Pour
faire court, Serge Moscovici (oui, le père de Pierre) a écrit que
nous souhaitions vivre dans un monde prédictible. Dans ces
conditions, si les comportements de "l'autre" ou les
changements dans l'environnement sont prévisibles, alors il y a
"confiance". Ce n'est là qu'une affaire de prédictibilité.
Si je sais ce qui va se passer, (ou ce que l'autre va faire), que
cela me plaise ou non, tout ceci reste du domaine du prévisible. Je
sais donc comment réagir, comment m'organiser. Ce n'est que ça, et
tout ça, le champ de la confiance.
Souvent
nous ajoutons que nous pouvons, (ou non), compter sur les autres ou
certains autres, mais ceci est un "en plus" dans le champ
de la confiance. Cet élément, complémentaire, constitue une
"valeur ajoutée". Car on confond souvent la confiance
positive (ce que je souhaite vivre avec des personnes, ou dans un
environnement donné), et la confiance "tout court" qui
consiste à savoir, comprendre et prévoir ce qui va se passer, ou
comment les gens vont se comporter.
Il
se
trouve donc que la confiance reste une affaire personnelle, faite
d'intuition, de réflexion, d'intelligence, de compréhension. Ce
n'est jamais l'affaire ou la responsabilité des autres. Cependant il
existe en nous une tendance forte… celle qui consiste à rejeter
sur "l'autre" tout ou partie de la responsabilité des
faits avérés (ou non).
Même
si je place la confiance comme une condition propre à la relation à
venir, ce ne sont jamais que mes choix et mon intelligence qui sont
en cause, jamais ceux de "l'autre" en fait.
Quand
nous disons "il a trahi ma confiance", on dit juste "je
n'ai rien vu venir alors que je m'étais totalement investi…
J'avais de fait ouvert mon cœur, etc. Il (ou elle) m'a fait mal. En
l'espèce, ce n'est jamais que moi... qui me suis fait mal.
Faut-il
pour autant fermer nos cœurs et nos esprits ? Non, évidemment, non
!... Il nous faut juste être attentifs et comprendre ce qui se passe
et, le cas échéant, ce qui pourrait advenir. Et puis, et peut
peut-être surtout, savoir qu'il ne faut pas trop exiger, demander, à
l'autre,... ou au monde.
Il
se trouve, en cette occurrence, que je projette sur le monde qui
m'entoure, mes valeurs, mes règles de vie, en les considérant comme
universelles. Voilà le mécanisme qui se met en place à notre insu.
Nous ne sommes, en matière de confiance, que victimes de nous même.
Se
pose ensuite la question de "comment produire de la confiance
chez les autres ?". Nous le faisons en envoyant des signaux
indiquant jusqu'où nous sommes prévisibles, prédictibles. Cela se
met en place par l'expression de nos intentions, de nos
représentations, de nos valeurs, de nos règles de vie ou de nos
coutumes. Ces éléments dépendent aussi de la nature de notre lien
social, de notre vision du monde. Tout ceci se trouve explicité par
les actes que nous posons. Ils en témoignent.
La
clarté et la constance de nos "productions" complètent, à
l'évidence, le caractère "concret" de notre image.
L'autre reçoit nos "indications" non seulement en fonction
de ce que nous émettons, mais aussi en fonction de son propre vécu,
et de ses représentations. Tous ces facteurs sont fonction de ses
valeurs, de son lien social, de ses attentes ou envies, etc... Je
renvoie là au schéma canonique de la communication par Roman
Jakobson.
On
sait aussi que, biologiquement, nous propageons des odeurs, des
"objets olfactifs". Nous les "produisons" selon
notre état de paix ou de colère, selon nos habitudes alimentaires,
selon notre sexe, etc... Ces éléments constituent des
marqueurs très diversifiés. L'autre les reçoit, tout comme nous,
de manière inconsciente. Ces odeurs portent du sens en fonction de
l'émetteur, mais aussi en fonction de nos attentes, de nos
aspirations, de nos représentations cosmogoniques (de soi, du monde
et de l'autre). Ces divers facteurs sont bien entendu, fonction de ce
que nous nommons "le désir fondamental". Celui-ci,
sous-jacent, dirige toute notre activité, tous nos comportements,
et dicte ce que nous cherchons, attendons, espérons...
Tant
qu'il y a adéquation entre les signaux et ce que nous attendons, la
confiance est là.
Par
exemple, si je souhaite entrer en contact avec cette personne qui,
dans cette assemblée, me semble sympathique, je lui souris, ce qui
signifie mon ouverture à elle. Peut-être, à partir de ces
prémices, va t elle penser positivement à mon égard, (ou pas).
A
partir de ces "signes" elle fera ce qu'elle voudra, en
fonction de ce qu'elle en ressentira. L'interaction s'avérera
féconde ou non...
Inversement,
si je croise une personne qui m'est antipathique pour quelque raison
que ce soit, mon visage va se fermer et l'autre risque bien de
comprendre que la communication pourrait être bien difficile. Voilà
un signal réactif, indiquant que la relation est "interdite"
à ce moment précis. L'autre en prendra acte, et selon son désir en
tiendra compte ou pas... voire s'en étonnera !
La
confiance repose autant sur ces investissements que nous mettons dans
la relation, que dans la réception de ces messages informatifs.
C'est bien ce, "va et vient" réciproque qui formalise ce
que nous sommes, et ce que nous ressentons. Voilà véritablement la
cause, mais aussi la résultante de nos postures ici et maintenant...
C'est tout… si je peux dire...
De fait, la confiance n'exclue pas le contrôle, ... oui, mais de soi ! Car, s'il y a bien deux choses qui m'agacent, ce sont bien la suffisance et les rapports d’Ego. Mais nous y reviendrons...
Jean-Marc SAURET
Le mardi 14 janvier 2020
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