"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Sur la notion de progrès... (21 09)

Depuis le discours sur la méthode de Descartes, l'idée de progrès, sise dans la pensée scientifique, agite nos représentations sociales, comme s'il s'agissait d'un chemin naturel, universel et absolu. Cette "marche en avant" semble s'imposer à nous comme un vecteur naturel de la vie ordinaire, une incontournable précipitation de fait. Le dicton "qui n'avance pas, recule" semble vouloir confirmer ce point de vue socialement partagé : la vie va forcément de l'avant. Il y a bien du darwinisme là-dedans...

Et si l'on s'arrêtait un instant pour regarder de quoi il s'agit effectivement ? 

Temps de pause : Le calme et la tranquillité épousent alors le monde comme après la tempête, sous la forme d'un retour au réel, comme une méditation paisible. Nous voudrions alors que cet instant de grâce dure toute la vie. A contrario de la pensée Nietzschéenne, le fond du lac est paisible et aucune bulle ne remonte. Alors, on y descend retrouver le calme des profondeurs, comme le disait le commandant Cousteau.

Si l'agitation des vagues est en surface, le calme immobile est au fond. C'est là une image bien connue des praticiens de la méditation transcendantale. Alors peut-être nous faudrait-il lâcher le vecteur progrès pour renouer avec les savoirs que nous avons perdus depuis le développement néolibéral de la consommation. 

Il me revient cette fable simple du premier boulanger. Celui-ci proposa de faire le pain chaque jour, "ainsi, vous n'aurez plus à le faire !" dit-il à ses congénères. Mais chacun de ceux-ci lui répondit vivement : "Ah non, car dans ce cas je ne saurais bientôt plus le faire !" Le temps passa, les habitudes changèrent, et c'est bien ce qui arriva... L'économie, qui étymologiquement est l'administration de la maison, est devenue la gestion des richesses et de l'épargne. Alors, qui dit progrès, dit économie, c'est-à-dire une certaine distribution des tâches, tournée vers la spécialisation des pratiques.

Ainsi, ce que l'on appelle encore le progrès nous a-t-il "débarrassés" de nos connaissances. J'ai le profond souvenir de cet ami de mon père, Adrien Monmayou, un paysan que, gamin, je pensais philosophe. Il connaissait si bien les plantes de son environnement qu'il en savait bien des usages, aujourd'hui réservés aux chimistes et herboristes. Il connaissait si bien les animaux de son environnement, des plus petits jusqu'aux plus gros, qu'il en savait les pratiques, les mœurs et les utilités. Aujourd'hui il s'agit du seul savoir des éthologues, zoologues, apiculteurs, aquaculteurs, biologistes et autres ornithologues. 

Pour lui, il en allait de même en matière de climat ou de temps, mais aussi pour les cultures et l'élevage. Cela valait dans le rapport aux saisons, à la lune et aux étoiles, ou encore pour toutes les interactions naturelles, etc. Quand il est décédé, il a rendu sa connaissance à la conscience universelle. Pour le commun des mortels, c'est une immense bibliothèque qui a brûlé, comme aurait dit Amadou Hampâté Bâ. A peine lettré, il avait tous les savoirs des gens en lien avec l'univers, la terre et la nature. Ceux-là même que nous avons totalement oubliés. Même le nez dans les livres, même en fouillant le net, on ne les retrouve pas.

La culture du progrès nous a fait croire que le savoir était dans les livres et nous l'avons perdu. Il nous a fait croire que le savoir était tellement immense qu'il fallait le répartir pour l'utiliser, dans une sorte de vision par trop mécaniste du réel. Comme si le savoir était une "chose"... La culture du progrès nous a fait croire que le savoir était matériel, technique, scientifique alors que la pratique nous en dit bien davantage, en situation. Il a effacé l'intuition, source de bien des "découvertes", voire redécouvertes... 

