Je
tombais chez mon éditeur l'Harmattan, sur un ouvrage
de Christian Jouvenot intitulé
: "Macron, tombé du ciel". Ici, L'auteur
donne la parole, à Courbet, Camille Claudel, Van Gogh, Dali, etc.
pour les faire nous éclairer sur la complexité d'Emmanuel Macron.
Nous y découvrons beaucoup sur une double vie intérieure, exposée
dans sa relation de couple, sur la transgression pour être, sur une
originalité qui confine au dandysme, sur sa séduction, sur sa solitude et la succession de ses amitiés jetables.
Il n'y apparaît pas seulement jupitérien, il est aussi
dionysiaque, tel qu'il se montre dans les soirées Van Gogh au
ministère de l'Economie et des Finances ou dans le vestiaire des
Bleus.
Ce
personnage présidentiel apparaît là effectivement comme une
caricature du "dandy post-moderne". Zappeur, infidèle,
superficiel, avide, libre consommateur dont la posture est fondée sur la quête d'intérêts personnels directs et strictement égotiques
(fortune, pouvoir, parcours, reconnaissance). Ce personnage agit pour lui-même
dans un strict angle de consommation, sans éthique ni morale. Il n'a donc pas de réel projet politique, sinon que de servir ceux qui le nourrissent et lui sont utiles. Il agit en jouisseur-séducteur,
comme l'est le dionysiaque au centre de son monde. Le soucis
est qu'il a choisi le monde pour être son monde. Partout, son seul
intérêt semble de paraître, d’apparaître, de briller, d'être remarqué et applaudi pour en jouir dans son immédiat. Il semble n’exister vraiment que dans le regard béat de l'autre. C'est alors qu'il fait son théâtre.
Voilà pourquoi il ne laisse la parole à quiconque sinon que dans un ordre qu'il maîtrise. Il n'écoute rien (même s'il paraît le faire, ce n'est là que convenance), parle tout le temps et longtemps, se mire dans son propos, se contredit, se parjure, s'expose et recommence à expliquer qu'il a raison, que les autres sont méprisables, quels qu'ils soient, à moins qu'ils ne lui servent directement et personnellement (je pense aussi à Monsieur Benalla).
Je crois que c'est la sensation réelle qu'il a de lui-même d'un homme fragile (exempté de service militaire), pas à sa place, usurpateur, qui le fait se surexposer, se sur-représenter. On sent sa vision intérieure personnelle quand il marche vers la Pyramide du Louvre, gauche, emprunté, raide et maladroit. Il n'y est pas ce qu'il est, il y est ce qu'il joue.
A
l'instar de l'analyse sociologique clinique de Vincent de Gauléjac,
il est ce conquérant effréné dans "la lutte des
places". Peu brillant, aux capacités limitées (il a échoué trois fois au concours d'entrée à Normale Sup' sans y parvenir et se rabattra sur Science Po avant de tenter par deux fois le concours d'entrée à l'ENA où il intégrera la promotion Sengor, 2002-04, marquée par un examen de sortie douteux et sans classement), il est un acharné du "en être".
Pour cela, il sera le plus veule des collaborateurs, servile à
souhait pour obtenir "la place" quand le robinet s'ouvrira.
Monsieur Attali peut en parler, Monsieur Hollande aussi : il s'y est montré en caméléon vénéneux.
L'homme qui dit avoir "pris la France par effraction" (s'il existe un corporatisme d'opinion dans les différents groupes sociaux, ici le corporatisme d'intérêt est fortement actif) est encore jeune et devra se trouver un emploi "valeureux" quand il quittera (trop tôt ou trop tard) sa fonction actuelle. Ce sont donc ceux qu'il favorise aujourd'hui, ceux qui ont amené ce gentil petit soldat à la bonne place, qui sont susceptibles de lui donner l'adoubement pour une autre carrière "honorable". Et cependant, ceci n'a rien de certain... Voilà pourquoi il ne peut pas changer d'orientation, de pratique, ni de démarche.
Il faudrait revenir sur les propos du psychiatre italien Adriano Segatori. Son analyse psychologique de Macron, alors qu'il n'est encore que le candidat à la présidentielle, est sans concession. Les comportements du présidents qui ont suivi ont confirmé le profil analysé. Segatori le présente comme une victime du dévolu que jetait sur lui son professeur de théâtre alors qu'il n'avait encore qu'une quinzaine d'années. Il décrit la pathologie conséquente dont il "souffrirait" et ceci fait un peu froid dans le dos : quelque chose d'un psychopathe pervers narcissique jamais sorti de la toute puissance adolescente... J'ajouterais seulement que l'intéressé témoigne aussi d'une sainte horreur de l’affrontement direct, ce qui abonde l'idée d'un complexe d'infériorité moteur.
Alors, il est bien ce personnage post-moderne, tribal, "immédiatiste", installé dans les sensations et les apparences, jouant plus sur les émotions que sur la raison. Fait d'habillages, cet homme "moyen" (d'où son mépris pour "les petites gens" dont il veut clairement se distinguer), dominé par la consommation et l'urgence, est aspiré par ce qui brille, obsédé par son gain. Il se présente donc zappeur, esthète, jouisseur, ego-centré, un peu enfant gâté (d'où ses redondades caricaturales à l'emporte pièce), mais surtout vide de sens. Pour lui, il faut que les choses aillent vite (gouvernance par ordonnance) et sans résistances. C'est sa "tribu", faite de jeunes gens à son image, qui actionne la mise en oeuvre de son "projet" (d'où cette animation singulière de son groupe parlementaire). Il ne dira jamais à personne de partir (évitement de l'affrontement direct oblige), mais, par ses postures excessives et exclusives, soit il fait faire, soit il mets hors-jeu les "infidèles" qui alors quittent le navire, séduits mais déçus, prudents et peut être assez lucides sur l'escroquerie.
Il ne s'agit pas pour lui de "durer", mais de "consommer" très vite, ici et maintenant.
Il est donc intéressant de lire ce livre de Christian
Jouvenot. Il est un bel exercice de miroir sur un personnage pervers
au plus profond sens du terme. Mais il faut surtout lire l'excellent ouvrage de l'avocat Juan Branco, "Crépuscule", publié tout récemment aux éditions "Au Diable Vauvert". Il y montre, en un récit argumenté, les escroqueries et autres tricheries, les liens tribaux que le président établie tout le long de son parcours pour "en être".
Jean-Marc SAURET
Le mardi 16 avril 2019
Post Scriptum : Si M. Pompidou a voulu le Musée d'Art Moderne de Beaubourg, si M. Giscard d'Estaing a fait réaliser le musée d'Orsay, si M. Mitterrant a décoré ses septennats de la Grande Bibliothèque et de la Pyramide du Louvre, si M. Chirrac a orné son passage du musé des arts premiers, quai Branly, si Sarkozy avait prévu un musée d'histoire de France et Hollande n'a architecturalement pas laissé de grandes traces, le président actuel laissera peut être la marque de la destruction de Notre Dame. Comme disent les sociologues : "Ça fait symptôme".
Remarque complémentaire : Ce dernier n'a jamais autant été ému devant un tel événement que devant la mort et les graves blessés lors des manifestations. Ceci aussi fait symptôme.
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