Nous
nous pensons "la civilisation civilisée" et nous somme persuadés que
c'est le cas. Toutes les autres civilisations sont limitées ou archaïques à nos
yeux... "fermés". Mais qu'en est-il vraiment ? Il va nous falloir, pour
le voir, faire un énorme effort d'humilité, bousculer nos
certitudes et nous regarder dans les yeux. Pour y aller doucement, je vous propose de revoir
quelques extraits du très beau et très juste film "La
belle verte" que Coline
Serreau réalisa en 1996.
Le cœur du message de ce film montre que nos
pensées réputées cartésiennes et matérialistes nous éloignent de la
réalité. Elles font de nous des handicapés de la sagesse et du
savoir. Les plus évolués des êtres sur cette planète sont ici les
aborigènes d'Australie,. Il s'avèrent être intuitifs, en lien direct avec la nature, et télépathes et bienveillants. Ceux-là savent que l'essentiel est à
l'intérieur de nous.
Notre
civilisation "civilisée", quant à elle, a mis la primeur sur la technologie et
la possession, sur la force et la domination. De ce fait, elle a
développé la violence, la tromperie, le mépris des autres, le
matérialisme et sa technologie. Ce qui se compte existe, mais pas le reste. Et nous ne comptons que ce qui contribue à nos désirs d'utilité.
Pour
se faire une bonne image de ces références là, il nous faudrait
relire les mémoires de Sitting Bull, ce "chef" Sioux
Lakota, ce "native american", qui vainquit le général
Custer à Little Bighorn le 25 juin 1876. Il y relate comment lui et ses
compagnons combattants avaient tué les tuniques bleues : elles
se battaient, certes, mais il s'agissait de respecter les guerriers au combat.
Il racontait à cet effet, qu'ils n'ont pas tué leurs chiens car ceux-ci n'avaient rien à
voir avec le différend à l'origine de cette guerre. Nous sommes
bien loin de la caricature de sauvages sanguinaires perpétrée par lesdits
"blancs".
Notre
civilisation parle plus des choses qu'elle ne les connaît vraiment et qu'elle ne
les vit. La démarche est avant tout rationnelle, c'est à dire conceptuelle
et déductive. On démontre plus que nous ne montrons, que nous ne donnons à
voir. Il nous faut les artistes pour cela. Ainsi, la place pour le
mensonge, la divagation ou l'obsession, occupe-t-elle tout l'espace.
Dans
l'organisation pyramidale de notre société, il y a ceux qui savent
(et théoriquement, pour cela, commandent) et ceux qui s'exécutent.
Entre l'un et l'autre il y a toute une échelle hiérarchique. Mais
ceux qui savent ne sont pas forcément au service des autres ni du collectif. Je
dirais même "pas du tout"...
Alors
que dans toutes les civilisations que nous disons "premières",
celui qui sait (l'homme médecine, le chaman, le guérisseur, le sourcier, le sorcier ou le
druide, etc.) est au service de chacune et de chacun, et donc de la population. D'ailleurs, comme sa "science" n'est pas accessible à l'occidental, elle n'existe pas pour ce dernier. Elle n'est pour lui qu'imaginaire, charlatanisme et superstition. Et pourtant, qu'en savons nous réellement ? L'avons nous étudiée ?... Aujourd'hui, des hôpitaux en France utilisent les services de "coupeurs de feu" pour traiter des grands brûlés et pour soulager des patients en radiothérapie.
Dans cet environnement-là, ce
n'est pas parce que le chaman est un être de savoirs qu'il se
trouverait exonéré des charges sociales ordinaires. Il est aussi, comme tout
un chacun, chasseur, éleveur, agriculteur ou cueilleur. Il n'y a, dans ces
sociétés-là, aucun éclatement des fonctions. Celui (ou celle) qui
sait est toujours dans la communauté au même titre que chacune et
chacun des autres. De ce fait, il ou elle accomplit, en plus de sa vie ordinaire, toutes les charges
afférentes au savoir qu'il détient, mais qui ne lui appartient pas. Il ne les monnaye pas. Le savoir est, si l'on peut dire, la "propriété" de la collectivité justement parce qu'il s'agit, en l'espèce, du savoir et de la connaissance.
