Notre
éducation occidentale nous amène à considérer notre "raison"
comme le "poisson pilote" de nos vies. Il s'agit bien de
rationalité, voire de sagesse rationnelle, dont nous usons pour
faire l'analyse causale de la
situation et des phénomènes, bien résolus à comprendre
ce qui s'est effectivement passé. La logique mathématique
nous accompagne tout au long de ce processus d'analyse
compréhensive, puis de construction du projet de réponse aux
phénomènes observés.
Il s'agit de ne pas se laisser
emporter par la passion, comme la colère,
réputée mauvaise conseillère, le dégout
ou la séduction. Il s'agit bien de prendre une conscience profonde
des tenants et aboutissants pour agir efficacement sur le registre
des causes. On constate alors qu'avec la logique mathématique, la
dictature du chiffre s'installe : ce qui se compte est pris en
compte, comme le poids, la taille, la durée, la force, etc. mais ce
qui ne se compte pas ne l'est pas, et donc
n'existe pas. Il s'agit en l'espèce de ces aspects dits plus
''informels'', comme la sensation,
l'émotion, la douleur, le plaisir, etc.
Il me souvient de cette
affaire criminelle où l'évidence factuelle accusait l'amant.
L'officier de gendarmerie qui conduisait cette enquête ne "sentait"
pas cette évidence, comme l'on dit. Quelque chose le "chiffonnait",
avait-il dit. Il était incapable de dire ce dont il s'agissait, ni
de donner les symptômes invitant à ce doute. Cependant, il
continuait à investiguer le champ des proches du mari, décédé
de manière très étrange. C'est à ce moment qu'il eut
l'intuition qu'il y avait là une seconde affaire. Effectivement, une
question d'héritage croisait une marginale affaire de cœur. Le
véritable coupable en avait fait l’alibi opportun. Celui qui
allait "justement" le servir pour construire son
forfait, comme un crime parfait.
Dans tout autre chose, il
me souvient aussi de cette déclaration d'Albert Einstein dans
laquelle il affirmait qu'il avait d'abord eu l'intuition de la
relativité avant d'élaborer sa théorie sur la relativité
générale. Le calcul seul ne faisait pas le résultat. La logique
seule n'emporte pas la vérité, ne permet pas du moins de
l'atteindre.
Ainsi, combien de fois
avons-nous regretté des décisions, des gestes ou des attitudes,
emportés par la logique des choses. Bien des fois, nous disions que
le "cœur" nous aurait conduits autrement. Et comment ne
l'écoutons-nous pas autant, celui-là ?
Il se trouve qu'à
l'inverse de Saint Thomas, nous ne croyons pas ce que nous
voyons, mais nous voyons ce que nous croyons. Or, la logique nous
fait, non pas office de raison, mais de vérité. Effectivement nous
confondons assez vite "raison" et "vérité". Là
où la déduction a permis à Einstein de faire la démonstration de
ce dont il avait eu l'intuition, nous avons tendance à mettre la
démonstration comme chemin de la vérité. Mais, comme me disait un
médecin de mes amis, "les chiffres avouent tout sous la
torture..."
Combien de fois avons nous regretté
de ne pas avoir suivi notre cœur ? Il me
souvient d'autres histoires qui m'ont été rapportées par mon père
et d'autres "anciens". J'en ai déjà relaté les faits
ici. Je repense à cette histoire où l'épouse du médecin du
village vint la nuit voir mon père pour lui dire qu'il fallait aller
au village d'à côté où son mari venait de se rendre. La
logique voulut que mon père la fit attendre le temps que le médecin
ait fini sa consultation et puisse rentrer. Mais le temps logique
écoulé, mon père et l'épouse se rendirent en voiture au village
voisin et trouvèrent à l'entrée de celui-ci la voiture du médecin
encastré dans un arbre.
Au moment de l'accident,
l'épouse avait eu la sensation de l'horreur et était accouru voir
mon père, le seul, dans le village, avec son médecin de mari, à
posséder une voiture : prémonition ? Non, sensation, ressenti
! Nous ne sommes plus, là, dans le domaine dudit rationnel mais bien
dans celui de l'accès direct aux choses intuitivement.
J'ai, dans d'autres
articles, relaté ce type d'histoire qui montrent que nous avons une
perception de la réalité qui dépasse les canaux de la raison. On
appelle aussi cela l'intuition, une sorte de
perception extrasensorielle, inhabituelle, incompréhensible mais si
prégnante.
On dit, dans les
connaissances populaires autour des rebouteux et autres coupeurs de
feu, que tout le monde peut avoir accès à cette dimension
considérée comme "surnaturelle", c'est-à-dire perçue
au-delà de ce qui nous semble "raisonnablement" naturel.
Moi-même sensible à
cette dite intuition (je m'en suis ouvert dans un autre
article), me suis longtemps posé la question de ce qu'elle
était, de ce qu'était sa nature. Ce propos ici, résume mes
modestes conclusions. Je ne sais pas d'où elles viennent, ni
par où elles passent, mais elles me rappellent cette
sensation dont les artistes parlent à propos de l'inspiration. Comme
disait Rimbaud, "JE est un autre", ou comme racontait en
interview le guitariste Eric Clapton : "La musique
nous traverse et arrive sous nos doigts, et nous ne savons pas d'où
elle vient..."
Avons-nous besoin de
connaitre les "mécanismes" de l'intuition pour
l'accueillir, en user et la prendre en compte ? Certainement pas ! Ce
n'est seulement là qu'une demande expresse de notre rationalité.
C'est tout !
Alors, quand nous
débattrons sur l'intelligence rationnelle et l'intelligence
intuitive, voire sur les caractéristiques de leurs manifestations,
sur ce que nous en faisons ou pas, etc., ce n'est là que donner du
grain à moudre à notre "besoin de rationalité".
Ce que je crois avoir
compris c'est qu'il ne s'agit pas d'intelligence émotionnelle.
Cet "élément" fait bien partie de l"intelligence
intuitive" que l'on peut retrouver dans nos
classifications raisonnables. Mais j'ai cru comprendre que c'est
là que se situe la vraie force profonde de nos
connaissances, et donc la réalité de ce type
d'intelligence "irrationnelle"... celle que justement
reconnaissait Einstein...
Dès lors, pourrions-nous oser vivre
intuitivement, comme l'ont fait quelques illustres savants par le
passé, même proche ?
Jean-Marc SAURET
Le mardi 4 février 2020
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