Daniel,
un ami d'enfance, homme pragmatique et plein de bon sens comme le
sont les terriens qui ont gardé leurs
racines, me disait son observation du monde politique local et
global. Il
en tirait une
conclusion toute simple : ce monde là est resté un monde féodal.
Il m'en donna quelques exemples,
tout en identifiant nombre de symptômes.
J'avais
eu d'abord une réaction de surprise, car cette représentation
n'allait, logiquement, pas dans le sens de l'histoire. Et pourtant
j'avais ce sentiment diffus qu'il pourrait certainement bien avoir
raison...
Alors,
j'ai fait comme bien d'autres, et comme lui, je suis revenu aux
fondamentaux, et donc à l'essence du féodalisme, cette organisation
sociétale fondée sur le fief (Féodal venant du latin "feudum"
qui veut justement dire "fief").
Ce
système fonctionne sur la base de la possession du territoire, et
donc sur une aristocratie foncière. Ce sont les liens de vassal à
suzerain, qui régissent alors les champs politiques, économiques,
sociaux, judiciaires, militaires et religieux. Ils s'inscrivent dans
une logique de pouvoirs attachés à la défense et à la pérennité
du fief. Tout ce qui était sur le fief était "du fief".
Ceci ne voulait pas automatiquement dire que cela appartenait au
suzerain local, mais l'ensemble, rendu ainsi cohérent, relevait de
lui, et de lui seul.
Dans
ce monde par essence rural, par exemple, un arbre qui était une
créature divine, appartenait à
Dieu, mais sa survie relevait de la responsabilité du suzerain. De
même une récolte ou une maison quoique relevant de l'humain, dans
la mesure où elles dépendaient du travail des gens, appartenaient
néanmoins, compte tenu de la localisation, audit suzerain.
Si
l'on brûlait des récoltes et incendiait des maisons, ce n'était là
que logique ordinaire de la guerre, d'ailleurs bien courante. Mais si
l'on abattait un arbre, oeuvre divine, alors c'était là un "casus
belli". On retrouvait là la classique dissociation entre le
sacré et l'ordinaire.
Par
ailleurs, les relations de vassal à suzerain produisaient différents
types de comportements, allant du soumis tranquille au dangereux
manipulateur, en passant par les rebelles, les comploteurs et les
opportunistes visionnaires ou pas...
Il
faut savoir aussi, que dans ce système là, effectivement les gens
n'étaient pas égaux. Seul les "bon-hommes" avaient une
âme et pouvaient prétendre à être des fils de Dieu. Cela leur
permettait de participer à l'oligarchie qui se maintenait par la
force. Les gueux, vilains et autres manants paysans, n'ayant aucune
essence divine, dépourvus d'âme, étaient logiquement maltraités.
Ils appartenaient au territoire comme un arbre, un chevreuil ou un
ruisseau. Ils pouvaient donc être logiquement "chassés"
comme les cochons et les lapins.
Ceux-ci produisaient du seigle et des légumes comme la chèvre
produit du lait.
Le
féodalisme s'appuyait donc sur une logique théosophique et
cette logique irradiait tout le système sociétal.
Ainsi,
si le suzerain, en occident, se trouvait bien propriétaire de son
territoire, obtenu la plupart du temps par héritage, on peut
observer d'autres modèles de transmission. On remarque à cet effet
qu'en Asie, c'est le monarque absolu qui distribue les territoires.
Il les octroie à qui lui a témoigné allégeance et a œuvré pour
lui. Cette autorité absolue est de
droit divin en Europe et donc il s'y pratique aussi les attributions
de "bon vouloir".
Ainsi,
ce qui caractérise le féodalisme, c'est bien sa nature holistique
et oligarchique. Cette notion implique un pouvoir absolu sur une
pyramide à plusieurs niveaux, tous "façonnables" au gré
du "souverain". Ce nom, d'ailleurs, n'a de ce fait rien de
folklorique... C'est aussi pour cela que l'on dit que la loi était
orale dans le nord de la France et écrite dans le sud occitan. Ce
dernier se trouvait en effet, être héritier du droit romain sous
une organisation camériste.
Alors,
que se passe-t-il sur les territoires ? ... On retrouve une guerre
permanente assise sur des rivalités féroces entre les "barons"
adoubés. Nombre de propriétaires guerroyaient souvent pour obtenir
davantage d'adoubements de la part du suzerain suprême. C'était une
garantie pour eux, de bénéficier de plus de pouvoir et de
possessions plus importantes. Embuscades, complots, stratagèmes,
machinations, intrigues, ligues et conspirations étaient donc
monnaie courante.