Du
fait de cette "spécialisation" des "sachants"
dans notre civilisation, ceux-ci se trouvent extraits de l'ordinaire du commun des mortels et donc déconnectés des
réalités. C'est peut-être de là que nous vient un certain nihilisme Nietzschéen, comme une inconséquence, une irresponsabilité inconsciente loin du quotidien. Chez "nous", le savoir donne le pouvoir. Il est donc la
propriété de celui qui le dit et en use. Et pour le sacraliser, nous avons même inventé le diplôme et la propriété intellectuelle... S'instaurent alors des rapports de
force autour du savoir et de sa propriété. Des violences, des tricheries, des malhonnêtetés de tous ordre en
résultent.
Je
pense à tous ces combats (plus que débats) entre spécialistes en
tous genres qui s'anathématisent mutuellement sur les plateaux télé
et dans les ouvrages, revues et périodiques. Je repense à toutes ces
controverses sur le réchauffement de la planète, par exemple, mais aussi autour des médecines dites douces ou parallèles, sur l'usage de tel ou
tel médicament ou thérapie, etc...
De
cette hiérarchisation, conséquence directe des spécialisations, se
construit une société éclatée en niveaux et en castes. L'inefficacité
due à l'isolement des connaissances produit une société fermée, normées, voire totalitaire. Ce n'est pas la nature de la nature qui pose l'organisation sociétale, mais la politique du pouvoir. C'est bien ce que nous vivons actuellement : une
décadence abrupte dans le lien social et le vivre ensemble. Seuls
ceux de la même caste ont une possibilité de lien. Les autres "ne sont rien".
Mais
alors, dans ces conditions, que devient cette société décadente qui a perdu
le lien avec les autres et son environnement ? Quand retrouvera-t-on
cette simplicité d'être avec des Homes (et des Femmes) directement reliés à la nature et aux
autres ? Cela me semble indispensable, et tout autant incontournable.
Ainsi,
posons nous la question de savoir si c'est le monde que nous
regardons ?... Ou bien seulement la projection que nous faisons de nous-même et de nos
connaissances sur le monde, dans une sorte de réflexivité. Les
civilisations premières nous invitent à ne pas intellectualiser
notre regard sur le monde mais à l' "expériencer"...
C'est à dire, à le vivre pleinement dans nos émotions et nos
sensations, le sentir résonner en nous sans nous demander à quoi ça pourrait correspondre. Il s'agit juste de ressentir ce que c'est. C'est là une approche intuitive propre à chacune de ces civilisations animistes et, de fait, systémiques.
Quand
nous rencontrons une plante, nous voulons savoir quel est son nom, sa
classe et sa catégorie. Nous avons le nom latin, nous somme
contents parce qu'il nous lie au savoir et à son noble pouvoir. Mais, concrètement, ça ne nous sert à rien.
Pendant
ce temps, l'animiste regarde la plante et a déjà compris sa
relation avec l'environnement et quelques événements qui ont pu précéder.
Il dit alors : "Il y a de l'eau à treize coudées là dessous"
ou encore, "Un phacochère est passé ici il y a peu de
temps"...
C'est
là toute la différence qui existe entre eux, les "expérienceurs",
et nous les "conceptualisateurs intellos". Ils ont des savoirs utiles et
pratiques et nous avons des savoirs qui ne servent à rien au
quotidien, ou alors, seulement à distinguer les "sachants"
des autres. D'un côté c'est l’immersion dans la vie, de l'autre c'est la dictature du chiffre et du savoir. Les uns voient le monde sous leurs yeux quand les autres ne voient que ce qui se compte, pour cela mis en listes et en tableaux. Le reste n'existe pas...
Et dans nos campagnes, existent des "cultures" que nous disons "pleines du profond bon sens terrien". Les gens de celles-là vont visiter les coupeurs de feu, les rebouteux, les magnétiseurs et les exorcistes. Ils savent encore à quoi servent la sauge blanche, le thym, la lavande, le calme et la prière. La pollution ne recouvre jamais tout. Il y a de la vie et de l'intelligence un peu partout qui tentent de survivre et de vivre pour rendre service...
Alors
qu'une civilisation se regarde le nombril avec orgueil et avec mépris tout le reste qui n'est pas elle, d'autres contemplent le monde et s'en imprègnent. Ils le "savent", le sentent et le
ressentent.
L'une
détruit la planète et la consomme comme s'ils étaient la finalité, la conclusion de la création... Et, en même temps, ils se vivent comme étant son bénéficiaire propriétaire. Pendant ce temps, d'autres prennent soin d'elle et de
chacun. Alors ? ... Qui sont les brutes sauvages, les arriérés, les
ignares ?
Jean-Marc
SAURET
Le mardi 10 décembre 2019
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