Qu'est-ce
que le trans-humanisme ? Ce trans-humanisme, en un mot
(ou en deux) apparaît aujourd'hui comme l'avenir de l'humanité.
On peut le considérer aussi, comme la nouvelle frontière à
conquérir ou dépasser, voire également comme la nouvelle
religion de la science ?
Certains n'y verront,
avec une certaine justesse, que la résurgence de
l'eugénisme du début du vingtième siècle, celui qui prônait,
justement “l’homme nouveau”. Ce concept correspondait bien à
l'idée que certains se faisaient de "l'homme".
A
y regarder de plus près, ce phénomène ne serait
donc que la matérialisation d'une vision matérialiste et mécaniste
de l'humain. Cette conception s'oppose à un autre schéma
: celui qui dispose d’une approche organique du monde, et
de l'humain qui y participe. Nous retrouvons une fois encore cette
dualité de représentations. Elle nous accompagne et
nous suit partout. C'est un fait.
Ainsi,
assistons nous à une montée de réactions individuelles,
constituant, en tant que telles, une tentative de secours présumés.
La “bouée”, ou la roue de secours ne peuvent pas être à
l’échelle des enjeux sociétaux.
Face
à une mondialisation qui les rend perdants, nombre de personnes
pensent que des solutions personnelles et individuelles sont
les plus appropriées. Le progrès, ou réputé
tel, ne porte plus le projet de l'humanité. Il faut donc se
l'approprier ou s'en dégager, pour tenter de “s’en sortir”.
C’est dans ces conditions que chacune et chacun tente de
“maintenir la tête hors de l’eau” par ses propres moyens,
(et/ou pour son propre compte).
A force
de voir des individus prendre sans vergogne possession de la planète,
la réaction ordinaire est de "faire pareil", de s'en
sortir par soi même, de ne plus faire appel à qui que ce soit.
Le monde apparaît bien comme étant celui des
prédateurs. La réaction est logique, bien que totalement
insatisfaisante, trop courte.
Au
milieu de ce courant là, la solution de type "new
age" semble être la bonne, par ce
qu'intègrant la santé du corps et/ou de l'esprit, elle se
situe bien en dehors de ce monde mécaniste et matérialiste.
Or,
que font les industriels du numérique, les GAFA par exemple ? Ils
ouvrent une démarche de "salvation" de l'humanité par le
développement mécaniste de l'individu et le nomment le
trans-humanisme. C'est par
ce canal que se fait le retour à l'eugénisme. Sauver
l'humanité, d'accord, mais de quoi, comment, et pour quoi faire
?
Quelle est
cette finalité que vise le transhumanisme ? Eh bien, il s'agit de la
même finalité que celle que l'eugénisme cherchait :
développer, en l’espèce, les potentiels humains pour en
faire un "sur-humain", un humain nouveau aux pouvoirs et
capacités accrus. Même si ce n'est plus par la génétique, mais
par le développement technologique, la finalité, le résultat, sont
les mêmes.
La
démarche ne pouvant être et ne visant d’ailleurs pas à
être universelle, ce ne sont que quelques-uns qui y
accéderont (s'ils y arrivent). Il s'agit donc bien, encore une fois,
de constituer en fait une élite.
Mais
il y aura, là aussi, plus de perdants encore, comme le montrent les
journalistes Charles Parragin et Guillaume Renouard dans un article
érudit du Monde Diplomatique d’août dernier. La démarche
de développement de cette singularité ne serait, selon leurs
recherches, que l'apanage des GAFA, (plus quelques autres), pour
atteindre leurs propres objectifs de développement. Il s'agit en
fait de créer par aspiration le besoin de développement
technologique dont ils sont les propriétaires.
En bons
pompiers-pyromanes, ce qu’ils souhaitent, c’est de
valoriser un problème dont ils s’apprêtent à commercialiser la
solution. Il ne s'agirait donc pas d'un quelconque humanisme, mais
d'un simple développement commercial. Ce sont bien mes conclusions à
ce point, mais voyons cela de plus près.
Le
transhumanisme agit comme une planche ou promesse de salut en écho à
des "angoisses sociales" apocalyptiques : la planète
va mal, les crises économiques semblent se succéder, la pauvreté
menace de plus en plus de monde, les pénuries énergétiques se
profilent, etc... Alors, le courant trans-humaniste propose de
passer directement à la solution individuelle sans passer par la
case sociale, voire sociétale, comme si les sociétés
étaient dépassées.
