"Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute la puissance de notre pensée ! " Après avoir durant des années posté ici réflexions et conseils sur le management des organisations, je livre aujourd'hui une vision de la réalité, au plus profond de soi même sur l'être et l'univers. Profitez ! Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en indiquer chaque fois la source et de ne pas en faire commerce.

La Maïeutique ou l'art du questionnement socratique

On prête à Socrate d'avoir inventé cet art de l'accouchement des idées. Il n'enseignait pas, dit-on, mais questionnait ses élèves, tout en marchant, jusqu'à ce qu'ils réalisent le fond même de leurs pensées, de leurs propre réalité. Mais de quoi s'agit-il ? 
Tout d'abord, le principe part de l'idée que l'enseignant ne sait pas vraiment ce que cherche l'élève ou disciple, et surtout il ne sait pas quelle est la vérité à révéler s'il y en a une... Est-il bien un enseignant alors, me direz-vous ? Absolument, et ce doute qui est devenu scientifique, dirige la démarche. Depuis Schopenhauer, réinstallé involontairement par les constructivistes de Palo Alto, nous savons que la réalité n'est jamais que la conscience que nous avons du monde. Ainsi, nous questionner nous permet de revisiter cette conscience que nous avons des choses du monde, nous permettant ainsi d’effectuer des mises à jour. La question est donc bien “apprenante”. Elle est tout un art, voire même, une intelligence.
Il me revient cette historiette très ancienne où un quidam demande à un jésuite s'il est bien vrai que les gens de sa confrérie ne répondent jamais aux questions que par une autre question. Le jésuite lui répondit : "Mais, qui vous a dit ça ?...". On peut supposer alors que le questionneur va revisiter sa posture...
Il me revient aussi cette remarque de consultant qui, repéré par son client dans sa méthode de questionnements permanent, lui dit que la question "Qu'est-ce qui vous le fait dire ?", constitue bien “LA” question méthodologique du consultant, et par là même, celle qui permet d'aller toujours plus loin. L'idée de ce consultant était de chercher avec le client les causes cachées, de manière à les traiter. Le consultant, par définition, ne sait jamais ce qu'il cherche (nous parlons là des “vrais” consultants…) .
Nous avons vu, avec Sénèque et Marc Aurèle, que ce ne sont pas les choses qui nous gênent, mais le regard que nous leur portons. Dans ces conditions, la réponse à tous nos questionnements, se trouve encore et toujours dans nos cœurs et nos têtes.
Ainsi, questionner l'autre, c'est bien l'aider à prendre conscience de sa posture sur les choses qui, le cas échéant, le gênent. Ce sont justement les mêmes qu'il pense ne pas connaître (ou bien qu'il pense à tort bien connaître)... Voilà qui revient alors à une question de lucidité. Il me souvient encore de ce professeur de philo qui passait la moitié de ses cours à nous interroger. Non pas pour vérifier nos connaissances, comme le faisaient les professeurs d'histoire et géographie, de mathématique, de physique ou de chimie, mais pour nous faire prendre conscience du champ de réalité qu'il était en train d'ouvrir. Dès lors, ce qu'il avait à nous dire sur tel ou tel philosophe était attendu comme une gourmandise (pas comme une vérité, certes). Nous avions alors changé de posture et c'est bien cela le but, celui qui justement nous enrichit au premier chef.
Nous appelons aussi ceci, en psychosociologie, faire un "effet premier". Tout le monde connait ce jeu de questionnement où l'animateur demande plusieurs fois à l'impétrant quelle est la couleur des objets blancs qu'il lui montre. Ensuite, il lui pose la question, parfois vécue comme un piège, : "Que boit la vache ?" et l'impétrant répond neuf fois sur dix : "...du lait !". Eh bien non, comme tous les autres animaux et humains, elle boit de l'eau. Mais l'association de liquide, de vache et de blanc, donne symboliquement du lait. Nous avons déjà vu ce phénomène à propos de l'intelligence symbolique.
Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c’est que la question éveille (ou réveille) des éléments de réalité, et de connaissances, du sujet. Alors ceux-ci peuvent remonter à la mémoire pour que le sujet "en use", afin d’en faire de nouveau quelque chose. Les souvenirs, disait Lacan, ne bougent pas et ne servent à rien tant qu'on ne les rappelle pas à la conscience. Nous pouvons dire que tous ces éléments de connaissance, d'expérience, de réalité sociales, nous servent à déconstruire et reconstruire notre conscience du réel, mais à la seule condition que nous les fassions remonter "en surface".
Souvent j'ai pris cet exemple du chausseur qui reçoit son ou sa cliente, écoute ce qu'elle espère trouver dans sa boutique, puis part dans l'arrière boutique pour en ramener tous les modèles qui correspondent à l'attente de son ou de sa cliente. Nos phases de rappel à la mémoire sont ainsi faites. Nous ramenons dans la "boutique du présent" tous ces souvenirs, connaissances, expériences, représentations collectives, que la question de l'enseignant, ou simplement de  "l'autre", a fait remonter à ma mémoire. C'est cela un effet premier.
Dès lors, nous pouvons faire quelque chose de tout cela. Ce sont bien ces éléments qui constituent la base riche de notre réflexion. Il serait loisible de les nommer aujourd'hui “bases de données“. Voilà bien la première démarche que pratiquera un enseignant, un consultant et toute personne prétendant à l'accompagnement ou au développement d'autres : questionner afin que les éléments mentaux de l'autre arrivent “dans la boutique”.
Il est vrai, comme nous l'avons vu avec l'effet premier de la question, que ladite question puisse orienter la remontée des éléments. C'est aussi l’apanage des questions fermées. La conséquence peut être alors une remontée quelque peu limitée, et réduite. La méthode peut aussi paraître quelque peu manipulatoire. La maïeutique procède différemment. Elle permet de faire remonter ouvertement à la conscience les éléments propres à la personne, éléments dont l’enseignant ignore tout. La maïeutique part du principe que l'impétrant sait bien des choses dont il n'a pas conscience. C’est justement sur ces connaissances là que viendront s'ancrer les réalités et informations nouvelles. La solution, avec ces prémices, lui appartient en propre.
Il est ainsi quelques règles intangibles, et de bon sens. Rien ne sert d'affirmer quoi que ce soit si l'autre n'est pas prêt à le recevoir. Rien ne se construit dans une tête en désordre. Rien n'est plus vrai, pour l'impétrant, que ce qu’il sait déjà.
Ainsi, la question reste l'outil par excellence du développement des connaissances et de soi même. Le happening, si nous le regardons simplement, sans jugement a priori, nous pose des questions. C’est bien pour cela qu'il existe et que certains l'utilisent. Nous rejetons parfois quelque chose a priori. C’est ce que nous faisons fréquemment face aux événements de la vie. Cela vaut pour le happening.
Quand nous le rejetons, c'est que nous lui opposons un jugement de fait basé sur nos certitudes et nos croyances. La maïeutique est basée sur une tout autre démarche. En l’espèce, notre posture d'ouverture (et d'accueil) s’avère être notre meilleure amie pour notre développement, pour notre bien et celui de tous. Alors... le fait d’accueillir simplement la question pourrait bien constituer, à lui seul, le début de la sagesse. Il est possible que ce soit ce qui est en train de se passer ce matin, pour certains, face à l’événement des "Gilets Jaunes"...
Jean-Marc SAURET

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