"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

Retour vers le solidarisme

Le solidarisme est cette école de pensée économique qui visait, par le mouvement coopératif et d’autres formes d’entraide, « à sortir les pauvres de la dépendance à l’égard de la générosité toute relative des riches, en leur permettant de prendre eux-mêmes en charge leur vie matérielle ». Dans cette école pratique de pensée, dite l'école de Nîmes, Charles Gide représentait un courant fédérateur. Ce courant croisait celui des Pierre-Joseph Proudhon et Charles Fourier, fondateurs de l'anarchie alors, comme lui, fédéraliste, pacifiste, humaniste et coopérative. Le familistère de Guise, créé par Jean-Baptiste Godin, en est l'illustration pratique et concrète. Il démontre que "ça marche et que même ça prospère".
Créé en 1881, cette institution s'éteindra doucement en 1968, progressivement délaissé par ses occupants sur une valeur post-moderne et contre-anarchiste : le goût de la propriété. Cette école de Nîmes, avec Édouard de Boyve et Auguste Fabre, fut la première université populaire. C’est, à partir de ces prémisses, que l’on vit essaimer plusieurs coopératives de consommation. Elles possédaient déjà la forme de celles que l'on voit fleurir tant aujourd'hui, notemment dans l'espace rural.
"Le mot solidarité vient du latin in solidum, qui signifie dans un tout" nous dit le professeur de philosophie, Frédéric Rognon. Il s'agissait d'un concept juridique qui désignait, en droit romain, la responsabilité collective d’une fratrie lorsque l’un de ses membres commettait une infraction ou se trouvait endetté. Il s'agit là d'un principe du "chacun pour tous et tous pour chacun". Dans le champ socio-politique, le principe de solidarité implique que les hommes d’une même nation vivent dans le même rapport entre eux que les organes d’un corps vivant.
Ce principe s'éloigne donc de toutes les autres notions, telles l’individualisme, mais aussi l’aumône, l’assistanat ou la charité. Ces notions à connotations condescendantes, tendent à mettre le récipiendaire en posture de redevance. Il n’est pas inutile de rappeler la formule qui précise “que la main qui donne est toujours au dessus de la main qui reçoit”. 
Le mouvement coopératif cherchera donc à sortir les pauvres de la dépendance à l’égard de la générosité toute relative des riches, en leur permettant de prendre eux-mêmes en charge leur vie matérielle. C'est le pari sur lequel l'abbé Pierre fonda les communautés d'Emmaüs. Cela relève autant d'une question d’efficacité que d'une éthique de la dignité humaine. Nous retrouvons aussi là les principes de Paul Ricœur dans sa théorie du "socius" et du prochain, des relations longues et des relations courtes.
Ce qu'avait mis en exergue Charles Gide est l'absence de "valeur" dans le principe de solidarité. Celle-ci peut tout autant être positive que négative, aussi bien dans la dynamique que dans le retrait, dans la création que dans la destruction, ou l'autodestruction. Le partage se situe autant dans les gains que dans les conséquences, et Charles Gide, chrétien protestant convaincu, de citer l’apôtre Paul  : "Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui".
La solidarité suppose une adhésion à l’idée d'un "commun essentiel". Quel qu’il soit, c'est ce qui est en commun qui prime, et qui fait que nous sommes ensemble. On retrouve là, pêle mêle, le lien de foi, de sang, d'idéologie, de vision du monde, mais aussi le sens de ce que nous sommes. En fait, le concept rassemble tout ce qui ressortit de nos goûts, et de l’ensemble de nos “ressentis” : nos joies ou nos souffrances... etc.
C'est ce "commun essentiel" qui détermine la nature même et le sens de la solidarité. Elle concilie la forme, les modalités d'exercice et le devenir. Ainsi, on peut trouver des solidarités contraintes, des solidarité xénophobes, des solidarités de sang, des solidarités éthiques, des solidarités héréditaires, des solidarités de contre comme l'a été celle entre les résistants durant la seconde guerre mondiale rassemblant communistes et royalistes. On rencontre même dans des environnements religieux, mystiques, ethniques ou magiques, des solidarités entre les morts et les vivants.
Charles Gide précisait que la solidarité dans le champ socio-politique consiste alors à soutenir les petits qui n’ont pas eu de chance du fait des conditions de leur naissance ou des aléas de leur existence, en partageant à partir des biens de ceux auxquels la vie a davantage souri. Ainsi, l’impôt progressif et proportionné apparaît comme un outils de sa manifestation.
Mais il y a quelque chose du don et du contre don dans le principe de solidarité. Ce n'est alors pas ici le principe de "redevabilité" qui y invite mais celui d'appartenance à ce "commun essentiel". La solidarité devient alors un lien social, un essentiel, un fondamental.
L'absence de ce lien social fondamental, fait donc symptôme du manque de cet "essentiel commun". En l'espèce, c'est bien l'absence de ce qui fait identité commune, appartenance, voire son indéfectibilité. Chez les protestants, par exemple, l'humanisme fondateur installe de facto le principe de solidarité, car l'humanisme est une philosophie sociale qui vise un devenir (un monde meilleur) "pour les humains par les humains".
Si les économistes libéraux ne reconnaissent de solidarités que d'intérêt, les humanistes les reconnaissent toutes, sans forcément y adhérer de fait, a fortiori quand elles vont à l'encontre du bien commun, du vivre ensemble, du principe de liberté, d'égalité et de fraternité. A cette devise, les républicains de la "sociale" (la seconde république de 1848) avaient ajouté justement le principe de solidarité.
La solidarité est donc bien un principe d'avenir et de progrès, et elle n'a rien à voir avec le conservatisme. J'entend d'aucuns dire que si certains sont riches, c'est surement qu'ils ont fait ce qu'il fallait pour cela, qu'ils ont développé et honoré la valeur du travail, qu'ils l'ont bien gagné. A cela, me vient cette question pour eux : Y sont-ils parvenus seuls ? Personne ne les a assisté, protégé, accompagné ? Qu'ont-ils fait de ceux-ci qui ont été des contributeurs de leurs affaires ? A quel "essentiel commun" appartiennent-ils ? Qu'ont-ils fait de tous ceux de leur "essentiel commun" qui ont croisé leur route ? Dans quel lien social existent-ils ? ...Qu'ils ne nous disent pas qu'ils n'en n'ont pas, cela voudrait dire qu'ils n'existent pas... En effet, l'essentiel commun est le propre de l'être humain : nous n'existons que de l'Autre.
Alors, dans les mouvements sociaux, il y a autant de connections solidaires (comme l'ont dit tous ceux qui ont partagé des luttes et des aventures) qu'en rupture d'autres solidarités d'un essentiel commun plus large, mais qui est ressenti comme "trahi". Ainsi les révolutions rassemblent des corps solidaires et divise le corps global. Il en va toujours ainsi en matière d'évolutions, et d'innovations... Ça nous rappelle quelque chose ?
Eh bien, oui. Derrière de grandes frustrations, vécues en post-modernité comme de la maltraitance, et ce en lien direct avec l'ultra-consommation, nous assistons à un certain retour du solidarisme.

Ce sont les AMAP, les bars associatifs, les monnaies locales, les "ressourceries" et autres "Repair cafés", les "FabLabs", les coordinations de tous ordres, les gilets jaunes, les collectifs en tous genres, etc., qui fonctionnent en réseaux. Ce n'est là qu'une question d'identité, de valeurs fondamentales et de vivre ensemble...
Jean-Marc SAURET
Le mardi 12 février 2019

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