Le développement artificiel de capacités
physiques et intellectuelles semble réenchanter un monde
fini. Le robot annoncé mais menaçant devient l'allié de l'humain.
Ainsi, le risque existentiel du développement technologique se donne
une finalité heureuse et bienveillante. Cependant, l'objectif de ce
type de développement reste encore une appropriation du big data,
une prise de pouvoir sur les choix des personnes à des fins
commerciales. Il s’agit bien ici de captation de
marchés ! Pour approfondir et entrer dans les
détails, je renvoie à l'excellent article du Monde
diplomatique.précité.
Ici,
l'angélisme n'est pas de mise. Les investisseurs dans le
transhumanisme sont “bizarrement” les propriétaires
des technologies d'exploitation du big data, les GAFA. La visée de
ce progrès n'a rien de chaleureux, de tendre ni de bienveillant. Si
elle en a l'aspect, elle n'en a pas la réalité. Alors, nous pouvons
laisser tomber cette fausse promesse, artefact d’une réalité
trompeuse. Il nous reste à regarder d'un simple coup d’œil
ce qui serait un développement réel de l'humain et de l'humanité.
D'un
point de vue social et sociétal, il y a, en cette occurrence, un
véritable choix à opérer. Voulons nous que l'humanité
progresse ?... Ou seulement et physiquement quelques
personnes qui en auraient les moyens (matériels, physiques ou
intellectuels) ?
Seule
la première option respecte les valeurs d'un certain humanisme, et
encore faudrait il qu'il soit “échosophe”.
Regardons pour
l'instant cette finalité d'amélioration de la personne
humaine, (l'ouverture et le développement pourront faire
l'objet d'autres articles). Qu'est-ce qui ferait un "mieux
humain" ? Si l'on se place dans l'optique mécaniste du monde,
il s'agit bien, comme dans la démarche de transhumanisme, de
développements de capacités intellectuelles et physiques,
matérielles et techniques.
Et
si nous nous plaçons dans une optique organique et “échosophe”,
c'est à dire en regardant le vivant de l'humain et de l'humanité
dans son milieu, ce "mieux humain" serait alors dans
un nouveau champ. Un champ résolument moral,
éthique, assis sur un fond d’intelligence et de connaissance.
Il
s'agirait alors que tout un chacun puisse développer ses accès à
la connaissance. En l’espèce, accéder à la connaissance de
soi, des autres, de l'humanité, du monde, des interdépendances et
des reliances. Il faudrait aussi savoir quoi en faire et
comment… Le processus, à ces conditions pourrait aller jusqu'à
la perspective de solidarités efficaces. Certaines pourraient être
qualifiées d’efficientes.
Alors,
la notion de progrès changerait radicalement. Car selon
ces nouvelles normes, la finalité d'évolutions se transforme
totalement, et le chemin aussi. Je ne donnerai pas ici de directions
définitives, mais laisserai la porte ouverte sur ces pensées qui
nous ont précédé et que d'aucuns brandissent
aujourd'hui; Mais sommes nous en capacité de les voir ?
Je m’arrêterai
sur quelques propositions de quelques personnes un peu moins
connues. Philippe BOBOLA, physicien et ethnologue universitaire, nous
indique que “ La vie est l'intrication d'éléments. Une
cellule isolée est morte. Un être vivant est toujours relié et a
le sens du lien. Dans l'univers, les contraires ne sont pas
contradictoires mais complémentaires". Nous faisons
partie “d'un tout de nature”. Non seulement nous en
dépendons, mais nous y sommes de surcroît agissants
malgré nous.
Jacques
Ellul, historien, sociologue et auteur du livre “Les nouveaux
possédés”, (Fayard 1973), y développait une approche
originale : "Ce n'est pas la technique qui nous asservit
mais le sacré transféré dans la technique, qui nous empêche
d'avoir une fonction critique et de la faire servir au développement
humain".
Le
Dalaï Lama confessait que "La planète n'a pas besoin de gens
qui "réussissent". La planète a désespérément besoin
de plus en plus de faiseurs de paix, de guérisseurs, de conteurs
d'histoires et de passionnés de toutes sortes". Il ouvre là un
champ de progrès bien différent ... Et il y a encore tellement à
dire et à faire...
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