"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Le loup, l'humain, la bouche et la main (20 10)

Je regardais un documentaire animalier dans lequel une louve tentait d'apprendre à son louveteau récalcitrant la posture de soumission, laquelle est faiseuse de paix dans le groupe en permettant d’apaiser les conflits. Elle fait partie de ces rituels facilitant la socialisation et l'apprentissage du petit loup. 

A voir faire cette louve, retournant son petit avec sa gueule, je la voyais l'utiliser comme une main. Nous avons un chat et une petite chienne à la maison. J'ai compris depuis longtemps qu'on ne montre pas de la main ou du doigt quelque chose à ce type de compagnon. Ce geste là ne sert à rien car ces animaux là ne le comprennent pas. Par contre si je regarde dans la direction de cet objet que je souhaite lui indiquer, ou me dirige vers celui-ci, il réagit alors positivement.

Je me suis alors demandé si, les chiens et les chats, animaux qui nous sont si proches n'avaient de main que leur gueule. Une gueule qu'ils utilisent avec autant de douceur que de force selon les nécessités. Réciproquement, je me rendais compte que l'une des particularités des primates et des humains étaient bien constituée par la main. Il convient d'y ajouter que, pour les humains, se joint aussi la parole sortie de leurs bouches. Mais qu'en faisons nous ? A quoi les utilisons-nous vraiment, consciemment ou non ?

Concernant la main, l'observation des primates nous indique que nous ne sommes pas les seuls au monde à l'utiliser, ni même peut être les plus doués... Par ailleurs, j'ai vu des chats user de leurs gueules avec une extrême précision, allant jusqu'à laisser au sol les viscères nettoyés de leurs proies, ceux justement qu'ils ne souhaitaient pas ingurgiter. En cela, nos mains ne sont pas plus habiles que d'autres, et probablement pas plus adaptées que certaines gueules.

Mais notre bouche use d'une autre fonction bien précise. La capacité symbolique du langage va nous offrir d'autres possibilités de compréhension et de reconstruction du monde. Et c'est bien parce que nous symbolisons le réel, c'est à dire le monde dans lequel nous baignons, que la main devient elle aussi un objet de communication, de création. Mais tout ceci est-il un réel avantage ? Regardons de plus près.

De toute évidence, une main ne sert pas uniquement à saisir, à modeler, ou comme le verbe qui en est issu : à manipuler. A me regarder raconter un événement ou à tenter d'expliquer une idée, un point de vue, une analyse, mes mains s'agitent et participent à l'explication, au discours, au dialogue. Très vite, je me rends compte que les fonctions que la linguiste et psychosociologue, Catherine Kerbrat-Orecchioni, attribuait au langage, s'appliquent aussi en la matière à mes mains et je ne suis pas le seul...

La forme référentielle est bien là quand, indiquant quelques chiffres de la main, je veux structurer mon propos. Mais l'argument vaut aussi quand, lançant mon pouce vers l'arrière, je semble montrer tout ceux qui on dit cela avant moi.

Le mode émotif est là quand, par exemple, j'agite mes mains, formalisant ainsi de manière imagée l'émotion que ce dont je parle peut susciter ou a provoqué en moi une autre fois.

La forme conative intervient quand, par exemple, je claque des doigts ou pointe mon interlocuteur de mon index, cherchant à capter son attention.

La forme poétique apparaît quand mes mains commencent à faire de larges mouvements dans l'air comme pour circonscrire le volume ou l'importance des sentiments et sensations que mon propos évoque.

Le mode phatique est bien présent dans mon propos, quand mes mains tournent en rond au niveau de ma tempe tout en interrogeant mon interlocuteur afin de savoir s'il comprend bien ce que je voudrais lui indiquer, par exemple. C'est aussi le cas lorsque mes mains se soulèvent, paumes ouvertes dans un haussement d'épaules comme si, n'attendant pas que mon interlocuteur ait fini de dire ce qu'il exprime, j'acquiesce à ce que je considère comme une évidence. Je le préviens ainsi que je vais réagir, intervenir, et donc lui répondre.

On peut relever aussi le mode métalinguistique quand mimant des guillemets avec mes doigts, je tente de relativiser ce que je suis en train de dire. De cette façon, j'en minore la portée, voire le sens, de l'objet dont je parle, et donc du mot que j'utilise.

Tout ceci ne vaut pas pour les pattes de mon chat et de ma petite chienne...

