Parmi
les divers fondamentaux à la liberté, il en est un qui prime
peut-être sur les autres, par son caractère "essentiel".
En l'espèce, en effet, j'ai avant tout besoin de savoir quels sont
mes buts et objectifs réels et profonds : pouvoir les poursuivre,
pouvoir tendre à les atteindre est le fondement de ma liberté.
Corrélativement, bien sur, si les actes que je mets en oeuvre
servent bien ces finalités là, la liberté n'est plus l'absence de
contraintes, mais leur gestion, au regard du monde à défendre. Si
je ne le fais pas, je deviens la victime d'une illusion qui, de fait,
me soumet. Elle me met en esclavage, et me réduit en dépendance...
La
liberté c'est plutôt l'art de faire vivre ses valeurs et de
construire une vie, voire un monde, à son image. La manière dont
vous concevez la liberté dit qui vous êtes. Si pour vous, la
liberté est de pouvoir choisir, il faudra regarder les variables et
autres éléments que vous considérez, et que vous avez à classer.
Mais il faudra aussi regarder les critères discriminants dont vous
usez. Ce n'est qu'après, seulement, que la question de la liberté
pourra être considérée.
Quels
sont les "détails" qui accompagnent les éléments soumis
à vos choix ? Quelles caractéristiques, privilèges, avantages,
biens, sont-ils liés ou pas à chaque élément de votre choix ?
Mais
aussi, quel est l'environnement dans lequel vous faites vos choix ?
Quelle pression extérieure, quel environnement de valeurs, quelle
cosmogonie fait "monde" dans cette prise de décision ?
En
cette occurrence, si vous faites un choix le pistolet sur la tempe,
ce n'est pas la même chose que si vous le faites sous le sourire
charmeur d'une ou d'un autre, peut être partie prenante... Il se
trouve, par ailleurs, que personne ne fait de choix hors contexte. Il
y en a toujours un autour de chaque prise de décision. Le tout est
de le connaître et de la caractériser, afin d'apprécier le poids
de l'environnement intérieur et extérieur sur cette prise de
décision.
Imaginons,
par exemple, l'exemple bien connu du choix de Sophie : l'officier
nazi lui demande de choisir celui de ses deux enfants qu'elle va
sauver ? L'autre lui sera retiré et sera abattu. Soit elle fait le
choix, soit elle ne le fait pas et renvoie l'officier nazi a sa
responsabilité. Mais qui condamnerait Sophie dans ce type de choix
ou de non-choix ? Personne, bien sûr... Ce prétendu choix est une
arnaque, une illusion. L'objectif principal (le droit de vie et de
mort sur les prisonniers, renvoie inéluctablement à leur
destruction programmée). Rien en l'espèce n'est négociable. Ce qui
est affirmé dans ce pseudo choix, c'est la domination absolue des
nazis. C'est tout.
Alors,
sur quoi Sophie peut faire son choix, ou pas ? Uniquement sur ses
valeurs fondamentales, attachées à sa conception du monde? Est-elle
en réelle position de choix ? Le contexte le lui dit clairement. De
fait, il n'y a pas de choix hors contexte, hors valeurs, hors vision
du monde, ni hors objectif. Ces quatre variables sont toujours là
comme le socle de la liberté de choix. S'ils n'y sont pas, elle n'y
est pas...
Quand
je fais un choix, je sauve quelque chose, je mets en exergue une
notion d'importance pour moi, même quand j'ai l'impression de me
battre pour rien. Je peux prétendre avoir fait tel ou tel choix "
parce que j'en ai envie !" et la seule réponse, le seul critère
de choix est réduit à cette seule notion : "parce que j'en ai
envie !".
Hé
bien, ce qui se défend dans cette prise de décision c'est la
sensation d'avoir le choix, la sensation d'être libre de choisir...
Le candidat au choix est là dans une sensation de choix, pas dans
une réalité de choix. Tout ce qui importe est que l'impression du
choix soit sauve.
Sur
un marché de produits quelconques, l'illusion du choix est grande
parce que le nombre d'objets à disposition est pléthorique. Mais
qu'y a-t-il derrière tout cela, derrière cette offre pléthorique ?
Il y a juste que vous allez acheter, n'importe lequel de ces objets,
mais vous achèterez. Alors le choix de l'achat ou pas disparaît
sous l'offre pléthorique, voire inutile.
Ici,
le choix est muselé par l'offre. Il n'y a de fait qu'un choix
particulièrement restreint. Alors, le sage dit : "En as-tu
réellement besoin ?"
Quand
le jeune dit : "Si j’obtiens cette moto, je serai heureux".
Le sage répond : "Sois heureux et ensuite vois si tu as besoin
de cette moto". La liberté est soumise au désir, lequel est
soumis à l'illusion et à la frustration, lesquelles sont
directement liées au marché. Il convient d'observer, à cet égard,
que ledit marché est soumis au désir de plus grandes richesses des
vendeurs... Il n'y a là que bien peu de liberté, juste une
soumission tant aux envies qu'aux images et "valeurs"
véhiculées par le contexte.
La
question est donc de savoir quel monde je veux voir se développer,
dans quel univers je veux vivre et évoluer. Avant d'effectuer
quelque choix que ce soit, j'ai besoin d'être sûr des valeurs que
je veux défendre, du monde dans lequel je veux vivre et dont je suis
de toute façon partie prenante... Je ne veux pas dépendre d'un
environnement qui me ''presse'' mais bien en rester le maître.
Ensuite,
j'ai besoin de savoir quels sont mes buts et objectifs réels et
profonds, et si les actes que je privilégie servent ces
finalités-là. Ainsi, la liberté n'est pas l'absence de contraintes
mais leur gestion eu égard au monde à défendre. Si je ne le fais
pas, je suis victime d'une illusion qui, de fait, me soumet. Elle me
met en esclavage, et donc en dépendance. Ce n'était pas exactement
l'objectif !...
Jean-Marc SAURET
Le mardi 11 février 2020
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