Connaître, comprendre et contrôler, voilà trois désirs naturels que nous avons sur soi, le monde et les autres. Quels sont-ils et leur comblement est-il à même de nous aider réellement, de nous servir... "pour de bon et pour de vrai"? Alors regardons de plus prés. Nous voilà en présence des trois moteurs de notre moi superficiel, celui qui justement, nous fait nous lever chaque matin. C'est le même qui nous permet d'affronter nos interlocuteurs, de bousculer l'environnement, les autres et le monde en fonction du paradigme qui nous gouverne.
Il me revient cette historiette. J'avais un camarade très bien positionné dans le ministère de l'Education. Il avait un poste important de conseiller. Il s'est plusieurs fois trouvé que nous avions quelques différends en termes de pédagogie. Je lui faisais remarquer que ce sont nos visions qui nous gouvernent, et que ce sont nos idées qui sont directrices. Il m'opposa vivement que la réalité était physique, que nos fonctionnements mentaux étaient chimiques, et que la science ne ferait "qu'une bouchée de (mes) conceptions de doux rêveurs."
Nous n'avions effectivement pas le même paradigme directeur. Pour lui, la matière et le chiffre étaient premiers, alors que pour moi, comme vous le savez, ce sont nos visions et représentations qui guident nos pas. Pour lui tout est mécanique, pour moi tout est organique. Pour lui, tout se calcule, et pour moi tout dépend du point de vue où l'on se place.
Cependant je me rendis compte que nous avions une démarche en commun : le désir de mieux connaître l'humain en général et chacun en particulier. Nous étions, de la même façon, désireux de mieux connaître le monde et les relations qui régissent le tout. Nous avions aussi le désir commun de tout mieux comprendre de ces identités, et de leurs modes de relations. Cependant, il témoignait d'un grand désir de contrôle des situations et de la diffusion des conceptions, alors que je n'attendais que quelques confrontations apprenantes.
Ce détail faisait toute la différence dans nos postures réciproques et sur la qualité de nos relations. Il lui arrivait assez fréquemment d'évacuer la conversation qui ne prenait pas en compte certaines de ces données "évidemment mécanistes". Pour ma part, toute contestation était l'occasion d'un approfondissement, conduisant à mieux connaître et à mieux comprendre.
Notre relation s'arrêtait donc à la porte du matérialisme. Je ne compris que bien des années plus tard, après forces études, accompagnements et rencontres, que la question du contrôle des choses relevait de la qualité de l'ego de la personne. Je m'aperçus alors, que connaissance et compréhension venaient servir le contrôle, et perdaient leur fonction d'ouverture au monde et aux autres. Cette dépendance, en fait, annihilait l'objet même de ces actions. Connaissances et compréhension n'étaient qu'au service de la maitrise du monde, du contrôle des choses et des gens.
Je comprenais alors que ces trois fonctions étaient, dès lors associées et interdépendantes, devenant ainsi les outils et les objectifs de l'ego. Tout se mettait au service du grandissement de ce dernier et le contrôle n'était qu'un moyen de son existence par son renforcement. Car, qu'est-ce que l'ego sinon le surdimensionnement d'une représentation de soi ? Il est loisible d'affirmer qu'il ne survit que par l'auto-alimentation de sa croissance. L'ego ne se préoccupe pas du monde et des autres, il les considère seulement, peut être simplement pour se grossir encore un peu plus lui-même.
Dès lors, il devient un redoutable frein aussi bien à la connaissance qu'à la compréhension du monde, de soi et des choses. L'ego phagocyte des fonctions et qualités au seul objet de se développer lui-même. Par leur mise en dépendance, il rend même totalement inopérantes ces trois fonctions de fond. L'ego m'apparaissait donc le frein absolu à l'éveil de l'humanité. Il ne s'agit pas de le nier, de le combattre, car il a cette capacité à prendre les qualités comme moyens de défense totalitaires.
Non, il s'agit juste de le laisser à sa place mineure, dans le périmètre de la fierté et du plaisir d'être, jusqu'à ce qu'il se dissolve de lui-même dans ce qu'il observe. J'ai cru comprendre qu'il ne nous servait à rien, si non qu'à avoir des ennuis... Peut-être, après tout ! Mais je ne le pense pas. il nous offre une certaine capacité à mesurer, calculer, corréler les éléments que nous distinguons du monde. Comme dit la nouvelle génération, il nous srt à "calculer" le monde qui nous arrive. Cependant, "nous sommes ce que nous contemplons", nous ont dit bien des sages de nombreux et différents horizons.
Bien sûr, il ne nous faut pas confondre le raisonnement avec l'ego. Ce dernier est aussi cette capacité de calcul jusqu'à l'abus pour démontrer qu'il a raison. Il se comporte un peu à la manière du sophiste qui affirme se trouver sur le bon chemin de la pensée juste, et qui, par voie de conséquence, considère que tous ceux qui n'y sont pas méritent le seul statut de marginaux, de complotistes ou simplement… d'idiots. Le raisonnement rationnel est bien ce qui nous permet de démontrer ce que l'intuition nous indique. C'est du moins ce qu'ont affirmé Poincaré, Einstein, Tesla, Planck et bien d'autres.
D'ailleurs, si on laissait le raisonnement se mettre au service de l'ego (et c'est ce qui arrive parfois), alors nous deviendrions les esclaves dudit ego, un ego tout-puissant et totalitaire comme celui d'un enfant de cinq ans. En revanche, si nous sommes adultes (et nous sommes bien dans ce ca) alors nous saurons bien éviter de tomber dans cet abîme… Hé bien, maintenant, tout simplement, contemplons sans les mots cet univers qui se donne à la conscience...
Jean-Marc SAURET
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