L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Le dilemme du tramway

Dans les organisations comme dans nos vies courantes, nous avons à nombre de moments, et bien plus que nous n'en avons l'impression, besoin de prendre des décisions. L'auteur et conférencier, Bruno Jarrosson nous fait remarquer que décider ou ne pas décider, c'est encore décider. Il existe de nombreux types d'exercice d'entraînement sur ce thème, notamment celui qu'un jour me posa un directeur d'entreprise : le dilemme du tramway. Il me demanda ce que je ferais si j'étais dans la situation suivante : "Vous conduisez un tramway lancé à grande vitesse. Vous arrivez à un embranchement. Sur la voie principale se trouve un groupe de cinq personnes qui marchent sur la voie. Vous pouvez, en appuyant sur une pédale changer de voie et prendre une secondaire où se trouve une personne allongée sur la voie. Que faites vous ?"
Ce dilemme relève de la logique kantienne dont le philosophe parle dans sa "Critique de la raison pratique". Il y développe que toute décision doit pouvoir s'ériger en loi universelle. Ce que l'on va décider doit pouvoir être applicable à toute autre situation parce que relevant de principes universels. La loi de Moïse, par exemple, relève de cette philosophie là, quand il donne les dix commandements comme divins. Ici, les lois morales dépassent les cas singuliers, personnels ou individuels. Ainsi, dans le monde occidental, toutes les problématiques sont jugées à l'aune de ce principe d'universalité : "Tu ne tueras point. Tu ne voleras pas. Tu ne convoiteras pas la femme de ton proche..." Etc.
Dans ces conditions, comment ai-je répondu à ce directeur qui voulait me tester ? Je lui ai posé un certain nombre de questions dont il ne possédait pas les réponses. Comme, par exemple :
- Quel temps fait-il, beau ou mauvais, soleil ou pluie ?
- Qui sont les passagers du tramway ?
- Avons-nous une habilitation à conduire un tramway ? Moi, pas...
- Quelle expérience en avons-nous ? Depuis combien de temps fait-on cette ligne ?
- Sommes nous dans un lieu touristique ou dans une ville où la population est habituée à la circulation des tramways, ou autres ?
- Quel est le type, la marque et le modèle du tramway ?
- Quelle heure est-il ? Que nous est-il arrivé dans la journée ?… ou quelques moments avant ?
- Qu'ai-je fait la veille ? La fête ? ... ou passé une soirée calme chez nous ?
Le directeur était totalement incapable de répondre à la moindre de mes questions et me rétorquait que ce n'était pas là le problème. Il revenait immanquablement à sa question initiale : "Que faites vous ?"
Je lui posais alors ma question de fond : "Prenez vous toutes vos décisions sans tenir compte de la situation dans son contexte, dans le temps et dans l'espace ?"
- Bien sûr que non, me répondit il, mais il ne s'agit pas de cela. Il s'agit d'un test. Que feriez vous ?
- Toutes les questions que je me pose sont dans la vraie vie, lui dis-je. Chaque problématique est dans un environnement complexe, lequel la définit et influe sur elle. Mais prenons un cas pratique...
Je sortis de ma sacoche un journal du jour que j'avais eu le loisir de parcourir quelques moments avant. Je lui lus un titre dans le sommaire : "Un chef d'entreprise et son fils molestent un cadre de l'entreprise". Je lui demandais alors de quoi il en retournait, et quelle serait sa réaction. Il me répondit, pris dans sa propre logique, -celle que justement il exigeait de moi-, qu'il était intolérable qu'on s'en prenne manu militari à l'un de ses cadres, surtout aidé d'un proche qui n'avait peut être rien à faire là.  Il considérait ici une faute énorme tant morale, managériale que juridique. "Cela ressemble bien à un abus de pouvoir, à un lynchage" me dit-il.
Je lui lus alors le court article : un comptable avait détourné plusieurs milliers d'euros de l'entreprise. Son patron lui demandait des comptes qu'il ne lui donnait jamais. Excédé, le patron lui donna un rendez-vous dans un lieux neutre. Simultanément, son fils se rendit compte que ce détournement était au profit d'un groupe politique d’extrême droite. Il refusa alors que son père aille seul au rendez vous et l'accompagna. Le comptable avoua à demi mot. Le patron exigea la signature d'une reconnaissance de dette, ce que le comptable refusa. La pression montant, le comptable en vint aux mains et c'est alors que le fils intervint pour arrêter la situation devenue violente...
"Aviez-vous compris la situation à la seule lecture du titre ?" demandais-je à mon interlocuteur qui convint instantanément que la vraie vie exigeait la prise en compte de tous les éléments de réalité. C'est bien ce qu'il faisait chaque jour, et j'en étais certain...
Je l'invitai alors à lire l'excellent livre de mon confrère Bruno Jarrosson, "Décider ou ne pas décider ?" (Maxima, 1994). Celui-ci y montre que "les faits dépendent aussi de l’observation et de ses propres croyances… et (que) toute perception est liée à une intention". Nous n'interrogeons donc que ce qui nous préoccupe, avec l'intention d'y voir ce que l'on croit.
De ce fait, nous décidons davantage sur des informations, que nous interprétons, que sur la connaissance réelle des problématiques qui se posent à nous. De plus nous nous vantons de la qualité de nos interprétations, comme si nos paradigmes de référence servaient de justificatifs suffisants pour "la connaissance". Non ?... C'est là aussi la logique du "dilemme du tramway", et nous en convînmes… en nous remémorant le dilemme du prisonnier, d’une nature analogue. 
Jean-Marc SAURET
Le mardi 23 avril 2019

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos contributions enrichissent le débat.