Il
s'agit, dans ce nouvel article, d'aborder raisonnablement les
questions de l'efficience ou de l'inefficience, de l'efficacité ou
de l'inefficacité, de la violence et de la non-violence.
Généralement nous affichons plus des postures de principe ou de
valeur face à ces deux stratégies bien différentes, à tel
point que nous finissons par les voir opposées. Il y
a de la morale ou de l'absence de morale invoquées dans nos choix et
aversions. Cependant elles ne sont pas de même nature. Elles
ne constituent pas le même chemin. Aujourd'hui je voudrais
arrêter un instant mon regard sur ces deux démarches selon le
principe d'efficacité. Fréquemment, c’est celui qui se
trouve souvent invoqué, pour justifier du choix de la
violence.
Avant
d'en venir là, je voudrais considérer une première différence de
nature entre violence et non violence. Si la première est plurielle,
la seconde est singulière, unique. En effet, nous parlons aisément
de violences physiques, psychiques ou morales. Nous parlons aussi de
violences policières, de violences parentales, de violences
maladives, de violences carcérales... Bref, le cadre et la source de
ces violences en font une singularité. Nous distinguons en
effet, différentes natures de violences.
Pourquoi
cela ? C'est parce que nous ne traitons que bien rarement la violence
en soi. Nous la considérons dans un cadre, une singularité, une
pratique, parce qu'on ne répond pas à la violence policière comme
l'on répond à la violence managériale, par exemple. A chacune de
ces pratiques correspond sa réponse singulière parce que le besoin
d'efficience s'impose. Comme l'on dit que les faits sont têtus, on
constate que chaque problématique a besoin de réponses appropriées
tenant compte des effets, de la gravité, du contexte et des acteurs.
Les pompiers, par exemple, face à la violence du feu et de l'eau
prennent en compte cette variable "terrain" dans leur
recherche de réponse, de solution.
Par
ailleurs, nous savons que les violences sont toujours codifiées.
J'ai été un praticien passionné de sports de combats. Il est,
selon moi, l'affrontement sportif
ultime. Quand nous montions sur le ring, en mon occurrence pour
l'exercice d'une boxe pieds poings, nous connaissions les règles de
temps (la durée des reprises et leurs nombres selon les catégories
et les compétitions), de lieux (uniquement le ring) et les codes de
frappe.
Certaines
étaient interdites, d'autres permises. Un arbitre était là pour
les faire respecter, et elles l'étaient. Celle du respect de
l'adversaire et les règles d'usages étaient incontournables. C'est
d'ailleurs cela qui en faisait un sport sous des dénomination
singulières : boxe anglaise, boxe française ou savate, boxe thaï,
full contact, K-one et autres. Quand lesdites règles ne sont plus
respectées c'est terrible, c'est la guerre. On sait comment et quand
elle commence, mais alors personne ne sait ni quand, ni comment
l’arrêter.
Nous
savons ensuite une chose simple : si l'on accepte le
combat, on accepte aussi la possibilité de le perdre. Ainsi, quand
on rentre dans la violence, on accepte de la subir, avec toutes
ses conséquences. On sait aussi à qui ou à quoi elle profite,
mais cet élément ne sert réellement pas à grand chose
dans sa gestion. Les accusations réciproques n'en donnent nullement
la maîtrise.
On
a, par ailleurs, bien compris que mettre de la violence
dans une manifestation populaire la discrédite. On a là, tout
indiqués, quelques-uns des véritables coupables de ladite
violence. Mais ce n'est pas dans la violence qu'on forcera
les fauteurs de troubles à arrêter leur forfait. C'est
sur un tout autre plan que nous allons aborder ce point
déterminant... Ça y est… nous y sommes.
En ce
qui concerne donc la non violence, ces notions de
contextes, d'acteurs, de terrains, de niveau, n'apparaissent pas ici
comme pertinentes. Est-ce parce que la non-violence est une négation,
donc une absence, en l’occurrence de violence, qui rendrait
caduques ces variables ? Cela se peut, et la considération parait
judicieuse.