Ainsi, nos mains, comme tout le reste de notre corps, et même notre corps en entier, disent beaucoup de choses à notre interlocuteur, voire à tous ceux qui même seulement m'aperçoivent. Les communicants ont l'habitude de dire que seulement dix pour cent de notre intention de dire passe par les mots. Tout le reste passe par l’intonation et les mimiques corporelles que l'on nomme le "métalinguistique".

Quand j'observe mon chien et mon chat, je comprends si quelque chose ne va pas ou non. On a parfois l'impression qu'il ne leur manque que la parole. Leur "métalinguistique", si l'on peut dire, nous parle fort. L'expression corporelle bat son plein. Quelques aboiements, miaulements, ronronnements, viennent ponctuer leurs postures comme des "actes de parole" avait écrit Boris Cyrulnik dans l'introduction de son ouvrage "Les nourritures affectives".

Alors oui, cette parole effective ou signée par nos mains (et je trouve l'expression particulièrement juste et parlante) apparaît comme un plus, comme un avantage. Mais regardons ce que nous disent aussi les éthologues sur la conscience animale, tout comme les linguistes et sociologues, les psychanalystes et psychologues sur l'étendue et la portée de notre langage.

Il semble aux spécialistes de la vie animale en société que la question du temps n'existe pas chez les animaux qu'ils étudient. Le temps n'existe qu'au présent, et seul l'immédiat leur sert de cadre au réel. Pourtant on dit que certains animaux ont une mémoire d’éléphant, mais rien ne dit là que le passé soit un temps réel vécu comme tel. Souvenirs et réminiscences se font toujours au présent. Avez vous déjà vu un animal rechercher celui qui l'a frappé un certain jour ? Non, jamais. Seulement quand il le croise à nouveau, il lui règle son compte, mais n'en fait pas "tout un fromage", comme nous disons.

C'est là que je pense voir l'avantage du non-langage chez l'animal et l'inconvénient du langage pour les humains. Le langage, nous disent psychosociologues et psychanalystes, est une symbolisation du réel. Ils nous indiquent que la réalité n'est jamais que la "conscience" ou la construction imaginaire de ce que l'on en pense, en retient, et à partir de quoi nous agissons... Le langage nous permet de rendre présent ce qui n'est pas là et de le traiter. C'est ce que nous faisons là, actuellement par cet article, en le lisant comme en l'écrivant. C'est là ce que l'on appelle aussi l'activité du mental.

Cette pratique nous offre la possibilité de "manipuler" le réel, de le déconstruire et de le reconstruire, d'en extrapoler d'autres réalités. Il se passe la même chose en séance de psychanalyse. Cette fonction est aussi celle par laquelle viennent l’angoisse, la peur, la manipulation, la souffrance mentale, la dépression, voire la folie. 

C'est bien celle-là dont a voulu s'occuper le prince Siddhartha, celui qui devint, après en avoir trouvé la solution, le Bouddha. La solution consiste justement à calmer le mental, à laisser passer ses multiples et incessantes productions (les pensées) comme les oiseaux ou les nuages dans le ciel. Il ne s'agit pas de tenter l'impossibilité, en tentant de les faire cesser, mais juste de s'en détacher. Ainsi, le méditant s'installant temporairement dans le seul et unique présent, les conséquences des pensées s’effacent et la paix revient. 

C'est à partir de ces éléments que Jon Kabat-Zinn construisit la méditation de pleine conscience, celle-là même que le psychiatre Christophe André introduisit comme principe thérapeutique contre la dépression à l’hôpital Sainte Anne à Paris. 

Le flot de nos pensées est comme l'eau d'un torrent, d'une rivière ou d'un fleuve, voire le mouvement des marées. Le flot coule en continu et personne n’imagine devoir l'empêcher, l'arrêter. L'eau, qui est indispensable à nos vies, est aussi ce flot qui, lors des inondations, crée des ravages, des glissements de terrain. Et c'est lui aussi qui creuse les falaises, emportant le sables de nos plages chéries, etc. A l'instar de la langue d’Ésope, l'eau, comme le langage, est la meilleure et la pire des choses, sauf quand la pratique nous permet de la canaliser et de nous en distancer quelques moments, juste avant les inondations et les pluies torrentielles...

Ainsi, depuis nos mains co-inscrites dans le langage, passant par nos corps pensants, nous voici navigant entre symbolique et savoir faire, à la rencontre de l'imaginaire, de l'action créative et du calme mental enfin retrouvé.

Jean-Marc SAURET

Le mardi 20 octobre 2020





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