Lors
d'une rencontre sociologique de consultants, nous sommes
revenus sur cette évolution
sociétale radicale à laquelle nous assistons (et participons
aussi), et tout particulièrement sur un fondamental : l'humain. Cet
humain qui apparemment se présente quelque peu "fainéant".
Pourquoi "fainéant" ? Mais parce qu'il a tendance à agir et penser au plus court, au plus simple. De fait, nous avons cette propension à
nous penser au centre de notre monde, parce que tout simplement nous
le vivons et le pratiquons ainsi. Autour de nous sont des champs de contraintes et
d'opportunités où tout est "chosifié". Voilà
qui mérite quelque explication...
Nous
vivons et pensons notre réalité depuis une tour de contrôle, un
centre de commandement : en l'espèce, nous-même. Introspections,
sensations, perceptions sont centralisées là, analysées,
comparées, associées, différenciées et interprétées. C'est
ce processus qui permet,à l'issue de son développement,
de constituer des "connaissances" sur soi et son
environnement, mais aussi sur la "mécanique" ou la "magie"
du monde. Notre système de références et donc de
connaissances, joue le rôle d'un système gravitationnel. Un système
dont nous, serions le soleil, mais qui, au lieu d'éclairer
et chauffer, nous permettrait de sentir, d'analyser, et de
percevoir, avec sensibilité, émotions, jugements et raisons.
Alors,
pour aller plus loin dans la perception et l'intelligence du monde,
deux chemins s'offrent à nous. En termes donc d'alternative,
soit nous pensons le monde comme cette collection d'objets
animés qui sont notre environnement proche et lointain... soit nous
pensons que notre système "gravitationnel" se répète à
l'infini avec pour "soleils" tous les autres objets de
nature, ou tous les humains...
Le
second cas est un système que l'on produit par analogie, et par
projection. Il répond à cette sagesse millénaire : "Ce que tu
es (ou as) au fond de toi est universel". Nous nous pensons peut
être au centre de nos perceptions, au centre de notre vie, mais nous
nous vivons aussi faisant partie d'un "grand tout", d'un
ensemble qui se répète à l'infini. Ici, plus je me connais et
plus je connais les autres et l’univers.
Dans
le premier cas, il ne s'agit pas d'extrapoler sa "nature"
(dans tous les sens du terme). Ici pas de position haute (voire
dominante), il s'agit, en l'espèce, de poursuivre à l'infini la
démarche de perception et de connaissance. Ce faisant on fait entrer
dans son environnement propre tout ce qui passe et se présente à
proximité, et même plus loin. Cette configuration, qui est la
plus courante parmi nous, est aussi une tendance de fond.
L'intelligence,
manifestement est et reste en nous.Tout le
reste devient, dans ces conditions,… "objet". Puisque
notre modèle culturel à penser le monde est, comme nous
l'avons plusieurs fois évoqué, "la mécanique", tout
le reste de "l'univers" est donc pour nous régi par les
lois de la mécanique et non par une quelconque intelligence, une
quelconque conscience.
Ainsi,
si nous pensons le monde réagi sous lesdites lois de la
mécanique, alors, logiquement, une cause produit un effet, et le
principe se répète dans les mêmes conditions. "L'autre"
apparaît donc agir, ou plutôt réagir, comme un objet,
ballotté dans une mécanique causale, sans jamais, vraiment
,que nous soyons à même de nous poser la question : "Et
s'il avait un libre arbitre ?"... que nous balayons d'un
revers de main dans un "0" combien réducteur : "Mais
non, c'est mécanique !"
Notre
tendance à vouloir un monde prédictible fait que nous le rendons
prédictible (à l'instar de l'effet Pygmalion) en le "forçant
d'entrer" dans un environnement mécanique réputé "simple
à comprendre". D'où cette assertion : "Si la nature est
complexe, c'est qu'elle se trompe" ! Nous voulons, en effet,
tellement que le monde soit simplement prédictible que nous le
tordons jusqu'à ce qu'il réponde à nos convictions, à nos
représentations.
Ce
mode là ne nous honore pas. Il nous obscurcie l'environnement et
nous empêche de bien le voir, de bien le comprendre. Nos
croyances et nos convictions font "structures à penser le
monde", et le monde doit s'y conformer, sinon il a tort...
Ainsi,
en vertu de la représentation mécanique du monde, nous tirons que
la conscience est la seule émanation de notre cerveau. De cela
nous tirons ce principe que nous sommes bien le centre de perception
intelligente du monde. Peut être faute d'une réelle volonté de
connaissance, nous usons de "prêts à penser",
de modèles plus conformes à notre vision simpliste qu'à la réalité
du monde. C'est ce que j'appelle "les pensées courtes".
Ainsi,
les auvergnats sont radins, les bretons sont têtus, les juifs sont
riches, les arabes voleurs, les africains primitifs, les
parisiens râleurs, les méditerranéens fainéants... et ainsi
de suite. Voilà aussi comment les femmes sont belles et
idiotes, les chiens fidèles, les chats cruels et égoïstes, les
araignées méchantes, etc. La litanie peut être très longue.
Ces
pensées courtes relèvent bien de cette double posture qui fait que
l'on est, chacun, le centre d'intelligence du monde, et que le monde
est une mécanique où tout n'est qu'objet dont il suffit
d'identifier les caractéristiques de poids, de forme, de masse et de
comportement pour en prédire les "comportements".
Ce
comportement-là me fait penser à la conception de la génération
spontanée. Au moyen âge, on supposait que si l'on mettait dans un
coin sombre de vieux chiffons mêlés de paille, il y
apparaissait spontanément des souris. Personne n'imaginait alors que
la souris avait suffisamment d'intelligence et d'autonomie pour
organiser son "processus vital", d'aménager son
environnement et d'en profiter tout en s'y adaptant. Non, cette
petite créature de dieu n'avait ni intelligence, ni sentiment, ni
sensations. Il n'était donc pas imaginable que la souris profite des
chiffons et pailles pour y installer un petit nid douillet, tout à
son goût.
Il
en va ainsi quand, au volant de son véhicule, le chauffeur lambda
insulte "l'imbécile qui fait n'importe quoi" au volant de
sa voiture. "Il ne peut pas rouler droit, cet abruti ?",
s'interroge-t-il. Et si ce chauffeur "abruti" était tout
simplement un médecin qui se rend aux urgences, et s'il avait tout
simplement un moment de distraction, un signal de panne ou de
prochaine panne affiché au tableau de bord ? Et s'il était
subitement pris de malaise, d'inquiétude, d'angoisse, parce que sa
radio vient d'annoncer quelque chose qui l'impacte, et si subitement
il repensait à son épouse, son fils, sa fille, ce proche qui
l’inquiète ? Et si... mais arrêtons là, la
démonstration suffit ainsi. Nous ne savons pas quel est
l'environnement intellectuel, émotionnel et symbolique de ce
chauffeur. Nous ne savons rien de son vécu de ce qui l'impacte et
l'influence, et rien de ses préoccupations, priorités, objectif, de
son intelligence de son propre environnement. Rien... et nous lui
attribuons tout, "l'abruti" !
Ainsi,
si je préfère apprendre de mon environnement, mieux comprendre
ce qu'il est et ce qui s'y passe, alors je préférerai sortir
des phénomènes d'attribution et prendrai plutôt la posture du
système d’attraction dans un ensemble de systèmes
d'attraction interdépendants. C'est plus compliqué, peut être,
mais c'est à la fois plus réaliste, plus modeste et surtout plus
apprenant.
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