Et tout cela comme si la démarche de connaissance et de progrès de l'humanité était celle de l'homme, et du seul "individu". Il y a du néolibéralisme dans cette conception de la connaissance et du progrès. Le progrès se résumerait-il aux développements techniques et scientifiques par des individus ?

Et puis je tombais sur ce bout d'article journalistique* : “Il y a des années, un étudiant a demandé à l’anthropologue Margaret Mead ce qu’elle pensait être le premier signe de civilisation dans une culture. L’étudiant s’attendait à ce que Mead parle d’hameçons, de casseroles en terre cuite ou de moulins en pierre. Mais ce ne fut pas le cas."

"Mead a dit que le premier signe de civilisation dans une culture ancienne était un fémur cassé puis guéri. Elle a expliqué que dans le règne animal, si tu te casses la jambe, tu meurs. Tu ne peux pas fuir le danger, aller à la rivière boire ou chercher de la nourriture. C’est n’être plus que chair pour bêtes prédatrices. Aucun animal ne survit à une jambe cassée assez longtemps pour que l’os guérisse."

"Un fémur cassé qui est guéri est la preuve que quelqu’un a pris le temps d’être avec celui qui est tombé, a bandé sa blessure, l’a emmené dans un endroit sûr et l’a aidé à se remettre. Mead a dit qu’aider quelqu’un d’autre dans les difficultés est le point où la civilisation commence.”

L'entraide, la solidarité, la bienveillance et la compassion, sont les signes d'une civilisation, d'un progrès sociétal. Nous sommes bien loin de cela aujourd'hui. Le progrès, ou réputé tel, est dans les smartphones, les tablettes et les applications à vendre à chaque personne. 

J'avais précédemment fait allusion à la similitude entre la société humaine et la société des loups. En l'occurrence, l'interdépendance y est si forte que la solidarité et l'entraide en constituent le lien social, l'ordinaire, le commun... Et si le progrès était sociétal et non individuel ? Et s'il était culturel et spirituel avant de n'être que matériel ? Aujourd'hui, on semble prendre un symptôme pour une forme de la réalité.

Alors, dans ces conditions, le chemin du progrès ne serait-il pas simplement humain ? C'est certainement ce que souligne Clotilde Costil dans son excellent article à propos de l'entretien entre Louis Daufrèsne et Denis Jacquet, sur le traitement de l'événement Covid : "La peur l'a emporté sur la raison, et la technologie sur l'intelligence". Il nous faudra faire la part des choses, distinguer l'humain du technologique et considérer le progrès dans le sens du développement humain et relationnel. Une civilisation n'est pas un cumul d'individus mais l'harmonie de liens sociaux. Une société disparait quand pourrissent ses liens sociaux. Bien que nous le pensions, la fin n'est jamais technologique. Sans lien social, aucune technologie ne peut être mise en œuvre ...

Poussons maintenant le bouchon du progrès juste un peu plus loin. Il nous faut d'abord remarquer que "l'activisme" qui coule dans nos veines est une drogue addictive. On bouge et "sur-bouge" pour avancer. Alors que ne rien faire est souvent la bonne réponse à un événement traumatique. Méditer, contempler, laisser reposer, accueillir l'univers, sont parfois les meilleures réponses aux agitations agressives du monde. Juste aimer l'autre et le travail bien fait. Après, tout le reste va de soi !...

Mais il nous faudra bien lâcher nos prothèses, celles qui font de nous d'agiles idiots dépendants, pour redevenir enfin nous-même, pleinement humains. Mais qu'est-ce qu'être humain ? Nous y reviendrons...

Ira ByockIn The Best Care Possible – A Physician’s Quest to Transform Care Through the End of Life, Avery, 2012.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 21 septembre 2021

Lire aussi Sociétés primitives et sociétés modernes "



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1 commentaire:

  1. Les acteurs de terrain ont du savoir-faire. Il est temps de le faire savoir avant qu'il ne soit complètement oublié.

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