"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Et si l'on laissait les gens partager la science ?

Henri Fayol, alors directeur général des mines de Commentry, Fourchambault et Decazeville, réputé excellent gestionnaire, fit en 1921, un rapport alarmant sur le fonctionnement des PTT, connu sous le titre : "L'incapacité industrielle de l'Etat : les PTT". Il provoqua un tel émoi dans les allées du gouvernement que, dès l'année suivante, le parlement envisagea de discuter de la privatisation de cette administration. Ceci aboutit, en 1923, à la création du budget autonome des PTT. Dès lors, cette grande et ancienne institution ne rendit jamais un budget en déficit. Il a été, jusqu'en 1993, date de la nouvelle démarche vers une privatisation progressive, toujours excédentaire. Cela resta vrai même au cours des années qui ont suivi.
Mais que disait ce rapport ? Il concluait en précisant que le sous secrétaire d'état qui l'avait en charge était instable et incompétent. Le rapport pointait également l'absence d'un programme d'action à long terme (tout en insistant sur les défauts rédhibitoires d'un "pilotage à vue"). Le constat se terminait par l'absence de bilan… mais il mettait aussi l'accent sur l'intervention excessive et abusive des parlementaires. Il déplorait enfin l'absence dramatique, auprès des opérants, de "stimulants" pour zèle, (comme par exemple, des récompenses pour services rendus). Il mettait enfin en avant, l'absence de responsabilité (système, délégation, etc.). Dans de telles conditions, il devenait évident qu'aucune entreprise ne pouvait réussir. 
Dans le même ordre d'idée, il indiquait aussi que "ces vices administratifs ne sont pas propres aux PTT, mais ils sont bien communs à tous les services publics". Et pourtant, cette noble institution perdura et remplit sur la durée, sa fonction de communication... 
Cela se confirma tant que lesdites communications restèrent interpersonnelles et/ou inter-entreprises. Dans l'un et l'autre cas, talent et efficacité étaient bien au rendez-vous. L'expression populaire, "comme une lettre à la Poste" dit bien cela.
Ce que ne dit pas le rapport d'Henri Fayol, et je m'en suis rendu compte en réalisant ma thèse ("Des postiers et des centres de tri" L'Harmattan. Paris 2003), c'est que toute la Poste a été créée, imaginée, et construite par les postiers eux-mêmes. Que ce soient en l'espèce les préposés, facteurs et agents du tri, depuis les casiers de tri, jusqu'aux tournées, en passant par les modes et circuits d'acheminement, c'étaient bien les "gens" eux mêmes qui étaient "aux manettes". Ce qui fit la force et l'efficience de cette organisation, c'est bien qu'elle était organisée par les postiers eux-mêmes. C'est également ce facteur qui déjà, la protégea de la privatisation en 1923.
Le bilan de ce rapport montre bien que les dirigeants étaient incapables, et les opératifs talentueux. C'est bien souvent encore le cas dans nombre d'organisations. 
Il me souvient de cette conférence de Jean-François Zobrist, alors encore patron de la société FAVI, en Picardie.
C'est à cette occasion, qu'il expliqua sa démarche basée sur la confiance, et le zéro contrôle. Il raconta, dans le même module, comment il avait petit à petit réorganisé toute l'activité de l'usine en étant tout simplement à l'écoute vigilante, attentive et bienveillante des ouvriers.
Alors qu'un directeur d'une autre entreprise lui demandait de décrire son processus de transformation, il répondit avec le franc parler qui était le sien : "Tu te démerdes... Tu regardes, tu écoutes et tu laisses jouer les intelligences."
Il avait montré ainsi que les gens savent bien, de manière pragmatique, ce qu'il faut faire pour obtenir un bon résultat. Il l'avait tellement expérimenté, qu'il avait aboli toute hiérarchie, tout cloisonnement, tout contrôle, et tout système de commandement. Les ouvriers rencontraient les entreprises clientes et savaient donc exactement ce que chacune attendait des produits,... et il le faisaient !...
Mais on peut aller encore bien plus loin !. 
On sait pertinemment, et depuis belle lurette, qu'il est plus prudent pour les gouvernements successifs, et plus efficient pour tous, de laisser les gens décider du "comment on allait faire évoluer cette société". J'entends nombre d'observateurs craindre que quelques "petits mains" en viennent à abuser du système à leur propre profit. Ce à quoi je réponds de ces deux manières : d'une part "Pas plus que ceux qui nous dirigent...", mais aussi par cette phrase lumineuse d'Yvon Gattaz, en 2003. Alors président du CNPF, et devant un parterre de dirigeants, il avait lancé : "Si vous mettez du contrôle, vous aurez des tricheurs. Si vous mettez de la confiance, vous aurez de l'efficience". Yvon Gattaz, qui était loin des idéologies de gauches, avait tout compris !
Nous avons, à plusieurs reprises, remarqué l'action déterminante des systèmes de régulation dans les groupes sociaux et les organisations. Les déviants sont, en l'espèce, radicalement recadrés par les autres membres du groupe,... à deux conditions :
La première, pour les acteurs, c'est qu'ils soient bien conscients de disposer du pouvoir de décision… Et la seconde avoir bien la certitude que celui-ci ne leur ait pas été confisqué par une direction totalitaire ou tout simplement abusive. 
Dans cette dernière hypothèse, avec une direction définitivement obtue, il est compréhensible que les acteurs jouent pour eux-même et contre le collectif, qui d’ailleurs n'a plus beaucoup de sens.
Ces exemples ne concernent d'ailleurs pas que l’industrie. J'écoutais un entretien enregistré de l'astrophysicien Jean-Pierre PETIT. Il racontait comment des directions pour lesquelles il avait travaillé, jugeaient leurs collaborateurs davantage à l'aune des écoles où ils avaient été formés qu'aux compétences réelles, effectives dont ils témoignaient. Il montrait combien la peur de ne pas contrôler  dirigeait leurs choix,... non seulement stupides parfois, mais surtout au final, contre productifs. Il racontait toutes ces turpitudes organisationnelles où les dirigeants bloquaient des recherches parce que ce qu'ils pourraient découvrir les affolait. Il citait ce dirigeant qui confessait : "Si l'on ne trouve rien c'est dommageable. Mais si on trouve, c'est pire encore !", parce que ça peut remettre en cause tout ce que l'on sait à ce moment là.
Il montrait alors, à partir de là  qu'il vaut mieux confier à la population le fait de voir, constater, partager et comprendre, parce que les gens simples, n'ayant que leur curiosité et rien de puissant à défendre (places, près-requis, etc), trouvaient les solutions par pragmatisme. Les gens font fi des théories, et dans le pire des cas, si les théories contredisaient ou empêchaient de faire le constat, il valait bien mieux alors, changer la théorie...
C'est ainsi, avec force exemples, qu'il présentait ce point de vue tellement similaire à celui des managers humanistes pragmatiques : mieux vaut faire confiance aux gens qu'aux appareils. Et sa proposition en prenait davantage de force encore, quand il affirmait :" si l'on laissait les gens partager la science, ils trouveraient bien davantage et nos connaissances expérimentales augmenteraient".

N'en est-il pas de même en management des organisations ?
Jean-Marc SAURET
Le mardi 3 septembre 2019

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