"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

L'homme est-il un loup pour l'homme ? (23 11) C

Combien de fois avons nous entendu cette expression mise en titre : "L'homme est un loup pour l'homme !". Ceci voudrait dire que le loup, prédateur solitaire ou en bande n'a pour vocation que d'agresser des proies qu'il croise, voire recherche et chasse ? Certainement pas ! Ce serait prêter aux loups une caricature aussi excessive que fallacieuse. Les éthologues, dans leur grande majorité, s'associent pour dire que la société des loups est une société fondamentalement solidaire. Chaque individu dépend de la meute, et en défend systématiquement ses membres, mais aussi son intégrité. Les anthropologues s'accordent aussi à dire que ce type de société animale est très proche de la société humaine. Ce serait là, de fait que serait né leurs actions de coopérations.

Si l'on regarde les meutes de loups et les sociétés humaines que nous qualifions abusivement de primitives, nous trouverons bien des similitudes tant organisationnelles que structurelles et aussi en matière de relations sociales. Les membres sont totalement solidaires face à l'extérieur qu'ils gèrent ensemble. Corrélativement, ils vivent en interne des rivalités de "places" sociales. Des us et des coutumes, voire des rites, régulent ces rapports sociaux et proposent des ersatz d'affrontements gardant l'intégrité du groupe hors des affrontements mortifères. Il est d'ailleurs plus que rare de rencontrer dans ces deux types de groupes sociaux des exécutions ou des combats à mort (à moins qu'une finalité symbolique ne s'invite). Les postures de soumissions et de dominations servent de régulateurs pacifiques.

Alors dire que l'homme est un loup pour l'homme pourrait alors signifier que chacun, dans la communauté, est solidaire, bienveillant envers chaque membre et qu'il règle ses différents internes dans des rituels de substitution aux combats. Bien que ce ne soit pas là le sens de l'expression populaire, nous sommes bien là en présence d'un fait. Il semblerait que cette expression au sens erroné trouve ses racines dans les mythes et croyances de la bourgeoisie médiévale : celle-ci n'avait, en réalité, aucun lien direct avec la vie de nature.

On prête au philosophe Thomas Hobbes d'être le premier auteur de ladite phrase dans son ouvrage de 1641 : "Du citoyen", à propos des troubles d'alors, et notamment des guerres civiles en Angleterre. Ce n'est donc pas dans son ouvrage majeur "Léviathan" paru dix ans plus tard, que l'on trouve cette source. C'est pourtant à partir de cette assertion qu'on lui fera dire, peut-être à tort, que les rapports humains se manifestent comme autant d'affrontements permanents.

Mais cette façon de voir la société humaine revient à un autre penseur réfugié en Angleterre Bernard Mandeville, hollandais d'origine huguenote française. Sa pensée est même plus perverse que celle de Machiavel. Il deviendra le penseur fondamental du capitalisme sauvage, c'est-à-dire du néolibéralisme. Il sera décrié à son époque pour son amoralisme mais sera sorti des fontes de l'histoire par les néolibéraux. Ils en feront leur théoricien et philosophe, leur permettant de justifier leur approche à la recherche individuelle de la richesse, du profit et du pouvoir.

Traducteur des fables de la Fontaine, il maitrisait tant l'exercice qu'il créa la sienne propre : "la fable des abeilles" où il promouvait que le vice et l'égoïsme étaient les "vertus" d'une société prospère. A partir de là, dès lors que les plus riches s'enrichissaient encore, la réalisation de leurs plaisirs et de leurs biens, générait un "ruissellement" sur les plus modestes. Voilà d'où vient cette illusion encore récemment proclamée comme un fait !

Mandeville énonçait que la société se développait sur l'égoïsme fondamental de l'homme, et la manipulation par la classe dirigeante de la majorité maintenue obéissante par la flatterie. Il concevait une organisation sociétale en trois classes : la classe des coquins qui dirigeaient en cachant leur perversité, celle des vertueux qui garantissait la moralité sociale et profitait du système, et enfin celle de vils mécréants qui subissaient le système tout en s'exonérant de sa moralité proclamée. 

Ceci devint alors la nouvelle "religion politique", et donccelle essentiellement du néolibéralisme tant prônée depuis Reagan et Thatcher. C'est cette organisation par la manipulation, le mensonge, voire la corruption et le crime, que dénoncent et condamnent des auteurs aussi influent que Noam Chomsky, Naomi Klein, mais avant eux Murray Bookchin et autres communalistes ou municipalistes libertaires.

Mais alors, d'où vient ce mal sur lequel repose la société de Mandeville, jusqu'à le penser dans "le dessin du divin" ? Si les sociétés dites premières sont effectivement constituées sur la solidarité et l'interdépendance des membres, comment se fait-il qu'elles se soient transformées aussi facilement en une société individualiste, cupide, concurrentielle et perpétuellement conflictuelle ? Comment sommes-nous passés de la société des loups et des humains solidaires à la société des gredins et des coquins ?... La manipulation ne fait pas tout. Il lui faut une résonance culturelle voire "génétique", oserai-je.

Le petit être qui vient au monde présente une double nécessité de socialité et de comblement de besoins physiques. Je renvoie à ladite "expérience interdite" que j'ai plusieurs fois décrite, citée ou évoquée. Dans son désir de socialité, l'être premier va déguster la satisfaction de ses besoins accordée par ses proches, sa collectivité, cet espace social où il vient de naitre. Savourer cette satisfaction devient alors un système de socialisation. "Non seulement tu me reconnais et me dis qui je suis, mais ceci en m'offrant la satisfaction de besoins qui me font plaisir." Ainsi le plaisir et la socialité sont des éléments fondateurs de sa construction.