Voilà
résumé le fonctionnement caractéristique du féodalisme.
Qu'en est-il aujourd'hui en termes d'organisations politiques
territoriales et nationales, voire internationales ? Il
nous faut pour cela regarder qui a réellement le pouvoir dans nos
organisations actuelles. Comme le montre le sociologue
américain Noam Chomsky, ce sont, en l'occurrence, les riches
possédants de l'économie. Ils sont en bourse et sur les
territoires. Ils y font la pluie et le beau temps au gré de leurs
ambitions. Par voie de conséquence, les guerres commerciales battent
leur plein. Elles font des manants-consommateurs les victimes
consentantes, (ou pas), mais obligées, du système.
Que
font ces riches propriétaires, possédants boursiers aux très
importants revenus ? Ils imposent la dîme à leurs entreprises. "Je
me moque de ce que vous faites ou fabriquez pourvus que le rendement
annuel de l'entreprise dépasse les dix pour cent (et donc un
rendement au moins à deux chiffres). Marx dirait que la nouvelle
lutte des classes est là, entre les possédants "bousricoteurs"
et les entreprises productrices de biens, d'objets et de services.
L'objet
de toute la guerre entre ces possédants est d'obtenir plus de
pouvoir par et pour plus de richesses. Qu'en font-ils ? Ils
l'utilisent pour mettre aux rènes du pouvoir des territoires, des
personnes à leur service, qui leur sont dévouées parce que dès
lors redevables. Nombre de politiques sont les vassaux de ces
messieurs, leurs obligés. Ceux-là sont vassalisés et perpétuent
ainsi le système.
Ainsi
le président Macron favorise-t-il les revenus des plus riches (les
exemples ne manquent pas). Ce sont les mêmes qui ont financé sa
campagne et travaillé au lobbying. C'est de cette façon que son
cercle d'influence s'élargit. Ceux-là n'ont que faire de la
démocratie, elle constitue même un frein à leurs affaires. Ils
n'ont que faire de la république, elle est trop lourde pour leur
agilité financière. Ils n'ont qu'un objectif : leurs propres
revenus ! Si les lois ne les servent pas, alors ils les font changer
et voter une nuit vers quatre heure du matin...
A
quoi sert à Bernard Arnaud, (comme l'an dernier), de réaliser une
augmentation de ses bénéfices de trente deux milliards ? Assurément a rien,sinon qu'il devienne peut-être l'homme le plus riche de la
planète. C'est tout...
Ce
n'est plus la capacité d'achat qui motive l'enrichissement, mais le
pouvoir sur d'autres, une question de premier ou de second, une
question de rang social, une question d’ego... Vraiment, nous ne
vivons pas dans le même monde.
Si
vous dites que c'est normal, ou de bonne guerre, c'est qu'ils ont
gagné sur votre libre arbitre. Leur guerre médiatique vous aurait
elle convaincu ? … Dans ces conditions, c'est bien vous le...
vaincu. Au demeurant, précisons qu'il n'y a pas de bonnes guerres,
il n'y en a que des sales, de surcroît meurtrières.
Pendant
ce temps, hommes de main et petits barons œuvrent en coulisse. Il
faut déstabiliser l'adversaire, défaire les contestations, écraser
la rébellion, par tout moyen que ce soit, pourvu que la rébellion
soit par terre. La guerre de l'information joue sur les peurs et les
douleurs de chacun, qu'ils soient policiers ou manifestants. Pourvu
qu'ils s'affrontent et se désunissent...
Alors
les souverains adoubent l'un, promeuvent l'autre, assassinent
celui-ci, condamnent celui-là, pour que rien ne vienne déranger la
construction linéaire du profit de quelques suzerains. Oui, nous
sommes bien en plein féodalisme et c'est le libéralisme qui l'a
reconstruit. Au diable les idéologies républicaines, libertaires ou
écologiques. La seule chose qui compte est de maintenir le pouvoir
sur le territoire et de "se gaver comme jamais"...
Ici,
la logique théosophique
est représentée par le culte du libéralisme et de la croissance.
En dehors de ce périmètre, point de
salut, et pleuvent les anathèmes et les excommunications.
S'il
y a des bénéfices, disait un politicien de renom, c'est pour eux.
S'il y a des coûts, c'est pour le peuple. Lequel peuple se sent
méprisé, volé, bafoué... Il faut juste se souvenir que le
féodalisme est tombé une première fois à l'aube de quelques
révolutions... Le vent, comme les pouvoirs, tournent. Rien n'est
pérenne. Tout est impermanent...
Jean-Marc
SAURET
Le mardi 15 octobre 2019
Le mardi 15 octobre 2019
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