La
quasi totalité des phénomènes sociaux naissent sur un motif
superficiel, quasi anodin, mais socialement recevable et concernant
un grand nombre. Il est une sorte de lieu commun vers lequel
convergent des groupes aux intérêts divers. Ensuite les motifs
s'affinent, les raisons se précisent et les discours se construisent
plus exactement. Mais il faut que l'action commune de rébellion ou
de résistance soit effectivement posée pour que cela soit. Dans le
phénomène des gilets jaunes, par exemple, le point de convergence
fut l'augmentation des tarifs des carburants. Ensuite, nous avons vu
émerger différents motifs de mécontentement, différents discours
singuliers pour qu'enfin, après quelques semaines, ce soit un projet
de changement de société qui s'affirma.
La
réponse à ce type de phénomènes sociaux est simple. C'est soit
l'intégration, soit la répression. Dans l'intégration, le débat
est instamment ouvert et les échanges rationnels commencent jusqu'à
l'obtention d'un lieu commun d'entente, puis d'accord. La chose est
simple et constructive. Je pense, par exemple, aux accords de
Grenelle qui ont succédé aux événement de mai soixante-huit.
Et
puis il y a parfois le choix de la répression. C'est une succession
d'action posées jusqu'à ce que la population se taise. Mais que
fait-on à un enfant qui pleure ? Le punit-on, le menaçons-nous, le
battons-nous jusqu'à ce qu'il se taise ? Bien sûr que non car nous
savons bien que cela est contraire au résultat attendu, contraire à
la dynamique qui est là sous nos yeux.
Soit
l'enfant crie de plus belle et c'est une bonne conséquense qui nous
amène à changer de stratégie. Soit l'enfant se tait et nous ne
savons pas à ce moment là que nous avons "fabriqué" un
rebelle, peut être à vie, ni comment cela
se manifestera par la suite... Pseudo
''réussite de très court terme'', ou victoire à la Pyrrhus ?
Si
les enfants sont plusieurs à vivre ensemble la situation, alors
peut-être avons-nous solidarisé un groupe de rebelles qui
s'auto-alimentera jusqu'à la victoire : notre chute. On ne sait
juste pas quand ce sera...
Là,
le problème devient crucial. Un enfant battu qui se tait est un
rebelle qui se prépare, voire un psychopathe, comme aime à le dire
la sagesse populaire actuelle. Imaginez s'il s'agit d'une
population... Le phénomène de rébellion n'est donc pas tu mais
seulement repoussé. Certes, il ne réapparaîtra pas avec la même
intensité, mais avec une violence et une détermination bien
supérieures. Et ces réactions peuvent n'avoir plus rien de
raisonnable, avec leur cohorte de haine et de colère trop longtemps
rentrées. Nous sommes alors là face à des phénomènes
d'insurrection encore moins métrisables, ou canalisables. La réponse
violente s'appelle alors une guerre civile.
Mais
si dès le départ, on intègre la revendication à la problématique
sociale, voire sociétale, alors, comme dans les accords de Grenelle,
une convergence d'intention apparaît et une troisième voie
peut être trouvée. Mais pour le savoir, il faut parler,
écouter réellement, ouvrir un débat honnête et surtout
pas une mascarade de débat. Un débat de type monologue
néo-explicatif ne fait qu'empirer les choses, augmenter les
résistances et sublimer les actes de réprobation.
Ainsi,
quand le débat est arbitré et organisé par une seule des parties,
et assortie d'une orientation mono-axe, que si, de plus, les
débatteurs sont sélectionnés par la même partie, et que la
circulation de la parole est bloquée par le protocole, alors tout le
monde comprend qu'il y a là une supercherie. Les conséquences
risquent d'être terribles.
Mais,
imaginons, à contrario, par exemple, la situation sociale suivante :
des gens dans la population se plaignent des difficultés de
circulation, et de l'immobilité dans laquelle ils sont contraints.
Par ailleurs, en étudiant la situation, on s'aperçoit que tout le
marché du vélo est en
régression.
Si,
dès lors, les responsables des infrastructures développent un
réseau de pistes cyclables, avec toute une infrastructure de garage,
de stationnement, de location, d'échanges, etc. alors une dynamique
en réponse apparaît.
Certes,
elle ne résout pas tout mais elle soulage déjà les
déplacements de proximité, ouvrant un "possible", avec
une zone de progrès. Cela introduit l'hypothèse qu'en la matière
quelque chose est faisable, qu'à partir de là, la situation peut
changer. Il devient alors certain que l'intention de résolution de
la problématique se trouve partagée. La voie de progrès est
ouverte et le chemin d'une reconstruction, d'une co-construction,
est, dans la représentation de tous, envisageable.
Cette
nouvelle facilité dans les déplacements de proximité est alors
vécue comme un soulagement pour tous et un espoir pour chacun. Alors
les acteurs sont enclins à devenir collaboratifs. Ils vont aussi
créer de nouvelles solutions que la gouvernance organisatrice n'aura
plus qu'à intégrer à sa politique. Mais pour cela, il faut une
intention commune : le bien-être de chacun et de tous, soit
l'intention d'une politique égalitaire accueillant librement tous et
chacun, et œuvrant pour eux.
Si
la fraternité est la somme de la liberté et de l'égalité (comme l'écrivait Jean Castaldi), quand
la liberté est réduite et l'égalité bafouée, voire confisquée,
alors partout la fraternité se délite en égoïsme. Le signal d'un
individualisme forcené est donné et il ne demande qu'à s’amplifier.
Le
fait est que, plus on est haut dans une hiérarchie, plus la mission
est universelle, d'autant plus essentielle. Si l'on y poursuit
des intérêts personnels (et de plus ouvertement), on devient alors
un traître, un parjure et un escroc aux
yeux du plus grand nombre. C'est au choix...
Alors,
pourquoi une telle mauvaise posture chez notre Président ? Pourquoi
même une telle radicalité, dirai-je ? Parce que nous avons affaire là à un
idéologue. Sa représentation du monde est binaire. Et comme tout idéologue, il est enfermé dans sa posture
de représentant de l'axe du bien. Tout ce qui lui résiste est donc
dans l'axe du mal. Il s'installe dans une moraline, comme l'aurait
dit Nietzsche, qui
condamne l'opposition et même le débat avec elle. Car il y a
l'élite qui est bien pensante et le peuple qui ne comprend
rien. Voilà pourquoi il a conduit sa politique et son dit "grand débat"
de cette manière totalitaire, docte et hautaine.
Prisonnier
dans cette moraline, par laquelle il fédère son "camp", il amalgame les oppositions dans un même sac où
tout est populiste, antisémite, xénophobe,
homophobe, raciste, voire même pédophile, pourquoi pas...
Car il s'agit de "salir" tous et tout ce qui s'oppose à
son "axe du bien". Ainsi, toute opposition est
anathématisée, et proposée à la vindicte populaire, laquelle ne
le suit pas. Mais il s'en moque car, par définition, le peuple, toujours dans sa moraline, est
un adversaire idiot. Voilà pourquoi cette posture et tous ces choix contre-efficaces !
Jean-Marc SAURET
Le mardi 7 janvier 2020
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos contributions enrichissent le débat.