Par
ailleurs, rappelons nous que j'invitais à adopter un terme positif
pour parler de la non-violence, afin que
cette démarche n'apparaisse plus en creux de son inverse, mais en
pleine “réalité”, consistante et assurée. Je propose
en l’espèce d'utiliser plutôt le terme de "en paix".
Qu'a cela ne tienne, la non violence (ou “l'en paix”) ne se
décline pas. Elle ne se gradue pas davantage. Elle est ou n'est
pas.
A
l'inverse des violences, elle s’avère toujours
singulière. C'est un peu comme la présence : ou elle est, ou elle
n'est pas. Il n'y a jamais, en cette occurrence, de
troisième voie, ou de voie du milieu.
“L'en
paix”, ou non violence, est unique et universelle. Elle relève de
surcroît, d'une réalité, d’une certitude de
confiance, a priori. Il faut y croire pour qu'elle soit. Il ne
s'agit pas d'une absence, comme je l’ai déjà dit, mais d'un
choix stratégique, d'un engagement. Et c’est bien à cela que
je veux parvenir.
Empruntons
alors la notion d'efficience à ceux qui en usent, voire
abusent, pour justifier les options violentes. Quel a été le
raisonnement, et donc la stratégie du Mahatma Gandhi quand il a
pris la tête du mouvement d'indépendance de l'Inde ? Il l'a
plusieurs fois expliqué. Sa posture était la suivante :
-
Que voulons nous ? : L'indépendance !
- Qui la détient ? : L'anglais !
- Qui est le plus puissant militairement ? : Toujours l'anglais !
- Donc l'anglais n'est pas notre ennemi, mais notre partenaire...
- Qui la détient ? : L'anglais !
- Qui est le plus puissant militairement ? : Toujours l'anglais !
- Donc l'anglais n'est pas notre ennemi, mais notre partenaire...
Dès
lors, Gandhi n'aura de cesse de mettre une pression de
présence et de volonté sur l’anglais, tout en évitant
tout affrontement dont il serait sorti meurtri, blessé, et
assurément perdant. L'anglais n'a eu de cesse de
produire de la violence pour attirer les indépendantistes sur le
terrain qui leur était favorable. Ils ne savaient pas "jouer"
sur ce nouveau registre de partenaires. Quand
la violence éradique les opposants, “l'En
paix” développe une rencontre
d'accord. Stratégiquement, Gandhi a donc refusé la violence,
parce qu'on ne joue pas dans la cour de l'autre.
On joue dans la sienne, là où l'on maîtrise justement le
sujet. Gandhi a donc bien évité l'affrontement
violent.
Il
a condamné et décrit afin que personne ne réponde à
la violence et que chacun se fasse une doctrine de la "non-violence",
sur la base de cet "en paix" puissant. C'est parce que
nous avons autant besoin de sens que de clarté, et donc d'une
vision claire, que nous sommes en capacité d’agir ainsi. C’est
bien grâce à cette liberté d'agir, fondée sur notre
cœur et notre raison, que la démarche s’avère
aussi efficiente.
De
la même façon, c’est bien ce sens de vérité qui donne sa
force à un mouvement d'En-Paix. Transparence et vérité sont les
maîtres mots du succès de cette démarche. Elle peut alors
se développer à l’envi, dans la plus grande paix et la
plus grande fermeté aussi. Ce sont là ses principales forces !
Si la
pratique du mensonge est habituelle dans les oppositions et les
conflits, elle s'exerce avec une extrême malveillance. On
appelle aussi cela de la "communication"... On peut
par exemple annoncer un grand débat en période de crise sur
laquelle sa violence n'a pas fonctionné... tout en canalisant ledit
débat et le transformant en show présidentiel, préparant des
élections prochaines... On
peut qualifier le procédé de mensonge, sinon... d’escroquerie.
Est-ce
que l'escroquerie marche toujours ? Pas vraiment... Si une courte
victoire temporaire peut exister en marge de la guerre, on la paie
tôt ou tard, et la plus part
du temps avec les intérêts. Il suffit
d'attendre, d'autant plus que l'adversaire a une faiblesse certaine
en l’espèce, une “sainte horreur” du
combat rapproché... En effet, il ne descend dans l’arène
que bardé de règles, de cadres, de conditions qui lui accordent une
position haute, de décideur, de maître du
jeu. C'est de là qu'il tient cette condescendance qui agace
tellement...
