Sortis
de la phase de confinement, nous allons avoir à choisir entre la
poursuite d'un néolibéralisme mondial et capitaliste, et un vivre
“autrement”. C’est cette alternative qui va mettre “la Vie”
au centre des préoccupations, constituant ainsi une finalité
nouvelle. Formulé autrement ce pourrait devenir un objectif de
“bien-être” majeur.
Nous
comprenons bien aisément qu'il ne s'agit pas d'une simple crise, que
nous venons de vivre. Il n’est en l’espèce, aucunement question
d’envisager un retour à la situation de départ (ce serait là
signer notre propre mort et celle de nombre d'espèces vivantes).
Nous sommes là en face d'un saut de mutation vers un “autrement”
inconnu et évident. Mais regardons de plus près.
Que
s'est-il passé lors de ce confinement ? Les gens se sont-ils soumis
à l'autorité ? Non, ils ont intégré de la situation tant sa
problématique que la nécessité. Ont-ils pleinement adhéré à la
politique de gestion de l'Etat ? Pas du tout ! Plutôt très
critiques pour la plupart (70%), ils ont applaudi les médicaux et
hospitaliers, mais aussi les éboueurs, les caissières, les
chauffeurs de transport des personnes et des biens, les livreurs, les
routiers, les caissiers et caissières, les agriculteurs, les boulangers, les artisans, les agents funéraires,
etc. C'est-à-dire tous ceux qui sont resté les "premiers de
corvée", ceux qui prenaient plus de risques que tous les
autres.
Dans
leurs conversations numériques et téléphoniques, tous ces gens
confinés et réputés “premiers de corvées” ont échangé, se
sont écoutés et compris, se sont racontés. Tous ont bien réalisé
que ce ne serait plus jamais comme avant.
C’est
dans ces conditions qu’un énorme débat est né sur le "comment"
faire et vivre cet après.
Nombre
ne pouvait concevoir le retour du néolibéralisme capitaliste et
totalitaire, d'autres concevaient que seul le comportement
mondialiste devait s’arrêter, qu'il fallait relocaliser les
productions et développer les services publics. D'autres encore
concevaient qu'un effondrement de tout le système arrivait et qu'il
était temps de revenir à la vie locale, en lui redonnant le
pouvoir. De la même façon, il devenait indispensable de rompre avec
un jacobinisme totalitaire, en inventant un communalisme
libertaire,... même si nombre de ceux-ci n'avait pas ces mots-là.
Mais tous ceux-là s'accordaient à dire que le changement était
opportun, voire inéluctable.
Il
s'agissait donc de choisir. Et ce choix devenait lumineux, entre deux
termes inconciliables. On peut résumer la situation à cette
alternative : continuer un chemin néolibéral d'économie
mondialisée et suicidaire (dont tous avaient pris conscience qu'il
l'était),... et un chemin de sauvetage de la planète et de la vie
qui s'y trouve.
Il
s'agit donc bien de choisir entre la Bourse et la Vie.
Pendant
ce temps-là, la société BlackRock, investisseur dans le pétrole
et propriétaire de fonds de pension, devenait le conseiller en
gestion de l'environnement de l'UE. On ne pouvait pas imaginer de
choix plus...disons… paradoxal...
Même
Bill Gates, l'une des plus grandes fortunes du monde, acteur central
dans le développement du néolibéralisme, y va de sa leçon de vie.
Il invite à plus d'humanité, à plus de respect de la vie, exaltant
l'intelligence collective et la dynamique universelle... Certes la
parole est belle, mais in fine il parvient au même résultat, avec,
au bout du compte, cette même économie néolibérale mondialisée.
Simultanément,
le philosophe Michel Onfray continue de développer un discours
anti-maastrichtien, anti jacobin, néo-girondin, communaliste et
libertaire. La renaissance se fera, selon lui, dans les collectifs
locaux réinventant un vivre ensemble pour eux-mêmes et par
eux-mêmes. Ce libertaire proudhonien a déjà commencé le travail
et conforte celui déjà renaissant de gilets jaunes, d'alter
mondialistes, de nuits debout, “d'anonymous”, de partis pirates
et j'en passe.
Sur
le terrain, les éco-villages se développent dans des collectifs
réinventés sur place. Les ressourceries fleurissent, les bars
associatifs, les Amaps continuent leur progression. Cette population,
qui n'attend pas de lendemains qui chanteraient, s'en occupe déjà
depuis biens des années, et ce avec courage, créativité, humanisme
et détermination. Ils sont, tous ceux-là, la vie qui renaît. Ils
sont le phénix qui renaît des cendres d'un système malade et fini.
Le
coronavirus apparaît comme un pur produit de la dévastation du
vivant de la planète, par quelques ultra-riches qui n'ont de cesse
que de s'enrichir. Faut-il leur jeter la pierre ? Je ne suis pas
celui qui jettera la première. Je suis trop conscient que
l'enrichissement continu est une addiction, une pathologie
névrotique, aussi terrible que celle que produisent les drogues
fortes. Elles aussi sont des produits du néolibéralisme qui a mis
le profit au centre de la préoccupation. Ils appellent cela la
"croissance". Je l’appelle la "dévoration".
En
effet, nombre de maladies actuelles sont des pathologies de la
dévoration. On peut citer, à titre d’exemples les cancers, la
boulimie, l'obésité et l'anorexie. La posture demandée à tout bon
consommateur est la dévoration des produits,... alors qu’il
pourrait plutôt, penser, choisir et décider. Non, la réponse
induite consiste à consommer à tout va. C'est cela qui crée la
croissance. On retrouve là aussi une démarche de dévoration où le
système dévore et surconsomme ce qu'il surproduit. Le système a
gonflé jusqu'à l'explosion ! Nous y sommes...
Alors,
que fait-on maintenant que l’effondrement se dessine ? La réponse
est somme toute assez simple. On se réunit, on se parle, on
s'écoute, on partage les analyses et les constats. Simultanément,
on regarde nos "cultures" et nos "nécessités"
et on projette sur l'avenir ce que l'on souhaite vivre, conscients de
nos interdépendances. Cela s'appelle des assemblées constituantes,
comme l'indique, le prône et l'organise Etienne Chouard. Je pense
aux alternatives telles celles que proposent les "économistes
atterrés". Je pense à Thomas Porcher, Philippe Abecassis,
Philippe Guillaume, Jean-Marie Harribey, Catherine Mathieu, etc.
Ce
monde vivant alternatif est bien là. La société des "Alternants
culturels" est bien déjà là et c'est vraiment le sens de la
vie.
Jean-Marc
SAURET
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