Quand,
il y a quelques années, je me suis essayé à la méditation de
pleine conscience, je me suis aperçu, au bout de plusieurs mois, qu'en fait je pratiquais cela depuis bien longtemps. Depuis l'enfance, j’avais
déjà cette habitude d'enfant rêveur : celle qui me faisait alors,
contempler les objets, les images, les gens et les idées. Je pouvais
rester ainsi de bien longs moments en contemplation. A partir delà,
des images me venaient, des sensations, des mots, même des histoires.
C'est ainsi que je peignais mes premiers "tableaux", que
j'écrivais mes premières nouvelles à l'âge de dix ans, nouvelles
que je lisais à ma mère complaisante. Je
composais ainsi mes premières chansons vers quatorze ans, et
j'écrivais un premiers roman vers quinze ans. Je me mis alors à beaucoup lire, Beckett, Kafka, Sartre, Proudhon, Daniel Guerin, Bakounine, etc. Ainsi allait ma vie...
Lors de cette expérimentation à la méditation de pleine conscience, je
me rendis compte que j'étais en train de copier dans les travaux de
Jon Kabat Zinn ce qu'en fait je pratiquais depuis l'enfance, sans avoir
jamais eu vraiment conscience de ce que c'était, sans avoir jamais mis de nom dessus. La contemplation, qu'on appelait rêveries, m'occupait pas mal malgré un sentiment dérisoire, une sensation de
futilité, d'inutilité, de perte de temps comme mon entourage la
qualifiait. Et puis, mon père m'initia à la méditation chrétienne.
Ça me paraissait si facile que je n'y apportais pas grande
attention, ni ne lui donnais une grande importance. Il me semblait
que je connaissais déjà tout cela, à propos d'autres choses,
d'autres pratiques.
Mais,
peu à peu, ladite pratique s'était structurée et ces moments de
contemplation m’occupaient à la manière d’un entraînement
sportif. A des moments dédiés et selon un protocole peu à peu
éprouvé, je m'étais "élaboré" à l'usage mon propre
mode opératoire. Egalement sportif à mes heures (Course de fond,
rugby, boxe française), l'habitude de ces rituels rigoureux de
développement personnel que l'on appelle "entraînements"
me les avait rendus familiers. Quand je découvris la méditation de
pleine conscience, je la voyais alors comme si simple que,
instinctivement, j'en cherchais assidûment les difficultés. Il
s’agissait là, pour moi, du même type de "frontières-à-dépasser" que celles que j'avais rencontrées dans le sport, dans
sa préparation et ses entraînements, à savoir un certain "niveau d'excellence".
D'ailleurs,
dans mes préparations, concomitamment,
j'avais pris l'habitude de rêver les situations avant de les
affronter, cela me facilitait grandement la tâche lors de la
confrontation : je "savais" déjà ladite situation et les
"réflexes travaillés" suivaient. J'ai déjà évoqué
cela, en traitant le sujet de "la vision (qui) guide mes pas".
Je vivais mentalement une situation que je n'arrivais pas à gérer,
je la "méditais", la projetais mentalement jusqu'à ce que
la réponse (la solution) me vienne. Je la vivais ainsi entièrement, et la
répétais dans mon imaginaire. Il paraît que notre cerveau ne fait
pas la différence entre penser une action et la faire. Je peux
confirmer que cela marche très bien.
Je
suppose que je ne suis pas le premier gamin à vivre cela ou quelque
chose de ce type, et je me dis que nous sommes certainement nombreux
à pratiquer des choses plus rares, sans savoir les nommer, et
cependant en tirer un grand bénéfice.
Socrate
proposait bien de chercher en soi ce qu'il y a d'universel. Le
connais-toi toi même était une porte vers la connaissance générale.
Pour Plotin, chaque être devient ce qu'il contemple. Il considérait
trois dimensions à l'être humain : l'amant (celui en capacité
d'aimer), le poète (le musicien, l’esthète, le producteur du
beau) et le philosophe (le chercheur de vérité). C'est de là que
chacun contemple, imagine et crée les réponses, se saisit lui-même
dans son origine, ce "d'où il vient".
Rabelais
proposait au fronton de son abbaye de Thélème la maxime "Aime
et fais ce que voudra". Il invitait ainsi à aligner nos savoirs
sur les valeurs fondamentalement humanistes et trouver ainsi
l'universel. Montaigne faisait l'éloge de la pensée vivante. Il
s’agit bien là de cette philosophie de l'ordinaire et du
quotidien, celle qui, justement, se confronte à l'essentiel (la vie,
la mort, l'existence, etc.), sous la forme d’une démarche
ontologique. On pourrait résumer le propos en pensant que, dans un
approfondissement du regard, c'est dans le cœur de chacun que l'on
trouve, et que se trouve, l'universelle vérité, la profondeur des
choses.
Alors,
faisons-le : méditons et recherchons au fond de chacun de nous, ce
battement, cette pulsion de vie qui nous fait toucher l'universel,
rechercher ces vérités profondes qui nous baignent de leur
simplicité. Il ne s'agit absolument pas de nous réduire aux
opinions que cultivent orgueil et prétention, ces pendants d' "ego"
surdimensionnés. Ceux là nous dictent les bêtises qui mettent le
feu aux poudres, blessent et parfois tuent. Ils entassent dans nos
mémoires des déchets comme autant de cailloux dans nos chaussures,
des pensées courtes, des conclusions définitives, les toiles
d'araignées sur la conscience réelle.
Alors,
ne faisons pas les choses "comme il faut", mais comme nous
"voyons" qu'elles pourront être mieux, voire "pour le
mieux". Nous avons à nous imprégner du réel, à nous baigner
dans le grand tout, afin d’en tirer les ressentis apprenants,
piochés dans le fond de nous-mêmes. Car nous avons au fond de nous
tout ce dont nous avons besoin pour développer nos connaissances et
notre sagesse.
Avec
la raison "rationnalisante", nous n'utilisons que les
concepts et paradigmes dont nous sommes convaincus : c’est donc là
un enfermement. Avec la contemplation, l'intuition s'invite et nous
montre directement les choses comme elles sont, dans leur essence.
C'est comme ça que je m’aperçus qu'entre l'envie et le regret se
trouvait un point que l'on appelle le présent, le moment présent.
C'est justement là que nous attendent Jon Kabat Zin et autre Ekart
Tolle. C'est justement cela qu'ils nous invitent à considérer
profondément. C'est là que, depuis l'enfance, j'aime vivre... et je
venais de m'y replonger.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos contributions enrichissent le débat.