Certains confondent débat et polémique, voire anathème et questionnement, jugement et réflexion. Nous avons déjà largement posé et commenté ce thème : il se trouve que c'est là une conséquence néolibérale de la postmodernité. L'émotionnel, l'a priori, le préjugé fondé sur des intérêts, des pensées courtes, voire des peurs, prennent un pas décisif sur les démarches de raison. C'est ainsi que se construisent des vérités douteuses mais peut-être populaires. La démagogie n'est jamais très éloignée.
Le souci majeur qui m'apparaît est la confusion réelle que fait une grande partie de la population entre le débat et la polémique. Certains même, parce qu'ils lâchent un jugement court, voire une émotion ou une insulte, prétendent de toute bonne foi qu'ils débattent, qu'ils discutent, affirmant même qu'ils ont bien le droit de dire ce qu'ils veulent, voire ce qu'ils pensent. C'est un fait !
Il m'est même arrivé de lire dans un grand quotidien du soir quelques bordées d'insultes et jetées d'anathèmes sur quelques chercheurs et intellectuels en marge de la pensée "officielle". Ce qui m'attriste et me gène ne sont pas les expressions mensongères, néfastes, calomnieuses, mais le fait que des gens y succombent.
Ainsi, de ce fait-là, nombre de personnes polémiquent, jugent et "anathémisent" les uns ou les autres, sans jamais tenter la curiosité de comprendre ce dont l'autre parle, ni d'où il le fait. L'aveuglement que cela produit est une perte tant pour l'entourage que pour la personne qui médit. Pourtant, c'est souvent de toute bonne foi...
Il est vrai que nombre de puissants et de manipulateurs, de psychopathes et de goûteux du pouvoir savent profiter de ce type de situation sans jamais reverser de bénéfice, sans que jamais rien n'en ruisselle. Je crois que c'est là une bonne raison d'alerter le quidam lambda de cet état de perversion mortifère, de cette "mécanique" destructrice et privative de tout, de biens et de libertés, d'autonomie et d'intelligence.
Je n'ai pas la prétention de donner un enseignement pour détourner et combattre ce type de conséquences malheureuses. Je me contente, pour ma part, de lâcher prise et de rester vigilant. Un pas de retrait,, un pas de côté suffit parfois pour détecter le malaise, voire la supercherie. Rester aligné dans un regard bienveillant globalisant, c'est-à-dire "embrassant" la totalité de ce qui se passe sans oublier aucun détail, permet une tout autre approche. Car c'est dans les détails que le diable se cache, comme nous le précisait Nietzsche dans "Ainsi parlait Zarathoustra". C'est ce que l'on peut appeler aussi la vigilance.
Pour observer les détails, il ne faut croire aucun jugement des uns et des autres, et juste observer les faits pour, comme le dit la sagesse populaire, "se faire sa propre opinion". Je dirais même plutôt "construire son point de vue", c'est à dire ce que l'on peut voir et comprendre depuis là où l'on se trouve, où nous sommes. Cultivons ainsi nos postes d'observation.
Nous serons attentifs aux "vérités" parcellaires, aux omissions, aux fausses évidences, aux incohérences et changements de discours. Pour cela, nous garderons une mémoire vigilante. Nous porterons attention aux petites dyslogies. Nous serons des désobéissants vigilants qui ne prennent rien pour argent comptant : de fait, des rebelles à la pensée dominante motivés et construits par le simple souci de bon sens et de vérité.
Alors seulement, sans émotion ni parti pris, nous saurons débattre et répondre simplement aux injonctions qui nous viennent d'ailleurs, aux vérités et jugements distribués à la ronde avec certitude et ostentation, aux manigances tortueuses de quelques désireux de régner plus que de faire vivre la réalité.
Il s'agit donc de cultiver une prudence sur ses propres emballements émotionnels, sur ses propres certitudes directrices en gardant une posture haute, détachée, et une vision globale, attentive.
Lire aussi : "Libre arbitre"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos contributions enrichissent le débat.