Ainsi,
ce n'est pas la contrainte (la violence) qui donne la victoire, mais
la sincérité de l'engagement et la clarté de sa propre démarche.
La
violence ne fait que détruire. On n'a jamais vu une société
meilleure sortir d'une guerre. Il semblerait que les “grands” aient
appris de Gandhi que la violence directe amène avec elle le risque
de perdre et de mourir. Alors, ils abordent le conflit avec les
formes de la paix... et la violence du mensonge (que l'on appelle
aussi "manipulation" et qu'ils nomment encore
"communication").
Il
me souvient de ce combat de boxe anglaise, en avril 87, opposant deux
figures de l'époque, Marvin Hagler et Sugar Ray Leonard. La
puissance était l’apanage du premier. Durant tout le combat
celui-ci a tenté de trouver le KO, avançant constamment, mettant
une pression permanente. Que fit le second ? Il esquivait, se
déplaçait, piquait de quelques coup comme une abeille et finit le
combat sans encombre, la victoire dans la poche. Dans les règle du
"noble art", il a évité la violence et lui a préféré
une intelligence d'évitement, optant pour la victoire aux points
marqués...
Quelles
sont alors, les raisons du mensonge ? Surement d'installer
une pseudo "réalité" favorable. Mais les gens
sont-ils idiots ? Certainement pas. Les prendre pour cela est
un mépris qui sera très vite et amplement reproché... Personne
n'est dupe. Si les gens se taisent parfois, c'est qu'ils attendent un
moment plus favorable.
Certes,
chaque mensonge dit quelque chose du menteur : ses failles et ses
faiblesses (comme celle de la peur du combat de près).
Le mensonge bien sûr dépend de la relation et de la
réception, voire de l’appropriation, par l’autre dudit mensonge…
C’est ce qui fait ou fera la gravité et la qualité du
mensonge, et donc son efficience.
Comme l’écrivait
Anselme Bellegarrigue : "S'il n'y a personne pour obéir, il n'y
a personne qui commande !" Celui qui accepte le mensonge ou la
violence prend la route de la défaite.
Le
charme et la duperie ne font fonctionner le mensonge que par la
réception du trompé. Il en va de même pour la
violence. Il faut juste savoir que les gens ne se font
duper qu'une seule fois. Après, ils ont appris... Le mensonge est
bien une violence, d'un autre genre certes, mais avec une visée à
très court terme.
Alors,
oui, la non violence, cet "en paix", marche de pair avec la
sincérité et la transparence. Et là, l'efficience est redoutable.
C'est bien ce qu'avaient compris Martin Luther King et Nelson
Mandela, des praticiens redoutable de l'En-Paix. On sait que ce
dernier connaissait bien les deux voies pour les avoir toutes deux
pratiquées. Il a gagné avec la non violence parce que celle-ci fait
de l'adversaire un partenaire, considéré pour sa puissance, son
engagement et son intelligence.
Les
caractéristiques, maintenant sont connues : elles s’appellent la
puissance de la conviction du vrai, la réalité de la considération
de l'autre, et le refus de venir sur un terrain défavorable. Ce
sont ces éléments qui font de la non-violence une voie
redoutablement efficace. Mieux encore, l'En paix a le temps.
Que
dit-on des impatients qui s'énervent ? Qu'ils sont idiots et qu'ils
ont tort...
Ceux là mourront donc par la violence dont ils usent.
Sous
forme de conclusion, toujours provisoire,
rappelons nous que la violence est destructrice. Toutes les guerres
nous l'ont montré. La non violence, elle, est constructive. C'est
dans les périodes de paix que viennent la croissance et le
développement (C'est la raison pour laquelle le libéralisme fait
ses guerres ailleurs que sur ses marchés...). Après la violence il
ne reste que les ruines. Par contre, il n'y a pas d'après la non
violence car la construction et l'imagination continuent. Le
“choix” pourtant parait simple...
Jean-Marc SAURET
Le mardi 5 mars 2019
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