La
première question que je me pose, après avoir constaté qu'il y a
plus d'histoire derrière moi que de temps futurs à vivre, c’est
celle de mon désir : que souhaité-je vraiment ? Ensuite me vient
celle de mon utilité, puis celle de mon efficience. A ces questions
là, il est rapidement répondu...
Élaborées
ou non, lesdites réponses constituent un cadre de vie, posent les
possibles, les envisageables et tout ce “reste”... qui ne l'est
pas. Chaque réponse invite à une alternative, qui se traduit par
autant de carrefours sur le chemin de nos vies. Face à chaque
carrefour, se pose encore le choix du chemin, et la question de la
force qui m’incite ou m’invite à “y aller ou pas”…voire
qui décide à ma place.
Mais
après ?... Après, vient donc le temps du choix des choix , qui est
la question de fond : Qu'est-ce qui est important ? ... pour moi ? En
d'autres termes on pourrait dire : "Le jeu en vaut-il la
chandelle ?". Souvent, on nous oppose le fait que la question
des bénéfices prévaut, (souvent associée à l’alternative
"bénéfice/risque").
Effectivement,
le propos est recevable, mais de quel type de bénéfice parle-t-on ?
Matériel, moral, idéel ? Identitaire, sensitif, intellectuel ?
Physique, mental, sociétal ?…
A
ce moment, quelque chose de nos fondamentaux resurgit alors, quelque
chose qui s'ancre dans notre origine, dans notre essentiel ; Il s’est
parfois forgé dans notre enfance et notre adolescence.
Pour
ma part j'ai toujours eu une sainte horreur de la fourberie, du
mensonge, de l'irresponsabilité, de l’inconséquence, de la
cachotterie et de l'évitement (comme la mauvaise foi).
Comme
dirait Michel Onfray, je suis quelque peu romain : j'ai besoin du
sens de la parole donnée, de la droiture, de l'engagement et de la
responsabilité. J'ai le sens de la parole vraie, de la recherche de
la vérité. Certains disaient à l'époque, que j'avais un caractère
entier. Il est vrai que je ne manquais pas d'intervenir dans toute
situation qui m'irritait, quel qu’en soit le prix. J'ai
effectivement continué toute ma vie avec une certaine culture
personnaliste. J'ai donc pris des coups que je ne regrette pas.
Un
jour, entendant mon parcours, un interlocuteur me dit d'un ton assuré
et péremptoire : "Monsieur, ici, on s'engage. La versatilité
n'a pas sa place". Effectivement, j'ai plusieurs fois changé de
syndicat, voire de sympathie pour un parti politique ou un autre…
Ce à quoi je lui répondis, comme dans un réflexe : "Monsieur,
je n'ai jamais fait les choses en gardant un pied dehors. Je me suis
toujours engagé totalement. Mais quand je me rends compte que le
chemin n'est pas le bon ou que j'ai fait une connerie, je ne persiste
pas. Je sors !"...
Ce
n'est pas la seule consistance du propos qui me réconforte mais la
posture de vie engagée, réfléchie et conséquente. Elle fonde tout
le reste. J'ai effectivement une sainte horreur de la soumission,
qu'elle soit à des intérêts ou à des pouvoirs singuliers, et une
sainte horreur de l'inconséquence, de l'arrogance, de la fourberie
et de la dissimulation,... je le rappelais un peu plus haut. Elles
m'ont toujours paru faire symptôme de lâcheté et de faiblesse.
Il
me souvient qu'à mon début de vie parisienne,
je me trouvais dans le métro où une altercation entre deux
passagers éclata. Un semblait une caricature de "bof" et
l'autre celle du gauchiste. Ils en vinrent aux mains. Le wagon bougea
vers les extrémités, les passagers fuyant la rixe. Ceci me parut si
stupide que je remontais le flux des personnes, je séparais vivement
les deux protagonistes du haut de mes cinquante kilos, et leur
intimai de rester chacun dans son coin et moi au milieu. Je ne
compris pas que personne ne soit intervenu avant moi. Ceci me
paraissait une lâcheté coupable.
Alors,
adolescent, je me penchais vers des lectures témoignant ou
prônant des postures engagées, responsables, efficientes.
Je
vais probablement vous étonner : c’est tout jeune, que je
découvris les écrits de Daniel Guérin, anarchiste libertaire, et
toute la littérature personnaliste. A ce même moment, je découvris
Proudhon, le fédéraliste pacifiste, Bakounine, le socialiste
libertaire, les frères Reclus, Fourier, Godin, Stirner, Malatesta,
Dejacques, Faure et bien d'autres. Je découvrais simultanément
l’anarcho-syndicalisme, les Coop, Scoop, le fédéralisme et le
monde associatif. J'apprenais l'histoire douloureuse des anarchistes,
à l'origine de toutes les gauches.
Quelques
phrases marquèrent ma mémoire comme : "L'anarchie, c'est
l'ordre sans le pouvoir", "la propriété c'est le vol",
ou bien "Il n'y a pas de tyran. Il
n'y a que des esclaves. Si personne n’obéit, personne ne commande
!".
Dans
cette approche, toute personne est responsable du collectif et y est
engagée, quoi qu'elle en pense et quoi qu'elle en fasse. Autant
faire ce qu'il faut, et ce que l'on pense
juste...
Quelques
histoires de peuples m'ont impressionné, m'indiquant que cette
société sans autorité supérieure existait. Je découvrais celle
des Inuit, des Navajos ou des Yakis.
Depuis,
quand des personnes utilisent le terme d'anarchie pour parler d'un
foutoir ou d'un grand désordre, je m'empresse de corriger : "Vous
voulez parler d'anomie, certainement ?" Je découvrais cette
valeur d'humanisme que j'entendais dans cette assertion : "Pour
les gens, par les gens". Cet humanisme libertaire ne m'a jamais
quitté, ni dans mes choix, ni dans mes engagements, ni dans mes
interventions.
Ainsi,
mon essentiel est bien cette recherche de la
vérité et l'engagement à la défendre, même si elle ne m'est que
partiellement perceptible, appréhendable et donc comprise,... et
difficile à atteindre... Cet humanisme libertaire m'a depuis bien
longtemps semblé la voie qui en portait les valeurs essentielles. Il
ne m'a jamais quitté.
Alors,
me rapprochant chaque jour du soir de mon passage, de la fin
inéluctable de mon parcours, plus rien ne me
semble important, indispensable, digne d'un attachement féroce,
sinon quelques valeurs, entre autres celles là.
J'ai
lâché prise sur les enjeux matériels, identitaires, personnels et
autres. Mais je reste profondément attaché aux principes qui
fondent ma posture depuis mon plus jeune âge :
l'intégrité de tous ordres, la droiture dans ses principes, et
l'entièreté personnelle.
Je
ne sais pas si nous irons vers un monde
meilleur. Je l'ai cru et j’ai œuvré dans cette direction. J'aime
et j'aimerai toujours les gens et la transparence du vrai, en
l’espèce, un humanisme libertaire assumé. Je ne sais pas si,
maintenant, je continuerai à écrire mais je continuerai à penser
et à dire ce qui me semble juste.
Jean-Marc SAURET
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