"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Penser le réel (14 09)

Bien que très ordinaire, penser le réel n'est pas une chose si simple que ça. Je reviens sur la notion de réalité et, à mes yeux, les quatre variables qui l'articulent : les représentations et les nécessités, l'amour et la peur. Ce sont, en l'espèce, ces points sur lesquels se construisent nos réalités conscientes. J'ai besoin aujourd'hui d'y articuler un couple de variables développé ici plus récemment : les notions de réalité et de vérité

Nous allons retrouver ici des éléments de l'article daté de décembre 2020 à propos de la “communication en paix”. L'idée est bien de présenter un outil pratique de lecture du réel, nous permettant d'en tirer la quintessence. Déconstruire permet de reconstruire : savoir ce qui fait la chose permet de mieux l'appréhender. C'est ainsi, et à partir de ce que nous vivons, que nous pourrons en tirer le “mieux”, et donc le meilleur. Mais regardons tout ceci de plus près.

Nous ne pensons qu'à l'aune de nos représentations, lesquelles sont tout autant expérientielles que culturelles. Il semble utile de le rappeler. A partir de là, et donc de ces prémices, l'important, dans une rencontre conversationnelle, sera d'appréhender, et de comprendre, les représentations de l'autre, de regarder et de comprendre comment il voit les choses, comment il se "situe" dans ce qu'il dit. Ces éléments permettront alors de lui donner à voir, comment ses propositions peuvent être perçues, et peut-être les regarder autrement. Comme le disait le psychosociologue Rodolphe Ghiglione, "Dans la conversation, il se 'transacte' des références", ce que Schopenhauer nommait le "critérium" à vivre et penser le monde. D'où l'autre personne me parle-t-elle ? D'où celui-ci m'entend-il ?

Ma première préoccupation, donc, est bien de comprendre ses "visions du monde", celles qui guident ses pas. En même temps, il convient d'être très clair sur les miennes propres, en étant tout à fait conscient de leurs singularités. L'indispensable empathie et la nécessaire bienveillance ne sont pas choses simples, sans un certain "lâcher prise", pourtant indispensable et en l'occurrence, déterminant.

La seconde préoccupation sera aussi d'entendre les "nécessités" (ou préoccupations conscientes ou pas) de l'interlocuteur et de donner à voir les miennes propres. Ainsi, nous mettrons sur la table les "nécessités" de chacun sans aucun jugement. Car, au-delà de sa propre finalité qui fait notre raison d'être, que ces "nécessités" soient réelles, imaginaires, de l'ordre du désir ou du fantasme, importe peu, voire même pas du tout. Ça ne nous regarde pas.

La seule chose qui compte est de savoir que cela compte pour l'autre. Zéro jugement est bien la particularité indispensable de l'écoute réelle dans l'accueil de l'autre. Cette posture vient de la conscience, que je peux avoir, que l'autre est un autre moi-même. Nous serions tous, par nature, égaux, et tous "équivalents", quelles que soient nos fortunes, compétences, diplômes, richesses ou puissance, QI ou QE, influences ou connaissances, liens ou appartenances, etc... Car tout ceci dépend de nos représentations, je crois, non ?...

"Parce que l'autre est un autre moi-même", voici donc la transition toute faite pour passer à la variable d'amour. L'amour pas seulement au sens d'appétit, de gourmandise et de bien-être (ceci serait plutôt de l'ordre des nécessités), mais plutôt cet amour simplement bienveillant, attentif et donc sans jugement aucun. Et ceci parce que, d'une part, l'amour est la condition de la rencontre fertile, et d'autre part parce que le langage du cœur est un "démêlant" relationnel. Croiser quelqu'un n'est pas le rencontrer. Poser nos cœurs sur la table "effondre" toutes les barrières.

C'est ce qui se passe quand nous demandons pardon, quand nous avouons notre émotion devant un fait, un événement, un spectacle, quand nous avouons notre affection, quand nous baissons la garde. C'est ce que l'écologue Jean-Marie Pelt appelle la paradoxale puissance de la faiblesse*... Et c'est là une variable fondamentale : c'est bien le fait d'aimer qui me pousse à choisir tel met plutôt qu'un autre...Ce sont ces mêmes ressorts qui me poussent m'appesantir sur tel paysage, à aller vers telle personne plutôt qu'une autre, à aborder tel sujet plutôt qu'un autre, et qui parfois donnent la force de se surpasser.

Rien ne m'oblige à aimer "pour de bon" le personnage qui se présente à moi mais comme être humain, il est un "autre moi-même". Et il m'est très utile pour moi-même, pour la qualité de notre relation, sincère et directe, de "m'aimer" comme "j'aime" mon interlocuteur, comme j'apprécie d'être avec lui dans cette conversation. Et ceci est rare et n'a rien à voir avec l'orgueil. Il s'agit là de considération neutre, pas d'un marchandage avec soi-même. En effet, ceci aussi dépend de nos "représentations" et de nos "nécessités". La relation n'est pas un combat, mais une co-construction. L'autre n'est pas adversaire, encore moins ennemi, mais un partenaire. Pourrions-nous imaginer la conversation comme une valse ou un tango ?...