Et puis, l'être humain est inscrit dans le langage. Ceci rend la réalité construite dans l'imaginaire, là où le réel est en perspective. Je veux dire par là que le petit être va pouvoir passer du plaisir à la jouissance, c'est-à-dire au désir du plaisir, à la gestion même de sa perspective. C'est là que la balance "socialité- individualisme" va se faire en se frottant à la culture du groupe et à sa propre expérience. C'est le processus ordinaire de la connaissance.

C'est ici qu'intervient la religion néolibérale qui propose d'atteindre seul le plaisir, comme une procédure directe, simple et normale. En individualisant la construction sociale, le système néolibéral isole chaque individu du système qui l'a construit, du système de solidarité qui permettait à tout un chacun de gérer les contraintes extérieures et ses dangers, comme la famine, la pluie, le froid, l'incendie, etc.

La religion néolibérale propose que tout ceci puisse se gérer facilement par la consommation. Ainsi, les membres du collectif entrent-ils en concurrence dans la quête de jouissance, et la perspective du plaisir. Voilà une illusion qui a "bien marché" mais qui nous mène inéluctablement au chaos. A partir du moment où chaque humain va représenter un loup féroce pour chacun des autres, alors les coquins pourront-ils tranquillement prospérer.

Un successeur assidu et fidèle fut Friedrich Hayek, le penseur essentiel du libéralisme et le fondateur de la société du mont Pèlerin. C'est le lieu où s'est développé une religion du néolibéralisme débridé dont le fétiche (l'objet magique central à tout fétichisme) est l'argent. C'est bien un objet magique car l'argent produit de l'argent. Voilà comment une pensée égoïste et autocentrée devint la philosophie du monde actuel. Mais ce monde est-il viable ? Il l'a été, mais ne l'est plus. C'est à son effondrement que nous assistons. Il vient suite à la crise économique que le système a produit et tenté de masquer derrière celle dite sanitaire du Covid (je me réfère aux différents rapports faits par des membres du collectif des "économistes atterrés").

Mais les sciences humaines nous montrent que la division subjective chez l'être humain (l'homme n'est pas là où il se pense être. C'est là que s'érige la part inconsciente) n'est pas la division en classes sociales. Cette dernière n'est qu'une construction nécessaire à la société perverse de Mandeville, ou néolibérale. Elle est sa matérialisation subjective. Regardons quelques éléments qui nous viennent dans le miroir du temps.

L'argent, cet objet magique du fétichisme néolibéral, est, rappelons-nous-le, symboliquement de la "merde" (je renvoie à Freud). Effectivement, cela va du caca du bébé à la pollution qui transforme notre monde en cloaque. Le fétichisme de l'argent, paradoxalement produit du déchet, des excréments qui étouffent le système.

Alors, la question devient "comment en sortir ?" Simplement, en revenant à l'essentiel : la société des coopérations que la nature elle-même nous propose et dont se sont acculturés les "alternants culturels". Fondamentalement, nous avons besoin chacun de chacun et de tous, tant d'un point de vue identitaire que dans la gestion des choses complexes. "Ubuntu" disent des enfant en Afrique. J'ai déjà plusieurs fois développé ce point crucial. Revenons-y !

Alors, toutes les initiatives de coopération, locales et tribales, ici et maintenant, deviennent des points de départ de notre société à venir. Elle ne peut être que solidaire, libertaire, girondine et humaniste. N'imaginons pas un seul instant que le système néolibéral puisse être une voie pertinente de renaissance. Comme disent les adolescents : "C'est mort !" Et nous nous souvenons de l'assertion d'Einstein : "On ne résout pas un problème avec les principes qui l'ont créé !"

Jean-Marc SAURET

Le mardi 23 novembre 2021

Lire aussi Il y a quelque chose de paranoïaque dans les organisations bureaucratiques "

3 commentaires:

  1. "Non seulement tu me reconnais et me dis qui je suis, mais ceci en m'offrant la satisfaction de besoins qui me font plaisir."  Que ce soit dans la pyramide de Maslow ou dans quelques recherches sur les besoins de chaque individu, on oublie le pouvoir. Le plaisir trouve sa pleine jouissance dans le pouvoir, (nom commun) et très peu dans le pouvoir (verbe). On peut aussi dire que le pouvoir donne du plaisir ou tout au moins une jouissance morale.
    Vous trouverez ci-joint une petite réflexion que j'ai écrite sur le pouvoir et qui je pense, complète votre article
    https://cercle-sully.org/ah-le-pouvoir/

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  2. à 300% d'accord avec votre analyse : le système néolibéral ne peut constituer une voie pertinente de renaissance...car On ne résout pas un problème avec les principes qui l'ont créé !

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  3. Une analyse intéressante, qui malheureusement fait silence sur la stratification et la hiérarchisation des premières sociétés.
    La meute n’est vraiment épanouissante que pour le loup et la louve dominante, le mâle et la femelle alpha. Les autres sont incités à quitter la meute pour soit créer leur propre meute ( jeunes mâles et femelles) ou vivre seuls (anciens mâles alpha , chef de meute, chassé par un jeune mâle ou un autre mâle plus fort que lui).

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