété privée absolue. C'est comme la connaissance qui devient un invariant à la conjonction de l'attention et de l'immédiat, toujours plus importants. Dès lors, elle se vend et se monnaye. On retrouve le même phénomène avec la passion. Comme elle est d'une tout autre essence elle a bien du mal à se soumettre à la contrainte et à l'obligation sans se dénaturer totalement. Alors l'économie de la connaissance, adossée à une bio-inspiration, donne une richesse et une puissance incommensurables. C'est certainement là qu'est le nouveau monde qui se développe sans nous attendre… voire devançant quelques impatiences !
Jean-Marc SAURET
Lire aussi : "Les nouveaux liens sociaux 1 - Dimension et dialectique des pratiques"
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