Rien ne saurait stopper, même ralentir ou enrayer l'une de ces trois variables, fût-ce la peur elle-même, cette quatrième variable. Elle est la plus puissante des barrières à tout, le dynamiteur de tout projet ou intention pour une bonne ou mauvaise œuvre. Là, la question des représentations nous permet de déconstruire ce qui nous fait peur ou pas, comment et pourquoi. Mais il y a des peurs inconscientes, irraisonnées, comme celle du vide ou des araignées. Reste alors "le lâcher prise"** et de laisser venir.

Ainsi, articuler la réalité et la vérité à ces quatre premières variables de l'action est une chose simple qui va de soi. La réalité, quant à elle, a, pour une part, largement été traitée dans l'approche des variables de représentations et des nécessités. Si la deuxième est un moteur à passer à l'acte, les premières sont le cadre et les objets mis en œuvre. Je ne m'attarderai donc pas sur cette conception constructiviste de la réalité, qui est mienne, car représentations et réalité sont ici quelque peu synonymes. Elles sont également impactées par la question des nécessités.

Quant à la vérité, c'est de la relation qui la lie à la réalité dont il s'agit. Elle vient par cela s'articuler dans ce "sixtype". Si la vérité se présente sous deux visages elle n'en est pas moins une variable très également impliquée et agissante. D'une part, la vérité est ce récit qui dit ce que la réalité est. Une "aletheia", en quelque sorte, qui lui donne son sens, sa finalité, sa raison d'être. Mais la vérité convoque aussi un absolu qui dépasse la rationalité, quelque chose qui s'impose de par sa seule nature. Il s'agit de LA vérité.

Nous avons vu précédemment qu'elle pouvait tenir aussi d'un "indit", d'un irrationnel, voire "irrationnalisable". Il y a dans la dimension de vérité un lien avec l'au-delà des mots. Certains donc voient son fondement dans le divin, la spiritualité, l'irrationnel. Il y a là quelque chose d'immanent. Je ne peux donc ni en débattre, ni la démontrer, voire même pas l'expliquer. Mais peut-être puis-je juste l'indiquer, en faire une "monstration", comme l'exprimait Lacan.

Le rapport de la vérité aux représentations est de l'ordre du discours sur les réalités. Mais le rapport aux nécessités convoque aussi la dimension transcendantale de la vérité. Ici, il appartient à chacun de s'en départir, d'en faire son articulation, son sens, sa référence. "Réfléchir est difficile, écrivait Carl G. Jung, c'est pourquoi les hommes préfèrent juger."

L'articulation avec l'amour est aussi de l'ordre de "l'indit". Seule une dimension spirituelle y est convoquée si tant est que l'on parle bien de l'amour non-consommateur, d'un amour de l'autre et, pourquoi pas, de la vérité et des valeurs qui nous fondent. La question du rapport entre la vérité et la peur convoque les deux dimensions de la vérité. Le récit installe ici un sens. Le transcendantal, quant à lui, donne une dimension singulière à la peur, comme la déconstruisant, voire s'en autonomisant jusqu'à l'indépendance.

Je repense également à de nombreuses citations autour de la vérité qui la situent en référence à d'autres valeurs de fond, comme '' Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. '' (Jean 8-32) ; ''Seule la vérité a le pouvoir de rendre libre !'' (Paul Calzada, auteur) ; ''La vérité rend libre et il vaut mieux se défier de ceux qui ne sont pas de cet avis.'' (Michel Folco, écrivain). Ces quelques citations (pour éviter de citer encore les grands penseurs de la Grèce antique) donnent à voir l'immanence d'une telle dimension. Elle n'apparaît toutefois qu'en creux d'autres et ceci se conçoit aisément. Récit de vérité et vérité immanente ne sont ni la même chose ni de la même dimension. Il convient donc bien de les distinguer.

Par ailleurs, il me semble que ce n'est jamais la forme qui fait la valeur, ni même la réalité des choses. Je pense, par exemple, à l'articulation d'une politique. C'est le fond, la raison d'être, l'intention de la finalité, même si l'on se trompe ou que l'on s'y prenne mal, qui en font la valeur et la réalité. Autre exemple, en management, ce qui m'a toujours guidé est que, comme je l'ai beaucoup dit et écrit, l'essentiel est d'aimer les gens et le travail bien fait. Après, dans tous les cas, tout le reste va de soi. La vérité tient de cela, et c'est de là qu'elle apporte sa pierre aux cinq autres dimensions. Dès lors, il n'y a plus de question sur la conduite de nos actions... On pourrait dire alors que la vérité ne se démontre pas, mais qu'elle se dit tout simplement.

Alors, il m'apparaît qu'une image parle parfois mieux qu'un article aussi concis soit-il. Voilà donc une représentation du "sixtype" en un pentagramme, parce qu'il y a parfois nécessité d'un récit de vérité qui fasse fond, qu'on l'aime ou qu'il fasse peur, mais j'en doute... Elle pourra nous servir de mémento, de référence, de cadre à l'analyse des événements que l'on vit et que nous produisons, auxquels nous sommes invités et dans lesquels nous sommes impliqués, voire embraqués. Penser comment l'on pense le réel devient alors si simple et ordinaire à la fois.


*Jean-Marie PELT, La raison du plus faible, Fayard, Paris, 2009
** Lire aussi : "Le lâcher prise 2"
Jean-Marc SAURET
Le mardi 14 septembre 2021


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