L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Cercles vicieux et triangle dramatique dans les phénomènes sociaux

Le psychiatre québécois Eric Berne (ou Léonard Bernstein de son vrai nom) a fait une description bien utile des rôles (relationnels), et des jeux de rôles qui s'organisent en sociétés. L'enfant joueur ou espiègle, fort de sa faiblesse, ou séducteur par sa victimisation, séduit et/ou agace l'adulte. Qu’il soit sérieux, prévenant, organisateur, innovant ou transgresseur, il s'arrange avec les règles et les lois dans un pragmatisme personnel utile. C’est dans ces conditions qu’il “provoque” le parent, propriétaire et projeteur de la loi et des règles. Par la “non prise en compte" des bonnes manières de faire, des procédures, et des finalités morales, l'adulte ou le parent “interpelle” l'enfant qui s'en joue...
Stephen Karpman, disciple et contradicteur de Berne, va organiser en un "triangle dramatique" les rôles qui se jouent justement entre ces facettes de personnalités. Il formalisa ces jeux de rôles autour de « La victime (qui) apitoie, (écrit la psychosociologue Christel Petitcollin), attire, énerve, excite. Le bourreau attaque, brime, donne des ordres et provoque la rancune. Le sauveur étouffe, apporte une aide inefficace, crée la passivité par l’assistanat. »
Ce triangle, où les rôles tournent et se succèdent, semble organiser en lui même, toute la vie sociale.
Pour donner à voir ce fonctionnement dramatique circulaire, j'utiliserai une petite fable. A table, l'enfant mange en jouant avec son assiette et ses couverts, le papa s’en agace et menace de priver de dessert l'enfant s'il ne cesse pas illico ce jeu stupide. Comme l'enfant se mets à pleurer, la maman vient le sauver, prétextant -auprès du papa-, que c'est sa façon à lui de s'alimenter, et qu'il vaut mieux le laisser faire car, au moins, il mange.
Comme le père ne veut rien entendre, la mère le sermonne vivement, en profite pour remettre sur la table "les derniers couverts", et le menace à son tour s'il ne cède pas. Mais l'enfant se glisse auprès de sa maman et lui susurre à l'oreille avec un tendre sourire : "Papa, il l'a pas fait exprès". Ainsi le bourreau devient victime, le sauveur devient bourreau et la victime devient sauveur...
Il se trouve que nous retrouvons ce jeu de rôles dans les comportements politiques et sociaux. Ainsi un président se sent victime de manifestants qu'il voit le menacer, et tente de contenir le mouvement dans un mode de défense de victime qui se débat. Les manifestants, parce qu'ils se sentent agressés, méprisés, agressent le président et menacent de venir le chercher.
Nombre de journalistes et parlementaires tentent de sauver le président en diabolisant les manifestants, devenus alors victimes des médias et des politiques. Les manifestants-victimes agressent alors les parlementaires et les journalistes, les traitant de “vendus”, si ce n’est pire…
Le gouvernement, pensant sauver parlementaires et réputés bons médias (la République, peut-être), lâche sur les manifestants les spécialistes du maintien de l'ordre,... que viennent “sauver” quelques black-blocs autour de la place de l'Etoile.
Le gouvernement est alors réellement menacé et envoie dans la rue les spécialistes des violences urbaines : les BAC. Ces dernières ne feront pas de distinction et, usant de leur savoir-faire spécialisé, traiteront manifestants paisibles et violents de la même manière : la seule qu'ils connaissent. Les manifestants, terrorisés par ces violences policières, deviennent les nouvelles réelles victime du système de répression, avec un nombre surprenant de mutilés, d’éborgnés et d'estropiés. Le système en spirale s'emballe. Il s'envenime et s’aggrave...
Les groupes de défense des droits de l'homme européens et onusiens (sauveurs) vont réclamer des comptes à l'Etat français qui se considérera alors victime d'une ingérence malheureuse. Les policiers se plaindront d'être victimes d'un commandement irresponsable et de manifestants hyper violents ou ingérables. Lesquels manifestant se diviseront en différentes tendances et s'agresseront mutuellement en se jetant les anathèmes les plus divers. Etc.
C'est particulièrement résumé mais le triangle dramatique de Karpman nous est bien utile pour comprendre calmement la dynamique tournante dans ce phénomène social complexe. Il n'y a effectivement pas les méchants d'un côté et les bons de l'autre, même si chacune des parties en parlera ainsi. Pour défendre les victimes de bourreaux, le sauveur devient le bourreau des bourreaux qui, de ce fait, deviennent les victimes du sauveur. Dont acte...
Le pire, c’est que les protagonistes regardent tous le phénomène, comme étant la conséquence des actes des autres. Le malheur vient toujours de l'extérieur: “la faute à l’autre…”.
Il me revient cette phrase du sociologue Michel Maffesoli : "L'anomique d'aujourd'hui est le canonique de demain". Il ne me semble pas qu'il ait tort. Et si nous voulons nous en prévenir, défaire le cercle vicieux, il nous faudra déconstruire les mécanismes de cet "anomique", de façon qu'il ne devienne justement pas la référence des comportements sociaux de demain. Pour cela, bien que nous n’effacions pas pour autant le phénomène de précédent, il nous faut mettre en place le remède, c'est à dire : comprendre.
C'est ce que nous avons tenté de faire là de manière seulement embryonnaire. Que chacun, maintenant, prenne sa part sans jamais condamner qui que ce soit, mais en tentant de voir les rôles ordinaires joués par les uns et par les autres lors de chaque phase. Cette approche par les outils d'intelligence sociale nous évite le parti-pris et l'anathème... lesquels nous perpétueraient dans le cercle vicieux du triangle dramatique.
Mais faisons sans tarder : la psychogénéalogiste Anne Ancelin-Schützenberger nous informe que des événements douloureux et difficiles, comme l'esclavage, les massacres d'amérindiens et autres génocides, laissent des traces transgénérationnelles. Par exemple, écrivait-elle, le type d'actes génocidaires, comme les croisades et autres discriminations mortifères, ressenties par des musulmans actuels comme "un massacre d’innocents", pourrait expliquer les mouvements extrémistes actuels tout aussi génocidaires que lesdits "islamistes" tels que Daesh et Al-Qaïda.
Alors ces dernières “guerres mutilatrices” contre les gilets jaunes ne nous prépareraient-elles pas à des lendemains cruels, encombrés de "répliques sismiques", qui nous feraient bien déchanter ?...
Pour en sortir ? Sans doute, faudra-t-il faire un énorme travail de conscience, comprendre les situations toxiques qui peuvent nous mener à l’épuisement stérile.
Ces outils sociologiques-là peuvent nous y aider : poser les faits et laisser se taire les jugements et les rancoeurs. Les caricatures que nous offrent les jugements et les rancoeurs, sont confortables mais elles ont la “qualité” de basculer la plupart du temps, et de façon exponentielle dans le tragique, avec cette aspiration vertigineuse à la violence... Alors, on se pose ?...
Jean-Marc SAURET
Le mardi 18 juin 2019


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