L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

Mutation de la violence dans le monde

Steven Pinker, professeur de psychologie à Harvard et ancien dirigeant du MIT (Massachusetts Institute of Technology), considère dans son ouvrage "La part de l'ange en nous" *, qu'il est peu probable que la nature humaine (la nature biologique de l'homme) ait changé. Il pense qu'il est plus probable que la nature humaine inclut les penchants pour la violence, mais également « les bons anges de notre nature » :  ces penchants qui s'opposent à la violence. Il décrit six « grands facteurs historiques du déclin de la violence ». Chacun dispose de ses propres causes sociologiques, culturelles et/ou économiques :
  1. « Le processus de pacification » - la montée de systèmes de gouvernement organisés vient en corrélation avec le déclin des morts violentes. Quand les États s'étendent, ils limitent les luttes tribales, en réduisant ainsi les pertes.
  2. « Le processus civilisateur » - la consolidation des États et des royaumes centralisés dans toute l'Europe se traduit par l'augmentation de la justice pénale et des infrastructures commerciales. Cette organisation a permis de remplacer le chaos des systèmes précédents, susceptibles de conduire à des raids et à des violences de masse.
  3. « La révolution humanitaire » - En passant du XVIIIème au XXème siècle, on assiste à l’abandon de la violence institutionnalisée par l'État (le supplice de la roue, le bûcher...). Ce changement est probablement dû à l'alphabétisation de masse qui a suivi l'invention de l'imprimerie. Ce progrès aura permis au prolétariat de questionner la sagesse conventionnelle.
  4. « La longue paix » - On imaginait au XXème siècle que cette période serait la plus sanglante de l'histoire. Elle sera au contraire une période largement pacifique : 73 années de paix depuis la Seconde Guerre mondiale. Les pays développés ne font plus la guerre (entre eux, et dans les colonies) : ils adoptent la démocratie, ce qui conduit, corrélativement à un déclin massif (en moyenne) des décès.
  5. « La nouvelle paix » - On peut appeler ainsi la baisse des conflits organisés de toutes sortes depuis la fin de la guerre froide.
  6. « Les révolutions des droits » - On constate la réduction globale de la violence systémique à plus petite échelle contre les populations les plus vulnérables (minorités raciales, les femmes, les enfants, les homosexuels, les animaux).
Sans bien-sûr faire la critique de cette recherche rigoureuse et assidue, regardons quelques éléments qui, me semble-t-il, pourraient la compléter.
Il se trouve, (et je l'ai déjà évoqué) que le développement économique, associé à la paupérisation des classes moyennes et basses, a produit des effets sensibles. Il a participé mécaniquement à cette ouverture aux femmes, avec notamment, l'accès à l'emploi ( il va de soi que les combats sociaux ont fait, en la matière, la plus grosse part du travail).
Cette évolution émancipatrice a sorti hommes et femmes de leurs rôles sociaux anciens, à savoir, schématiquement, le domanial, le cocooning et la procréation pour les femmes, quand, pour les hommes ce sont la guerre, la conquête des biens et la sécurité. Depuis lors, tout un chacun a pu occuper la fonction et le rôle qu'il "souhaite" (ou trouve...).
Ces fonctions sociales, habillées de rôles singuliers, (gendarme, procréatrice, infirmière, nourrisseur, gardien, etc.) tombent alors dans "le domaine public". Cet “accès indifférent”, génère quant à lui, un phénomène de déconstruction des rapports au monde "genrés".
Dans ces conditions, les violences "régulatrices" des “machos”, (une baffe pour affirmer, suivie d'une bière pour s'accorder) deviennent caduques parce qu'absurde ou insuportable.
Ce système de régulation est donc devenu, aujourd'hui obsolète. Par ailleurs, les violences morales, manipulatoires et conversationnelles, de type "mauvaise foi", que l'on considérait propres à la gent féminine ("Tu n'aurais pas grossi ?...") a pris la place laissée vacante par les violences régulatrices.
Ainsi, un nouveau mode relationnel fondé sur des rapports sociaux dissimulés porte une violence morale tout aussi maléfique et perverse.
Ce monde où l'on tue moins physiquement est aussi un monde tout aussi violent en terme d'attaques et destructions morales, et identitaires. Cette violence s’avère manipulatoire, “jugeante”, condamnatoire, “anathèmique”, voire confiscatoire. Elle touche directement l'autodétermination des personnes, leur libre arbitre, leur liberté même à décider qui ils sont et veulent être.
Cette monté des violences dites "féminines" a été contrée judicieusement par toute une population jusqu'alors exclue et marginalisée. En l’espèce, par ceux pour qui la vie sociale de leur sexualité (et donc identité) était toujours "interdite". Il s'agit bien, en cette occurrence, de tous ceux dont le corps ne portait pas l’apanage de leurs orientations sexuelles : les gays, lesbiens, transgenres et bi (LGBT).
Ce sont les mêmes qui, par leur action pour la fierté de ce qu'ils sont, combattent pour eux même et pour la société. Ce sont bien eux, qui ont ouvert la faille dans ces carcans sociaux pour que la tolérance et l'humanisme retrouvent toute leur place. Et ce n'est pas encore gagné.
Le premier succès consiste à dire que l'intolérance est montrée du doigt, elle est effectivement jugée coupable. Et c’est ainsi que le respect de la différence trouve sa place dans le lien social. Il est vrai que l'effondrement des rôles sociaux genrés, socialement distribués, a favorisé la venue d'un règlement de situations propres à ces populations discriminées, réduites jusqu'alors à l'inexistance, c'est à dire à néant.
Le second succès est d'avoir montré que les violences morales sont tout aussi condamnables que les violences physiques. De fait, ces combats sociaux ont mis à l'index toutes les formes de violences de type anciennement masculin ou féminin. Pour autant, leur mise à l'index ne les supprime pas.
Aujourd'hui, dans les organisations, nous ne voyons plus (ou très peu) de violences physiques, mais les violences morales sont tout aussi réelles, et insidieusement très actives.
Il nous faudra encore mener bien des combats moraux et politiques (au sens de la vie de la cité) pour que tout un chacun ne soit plus victime de toutes ces violences.
La vie des organisations, en donne un bel exemple, par la retaylorisation du management.
Cette forme managériale conduit à des pratiques que l’on croyait devenues aussi caduques qu’obsolètes. Au contraire elles reviennent sur le devant de la scène, et avec quelle violence !
Ce sont elles qui nient les gens, leurs compétences et leurs avis, leur intelligence et leurs attentes, tout comme leur désir de réalisation de soi.
Nous y voyons des formes totalitaires inscrites dans des pratiques de violences morales harcelantes. Elles détruisent des vies, des gens, des richesses, des savoirs, et toute marque du vivant.
Dans ces organisations là (et je les penses nombreuses) les gens ont majoritairement arrêté de travailler, de s'engager, de mettre leurs compétences au service d'un objectif, d'un projet, dont ils se moquent par dessus tout... en silence...
Voilà des violences totalement contre productives dont il conviendra de se débarrasser au plus tôt, avant que tout ne s'effondre... si ce n'est déjà le cas.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 17 juillet 2018


 Seven Pinker, La part d'ange en nous, Les Arènes, 2017 (ISBN 978-2352046776). (The best Angel of Our Nature, 2011),

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